Qui a séjourné au Chili, mangé dans les petites gargotes sur les marchés et longé les côtes de caleta en caleta (de port en port), mesurera la richesse de cette mer et son importance pour la subsistance des milliers de pêcheurs et des dizaines de communautés littorales. Il comprendra aussi leur attachement à cette culture marine si bien traduite par le conteur et nouvelliste, Francisco Coloane, fils de chasseur de baleines, et lui-même pêcheur.
Les côtes chiliennes qui se déroulent sur une longueur de plus de 5000 km, recèlent une grande variété de produits de la mer très originaux qui démarquent la cuisine chilienne des autres :
- Curanto à Puerto Montt et à Chiloe (association de coquillages et viandes avec des pommes de terre cuit à l’étouffée dans un trou),
- Ceviche de almejas à Antofagasta (préparation à base de « grosse palourde »),
- Centolla à Punta Arenas (grosse araignée pêchée dans les fjords australs),
- Merluza frita à la Caleta Portales -Valparaiso (merlu frit dégusté directement dans le restaurant des pêcheurs artisanaux en haut de la plage),
- Caldillo de congrio à San Antonio (Pablo Neruda avait dédié un poème à ce plat traditionnel à base de congre),
- Erizo et piure à Chiloe (oursin et ascidie mangés crus et fortement iodés),
- Et toujours à Chiloe, tout autour de cette île, les animaux marins ont développé de grandes dimensions : les couteaux, les palourdes (almejas), les bulots (caracoles), les ormeaux (locos) et surtout les moules géantes (choros zapatos de plus de 20 cm) et les balanes géantes (picorocos d’une chaire délicate).
…Polluée par le saumon
C’est dans ce royaume des produits de la mer à Chiloe que les élevages de saumon ont commencé à s’installer dans les années 1980. Petit à petit, les cages à saumons, le Salar de l’Atlantique et le Coho du Pacifique Nord, vont coloniser toutes les baies, tous les fjords et autres côtes abritées de cette région côtière de la Patagonie chilienne.
Sous l’impulsion d’investisseurs chiliens et surtout étrangers (de Norvège), le Chili est devenu, en quelques années, l’un des plus grands pays aquacoles dans le monde en entrant dans le club des 10 grands producteurs rien qu’avec le saumon. Malgré les dysfonctionnements et le mal-développement dénoncés par les associations environnementalistes, les organisations de pêcheurs artisanaux et les associations des droits de l’homme, la course frénétique à la production devait faire du Chili, le leader mondial du saumon en 2008, devant le pionnier norvégien.
Mais la machine infernale à produire s’est enraillée. Dès la fin de l’année 2007, une maladie avait touché quelques élevages à Chiloe dans la zone à la plus forte concentration de saumon au monde. C’était un avertissement auquel les éleveurs ne tinrent pas compte tant ils étaient sûrs d’eux. Mais la maladie « ISA » était bien ancrée, et elle se diffusa au cours de l’année 2008 dans tous les élevages et contre toute attente jusqu’au Sud du pays à plus de 2000 km de son foyer, en Terre de feu qui est considérée comme la future grande région de la salmoniculture chilienne.
A la fin de l’année écoulée, des milliers ouvriers piscicoles sont mis sur le carreau. Grèves et manifestations se multiplient. En pleine crise financière mondiale, le gouvernement chilien vient au secours des entrepreneurs en injectant dans la filière une somme considérable pour le pays : 450 millions de US$. Cette aide est condamnée par les organisations de la pêche artisanale, représentées au niveau national par la CONAPACH (Confédération nationale à la pêche artisanale chilienne) car cette subvention ne règlera pas les problèmes fondamentaux de cette activité aquacole au développement industriel, à savoir :
- la pollution environnementale et infectieuse, avec la modification des écosystèmes côtiers, et la transmission des maladies dans le milieu naturel. Des milliers de saumons d’élevage s’échappent chaque année et mettent en péril les poissons sauvages à qui ils transmettent des parasites,
- la pollution alimentaire, une menace pour la sécurité alimentaire locale avec le rejet de produits chimiques, de matières fécales et d'aliments piscicoles dans le milieu aquatique : (1) produits chimiques anti-salissures, (2) antibiotiques, (3) colorants, (4) des tonnes d'azote et de phosphore favorisant le développement d'algues toxiques,
- la pollution sociale et culturelle à savoir : (1) non respect des règles de sécurité et infractions aux droits du travail, (2) menaces sur les économies locales, (3) dégradation des ressources alimentaires traditionnelles, (4) non respect des droits des pêcheurs artisanaux.
En désespoir de cause, certains prédisent la fin du saumon au Chili comme Francisco Marin dans un article publié en novembre 2008 dans El Ciudadano : Salmoneras Asquerosas : El Fin de un sucio negocio (Salmonicultures dégoutantes : la fin d'une activité "sale"). La Conapach qui regroupent près de 60 000 pêcheurs, vient de rappeler au gouvernement chilien dans un communiqué de presse du 9 janvier 2008 (Prensa CONAPACH) tous les méfaits de la salmoniculture sur les communautés littorales.
Mais seront-ils écoutés en cette période où il est programmé d'augmenter les concessions d'élevage en mer ?
Philippe FAVRELIERE
Autres articles : Saumon de Norvège, en maître sur la salmoniculture mondiale, toujours aux petits soins des consommateurs français
Articles sur le sujet :
- Chili : Les Indignés de la Génération "Saumon"
- Enquêtes : Du saumon très chargé en toxiques !
- Saumon de Norvège, en maitre sur la salmoniculture mondiale...
- Ce saumon qui dérange : le Chili dans la mondialisation
- Dossier : Saumon / Salmoniculture
Revue de Presse
Le 25 septembre 2009
Marine Harvest ferme l’usine de Tepual au Chili (Seafoodsource)
Marine Harvest a annoncé la fermeture de son usine de transformation du saumon à Tepual avec le licenciement de 513 ouvriers, a rapporté le journal chilien El Mercurio.
Selon Alvaro Jimenez, directeur général de Marine Harvest Chile, la fermeture est temporaire et l'usine rouvrira à la mi-octobre 2010.
L’industrie du saumon d'élevage au Chili est en difficulté depuis la contagion par le virus de l'anémie du saumon à partir de la mi-2007. L'épidémie a conduit à licencier 20.000 personnes au Chili, a déclaré El Mercurio. Marine Harvest est le plus grand producteur mondial de saumon d'élevage.
En avril, la compagnie norvégienne avait fermé son usine de Chinquihue et mis à pied environ 600 travailleurs.
Les activités chiliennes de Marine Harvest ont produit 9283 tonnes de saumon au deuxième trimestre de 2009, soit près de la moitié moins que l’année passée. En Juillet, la société a réaffirmé son engagement à long terme au Chili.
El éxito salmonero Chileno (El Señor de las Moscas 2.0)
Le août 2009
Un délice, le saumon antibiotique du Chili (Effets de Terre)
Ça fait longtemps que les écologistes avaient des soupçons. Le boom spectaculaire de l’élevage de saumon au Chili se fait dans de drôles de conditions sanitaires. On lit dans le New York Times qu’une ONG a enfin obtenu du gouvernement des données sur les quantités de médicaments utilisés pour lutter contre les maladies du saumon encagé. Accrochez vous à l’arète, j’enlève les écailles: l’an dernier, les saumons chiliens ont avalé 325 tonnes d’antibiotiques, révèle Océana… Suite Effets de Terre
Le 28 août 2009
Au Chili, deuxième producteur mondial de saumon, l'"or rose" se tarit (Le Monde)
A 1 000 km au sud de Santiago du Chili, Quellon, dans l'archipel de Chiloé, est devenu une ville fantôme. Les rues sont vides, sauf pour quelques pêcheurs désoeuvrés. "Nous sommes durement touchés par la fermeture de nombreuses fermes aquacoles, car l'industrie salmonicole faisait vivre une grande partie de la population", se lamente le maire, Ivan Haro. Ce port était l'épicentre de la ruée vers "l'or rose", dès les années 1980. Aujourd'hui, 60 % des habitants sont au chômage, et il est au bord de l'explosion sociale.
Deuxième producteur mondial de saumon, le Chili doit abandonner son ambition de détrôner la Norvège. Une épidémie du virus AIS (anémie infectieuse du saumon), apparue en juillet 2007, ne cesse de s'étendre, faisant des ravages. Ce virus, détecté à l'origine en Norvège dès 1984, entraîne une forte mortalité dans les élevages.
La production est en chute libre selon le n° 1 mondial, le groupe norvégien Marine Harvest, qui domine le secteur au Chili. Elle s'est réduite de moitié en 2009. Le virus se propage vite. Cinq sites étaient infectés en juillet 2007, et 74 un an plus tard. L'épidémie oblige à massacrer les poissons malades et à fermer les sites contaminés.
Les compagnies chiliennes accumulent les pertes et doivent licencier. Multiexport Food, la plus grande compagnie chilienne, a perdu près de 49 millions de dollars depuis juin. Marine Harvest a licencié 15 000 employés depuis 2008, selon les syndicats. Au total, le nombre de chômeurs pourrait atteindre 40 000 fin 2009. Ceux qui ont encore du travail doivent accepter des réductions de salaire. Le maire de Quellon se remémore l'époque du "miracle du saumon". Les gains avaient grimpé au Chili de 159 millions de dollars en 1991 à 2,5 milliards de dollars en 2006. A Quellon, le coup de grâce a été "la marée rouge", une bactérie qui rend les fruits de mer impropre à la consommation. Les pêcheurs artisanaux, sans travail, accusent la salmoniculture d'avoir pollué les fjords.
Il y a 550 "fermes à saumons" au Chili, dont 40 % sont entre les mains de multinationales. Le filon le plus exploité est l'archipel de Chiloé, composé d'une quarantaine d'îles, riches en baies protégées, fjords, lacs et fleuves profonds, ce qui lui a valu le surnom de "Salmon Valley".
L'épidémie dévoile les abus de l'élevage intensif et le manque de régulation de la part du gouvernement. "C'est un nouveau Far West, mais sans shérif", lance Juan Carlos Cardenas, directeur du Centre pour le développement durable (Ecoceanos). Cette ONG dénonce les méfaits irréparables sur l'environnement, en raison notamment des déchets organiques rejetés par les saumons. "L'aquaculture est une industrie très polluante, explique M. Cardenas, car elle utilise beaucoup de produits chimiques et d'antibiotiques."
Au mois de juillet, l'ONG Oceana a contraint le gouvernement chilien à révéler que la salmoniculture avait utilisé 385 tonnes d'antibiotiques en 2007, soit 600 fois plus que la Norvège, pour une production quasiment identique cette année-là. "Nous ne sommes pas opposés à l'activité même, mais à la façon dont elle se déroule", précise M. Cardenas. Il réclame un meilleur contrôle des conditions sanitaires. Il est convaincu que le virus AIS a été introduit dans des algues importées de Norvège.
Dures conditions de travail
Au Chili, les multinationales ne respectent pas toujours les normes qui ont cours dans leurs pays. Marine Harvest a été plusieurs fois condamnée pour infractions à la réglementation du travail. Il y a eu 42 décès entre 2005 et 2007, en particulier parmi les plongeurs chargés d'inspecter les cages sous l'eau. Les conditions de travail sont dures, les salaires sont bas, ce qui explique que le saumon chilien soit meilleur marché que ses concurrents norvégien, écossais ou canadien. La salmoniculture employait jusqu'à présent quelque 50 000 personnes, dont plus de 80 % sont des femmes qui travaillent dans des usines, de 10 à 12 heures par jour, debout, dans le froid et l'humidité.
Après le vin, le Chili s'était lancé dans l'aquaculture dans les années 1980, sous la dictature militaire du général Augusto Pinochet. Le "miracle de l'or rose" était censé sortir l'économie de sa dépendance au cuivre, "l'or rouge", dont le Chili est le premier producteur et exportateur mondial. En 2007, avant l'arrivée du virus, le Chili était près de rattraper le niveau de production de la Norvège, avec 650 000 tonnes de saumon, soit 22 fois plus qu'il y a vingt ans.
Aujourd'hui, la crise permet à la Norvège d'accroître encore sa part de marché, notamment aux Etats-Unis, qui étaient jusqu'à présent la chasse gardée des fournisseurs chiliens. La chute de la production chilienne contribue à réduire l'offre de saumon d'élevage et à faire grimper les prix mondiaux.
A Santiago, un projet de loi sur un "plan financier de sauvetage" de l'industrie salmonicole est à l'étude au Parlement. Il permettrait notamment aux multinationales de partir à la conquête de nouveaux sites, plus au sud, vers le détroit de Magellan. Christine Legrand
Le 25 octobre 2009 : Enquête britannique pour connaitre l'origine du saumon chilien
Investigation: How farm fishing boom in Chile threatens eco disaster (Telegraph)
Separated by an ocean, a continent and more than 7,000 miles, Chile seems an awfully long way to go to find sushi for millions of Britons.
The packaging gives no clue to the origins of the “salmon trout”.
Nor does it make clear the disastrous consequences of intensive fish farming along Chile’s once pristine coastline where, according to eco-activists, many farms are plagued by disease and pollution.
There is, of course, no suggestion that the fish served by Waitrose or Pret a Manger, two of Britain’s most environmentally friendly food suppliers, comes from a farm that has prompted concern.
The rise of Chile’s fish industry began about a decade ago when international corporations realised there was money to be made in the blue water off a short stretch of coast around Puerto Montt, 600 miles south of the capital Santiago.
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Le 30 octobre 2009
Japón es el principal mercado de salmónidos chilenos (Seafood Today)
Le Japon est le principal marché du saumon chilien. Au cours des 7 premiers mois de 2009, les exportations se sont élevées à 511 millions de US$ soit une augmentation de 20% mais le volume a diminué de 8,9% pour un volume de 108 709 tonnes...
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Le 23 novembre 2009
Chili : le conflit des Mapuches
Aujourd'hui, les Mapuches se sont mis aussi à revendiquer le sol, mais avec le sentiment plus présent dans la mémoire collective d'avoir longtemps été un peuple maître de son sort. Victor Ancalaf, l'un des dirigeants des communautés mapuches de Collipulli, estime que c'est la mobilisation qui a été « l'instrument d'une récupération progressive de l'espace territorial, et politique. Grâce aux occupations de terres rurales, nous avons repris possession de près de 5 000 hectares pour nos communautés de Collipulli. Nous en réclamons 50 000 autres, les terres qui manquent pour correspondre à nos titres de propriété. En sachant qu'historiquement, la revendication territoriale de notre peuple porte sur 30 millions d'hectares ».
Ce vétéran de la lutte mapuche, auquel son engagement a valu de connaître la prison, s'insurge plus généralement contre les gouvernements de la Concertation qui se succèdent au pouvoir à Santiago depuis le retour de la démocratie. « Sur la base d'une Constitution qui date de l'époque Pinochet, ils ont permis la privatisation des entreprises publiques de notre pays. C'est à dire qu'aujourd’hui sont privatisés les ports, les aéroports, l'eau, et les mines. Les trois-quarts des eaux au Chili ne sont plus chiliennes, mais appartiennent à des entreprises privées. De même que le littoral et la zone de pêche : des entreprises japonaises et chinoises sont en train de pratiquer une pêche sans discrimination jusqu'à menacer la ressource marine ».
Car l'Amérique du Sud n'est plus seulement dans une configuration de grandes propriétés rurales, mais bien aujourd'hui dans une logique de surexploitation quasi-industrielle par des multinationales. Le porte-parole d'une autre communauté mapuche, celle de Pepiukelen, en sait quelque chose : « Dans mon village de la région des Lacs, nous nous battons depuis huit ans contre une entreprise d'élevage de saumon qui s'est lancée, avec l'appui de l'Etat, dans un projet hautement contaminant, à seulement 25 mètres de nos maisons. Conséquence : l'eau et la terre sont contaminées, nos arbres fruitiers commencent à mourir, de même que notre bétail, qui est une source de revenus et de nourriture pour nous tous. Ces entreprises d'élevage de saumon sont dans leur grande majorité norvégiennes. En Araucanie, il y a aussi beaucoup d'entreprises étrangères forestières, et des sociétés minières, toutes des multinationales. Un peu plus loin dans une zone de rivières, ont commencé d'énormes travaux pour édifier cinq centrales hydroélectriques ».
Source : Indiens d'Amérique du Sud : objectif terres (RFI)
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Le 5 janvier 2010
L’industrie du saumon anémiée par un virus (Libération)
Chili . Une maladie a presque détruit, en un an, toutes les fermes d’élevage du deuxième pays producteur.
Tous les matins, des centaines d’ouvriers en uniforme orange fluo envahissent les rues de Quellón. Cette petite ville de 30 000 habitants à la pointe australe de l’île de Chiloé, à 1 200 km au sud de Santiago, n’aura jamais été aussi propre. Les femmes de Quellón balaient, astiquent et plantent, grâce à des emplois d’urgence temporaires, créés par le gouvernement. Il y a encore un an et demi, elles écaillaient, éviscéraient, retiraient à toute vitesse les arêtes des saumons dans la petite dizaine d’usines de transformation de la ville, épicentre de l’industrie, pour le double de leur salaire actuel (180 euros net).
«Exponentielle». Mais l’or rose s’est tari. Depuis plus d’un an, l’industrie du saumon connaît sa crise la plus noire depuis sa naissance dans les années 80, sous l’impulsion de l’ex-dictateur Augusto Pinochet. En 2009, la production de la troisième industrie chilienne (après le cuivre et la pâte à papier) a chuté de moitié. Dans la région de Puerto Montt et Chiloé, où l’industrie concentrait 80% de ses activités, la plupart des «fermes à saumons» sont à l’abandon, les usines de transformation tournent au ralenti ou sont fermées, laissant sur la paille plus de 50 000 travailleurs directs et indirects.
Qu’est-ce qui a provoqué la dégringolade d’une activité qui battait tous les records en 2008, en produisant 650 000 tonnes de saumon pour un chiffre d’affaires de 2,2 milliards de dollars ? Un virus. L’anémie infectieuse du saumon (AIS).
En juillet 2007, le numéro 1 mondial, le groupe norvégien Marine Harvest, première compagnie du secteur au Chili, avoue qu’une partie de sa production est atteinte par le virus. C’est la première fois qu’on en entend parler au Chili. «Mais personne ne bouge, souligne Julio Dölz, chercheur à l’université australe de Valdivia. Ni le gouvernement ni l’industrie n’ont pris de mesure globale immédiate.» .....
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Le 29 avril 2010 : En 2008, la France a importé près de 10.000 tonnes de saumon chilien (eq poids entier - FranceAgriMer).
Le saumon met le turbo (Politis)
Pêché au Chili, ce poisson parcourt seize mille kilomètres avant d’arriver dans les gondoles des grandes surfaces françaises. Une aberration écologique mais également sociale.
Les quelque 360 000 tonnes de saumon « Atlantique » élevé sur la côte… pacifique du Chili ont dû attendre le retour à la normale du transport aérien qui le convoie, frais ou congelé, vers les États-Unis, l’Europe et la France. Un saumon « pas cher » qui se retrouve massivement dans les gondoles des grandes surfaces pratiquant le hard discount. Grâce aux bas salaires des ouvriers et, surtout, des ouvrières qui travaillent 12 heures par jour au Chili dans des conditions difficiles. Grâce aussi au recours annuel, qui serait considéré comme illégal en Europe, à près de 400 tonnes d’antibiotiques destinés à éviter les épidémies dévastatrices dans des élevages surpeuplés. Ces aberrations sociales et écologiques permettent de payer ce voyage de luxe au saumon sur 16 000 kilomètres.
Comme chaque consommateur peut le constater, les œufs de saumon dits « sauvages » en provenance des côtes de l’Alaska font, eux aussi, des trajets aériens comparables avant d’être vendus comme produits de luxe. Ils empruntent les mêmes avions que les saumons sauvages rescapés de la surpêche pratiquée dans cette région. Une surpêche qui explique la multiplication des élevages, comme ceux consacrés au saumon dit « de Norvège », dont une bonne part des 600 000 tonnes produites chaque année voyage également régulièrement par avion. Les Canadiens en expédient quelques dizaines de milliers de tonnes vers l’Europe et la France, qui n’en produit qu’à peine 1 500 tonnes, parce que la main-d’œuvre française est « trop bien payée », selon la grande distribution. Toute l’industrie du saumon, et plus généralement celle du poisson d’élevage, ne survit que grâce à la mondialisation aérienne.
jeudi 29 avril 2010, par Claude-Marie Vadrot
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Le 25 juin 2010
Chili : otaries et baleines menacées par les élevages de saumons (Sciences et avenir)
Au cours d’une étude sur les baleines menée au large des côtes chiliennes, des chercheurs ont pu observer que les dégâts de l’aquaculture intensive s’étendaient toujours plus au sud du Chili, après avoir gravement pollué les eaux de la région de Chiloe et de Puerto Montt.
Saumons d'élevage dans une usine de Puerto Montt, au Chili, l'un des plus gros producteurs mondiaux de saumon. (AFP/Martin Bernetti)
Dans la province chilienne d’Aysén, célèbre pour ses fjords, le parc naturel ne protège qu’une partie des côtes. Autour, des fermes de salmoniculture s’installent, relatent des chercheurs de l’Institut Max Planck et de l’Université de Göttingen (Allemagne), partis à l'origine étudier la communication des mammifères marins. Plus au nord, les fermes ont été abandonnées car les poissons meurent d’une maladie virale introduite dans les élevages –l’anémie infectieuse du saumon. La densité des bacs d’élevage, l’usage intensif d’antibiotiques, le manque d’hygiène ont favorisé l’épidémie.
Otaries victimes des filets
Les fjords patagoniens rendant difficiles l’accès aux côtes, c’est depuis les bateaux que les chercheurs de Göttingen ont découvert cette nouvelle menace environnementale. Marc Timme, Heike Vester et leurs collègues ont ainsi constaté que les jeunes otaries de la région d’Aysén se prenaient parfois dans les filets installés autour des fermes aquacoles. Même s’ils parviennent à s’en dégager, ils peuvent garder autour du cou comme un lacet qui les étouffe lorsqu’ils grandissent, expliquent les chercheurs dans la revue Nature (Communications).
Le cou d'une otarie est cerclée par un morceau de filet. (Heike Vester, MPI for Dynamics and Self-Organization)
Les mesures acoustiques réalisées par les biologistes, qui travaillent sur la structure des sons échangés par les mammifères marins, ont par ailleurs révélé que les générateurs et les bateaux utilisés dans les fermes produisent un bruit constant qui pourrait perturber les communications des cétacés qui nagent dans ces eaux (baleine à bosse, rorqual boréal, dauphin de Peale, dauphin noir..).
Poissons morts
Dans les fermes touchées par l’épidémie et abandonnées au nord de la province d’Aysén, les chercheurs allemands ont photographié des saumons morts, en partie dévorés, flottant à la surface. D’après ces biologistes, des poissons malades ont été simplement enveloppés dans des sacs plastiques et jetés au fond de l’eau, favorisant la diffusion du virus.
Second exportateur de saumons derrière la Norvège, le Chili a développé l’aquaculture sans appliquer les mêmes règles environnementales et sociales qu’en Norvège, le premier producteur. La même entreprise, Marine Harvest, utilise par exemple moins d’un gramme d’antibiotiques par tonne de saumon produite en Norvège, contre 500 à 700 grammes au Chili. Mélangés à la nourriture, ces traitements passent dans l’environnement et sont consommés par les espèces sauvages.
Export
La fuite de saumons hors des cages (alors qu’il s’agit d’une espèce importée), l’utilisation de fongicides, la pollution par les excréments sont autant de problèmes dénoncés par les défenseurs de l’environnement mais aussi par des organisations internationales comme l’OCDE. A cela s’ajoute les mauvaises conditions de travail des employés des fermes et des usines de transformation des poissons. Dans l’autre plateau de la balance, le montant annuel des exportations de saumons et de truites pèse environ 1,8 milliards d’euros.
Cécile Dumas Sciences et Avenir.fr - 25/06/10
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Le 29 juin 2010 : Scandale environnemental au Chili
Chili : Conséquences des élevages de saumon sur l'environnement côtier découvertes accidentellement : Jusqu'à présent, l'ampleur de la menace que font poser les fermes d'élevage de saumon sur la faune du Parc national de la région d'Aysen dans le sud du Chili était totalement méconnue. Les chercheurs de l'Institut Max Planck et de l'Université de Göttingen qui travaillent sur les communications acoustiques entre les baleines de la région ont fait une découverte fortuite. Ils ont non seulement découvert que l'industrie du saumon est en train de s'étendre rapidement dans cette région sud encore préservée, mais aussi qu'elle menace l'existence des otaries locales. De plus, dans certaines fermes abandonnées suite au virus qui a décimé les saumons, les poissons malades ont été sommairement coulés, emballés dans des sacs de plastiques et flottent actuellement, à moitié déchiquetés par des prédateurs. Situation propice à la diffusion du virus à la flore et la faune environnantes. Source : Traduit de Science Daily, 23 juin 2010 par le Collectif Pêche et développement : http://www.sciencedaily.com/releases/2010/06/100622112558.htm
Environmental Scandal in Chile (The Fishsite)
Scientists claim to have discovered the unknown impacts of Chilean salmon farms on coastal ecosystem.
The unexpected discovery was made by researchers from the Max Planck Institute for Dynamics and Self-Organisation and the University of Göttingen, who were studying acoustic communication among the native whales in the region. The researchers not only discovered that the salmon industry is rapidly spreading to the hitherto largely unspoiled south of the region; they also documented the previously unknown threat to the region's native sea lions. The international environmental organisations have expressed their surprise at this accidental discovery. The Göttingen researchers report their observations in the "Correspondence" section of the current edition of the journal Nature.…
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Le 10 août 2010
Salmoniculture chilienne : Une page se tourne sans résoudre pour autant les problèmes !
Victor Hugo Puchi, Président d’Aquachile (plus grande société salmonicole chilienne avec une production supérieure à 100.000 tonnes de saumon par an) quitte SalmonChile, l’agence de développement du saumon d’élevage au Chili. Après avoir accepté cette démission, l'organisation a nommé l'homme d'affaires, Jan Stengel, représentant de Congelados Pacíficos SA et directeur de Pesquera Bío Bío. Modification approuvée par l'actuel président, César Barros. Le nouveau conseil de SalmonChile se compose de : Barros, Stengel, Francisco Miranda (Mainstream Chili), José Ramón Gutiérrez (Multiexport Foods), José Gago (Nova-Austral), Jose Guzman (Agrosuper) et Alvaro Jimenez (Marine Harvest Chili). Source : SalmonChile resignation a 'warning signal' for the industry (FIS)
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Le 23 septembre 2010
Au Chili, l'industrie du saumon ne renoncera pas
Au Chili, la salmoniculture à partir d’espèces exotiques a généré des réactions en chaîne qui remettent en question le saumon dans ce pays. Cependant, l’industrie du saumon revient à la charge.
Selon les estimations de l'industrie, la production salmonicole s’élevait à près de 650.000 tonnes en 2007 et en 2008. Le Chili était en passe de dépasser la Norvège le premier producteur mondial. Après les mortalités massives dues à la maladie ISA, la production a chuté de moitié. En 2010, la récolte est estimée entre 250.000 et 300.000 tonnes. Sur les 55.000 emplois directs et indirects générés par le secteur, il en reste environ 25.000.
Le gouvernement a adopté des mesures qui aurait du permettre de mieux coordonner le développement de cette activité. Cependant, le milieu des affaires est pressé… La nouvelle loi sur l’aquaculture, contestée par les organisations de la pêche artisanale, laisse le champ libre à toutes les dérives. Par exemple : La « privatisation » des zones aquacoles marines est une mesure phare de la nouvelle législation aquacole ; ce qui permet aux entreprises d’hypothéquer leurs concessions en mer auprès des banques en contrepartie de financement pour la relance de l’activité. Pour plus de détails : Industria salmonera no se da por vencida (Tierramerica)
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Le 3 octobre 2010
Le saumon d’élevage chilien reprendra le contrôle du marché étatsunien
Les éleveurs de saumon chiliens projettent d’augmenter la production de 20 % l’année prochaine. En 2012, le Chili reprendra le contrôle du marché américain pour le saumon d’élevage. La Norvège retournera sur ses marchés traditionnels : l’Union européenne, la Russie et l’Asie. Sources :
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Le 11 novembre 2010
Chili : La maladie ISA a couté 2 milliards de dollars aux éleveurs de saumon
Selon Jose Gago, vice-président de SalmonChile (Agence de développement du saumon au Chili), l’anémie infectieuse du saumon (isa en anglais) a fait perdre 2 milliards de dollars à l’industrie du saumon entre 2007 et 2009. Gago, directeur général de deux sociétés salmonicoles (Acuinova Chile et Nova Austral) a aussi déclaré : « Nous ne voulons pas de subventions ni argent de l'Etat. Nous voulons des règles claires et efficaces de contrôle et des sanctions. »
« Toutes les sociétés ont beaucoup perdu, certaines sont dans le rouge. Toutefois, on note que l'industrie du saumon et les activités connexes repartent. » « Nous allons maintenant beaucoup mieux beaucoup mieux. » «Nous avons changé radicalement notre façon de produire du saumon au Chili. Tout d'abord, nous avons adopté 44 mesures sanitaires. »
Alors que Gago faisait ses annonces, une flambée de maladie isa était constatée à l’extrême sud du pays, dans la région Magallanes, une zone jusque là épargnée par la maladie. (Ndlr Le Service national des pêches (Sernapesca) fera-t-il respecter la nouvelle réglementation sanitaire qui oblige le propriétaire de la salmoniculture (à savoir Magallanes Salmon) de détruire tous les saumons et de stopper l’élevage dans les zones contaminées ?) Source : Salmon industry lost USD 2,000 million due to ISA virus (Fis)
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Le 20 novembre 2010
Chili : Le monde du business entrent dans l’élevage du saumon
Les travailleurs de la filière saumon et de nombreux environnementalistes ont exprimé des inquiétudes sur la quantité croissante des acteurs financiers entrant dans le capital de certaines sociétés salmonicoles dans le sud du Chili.
Après la crise vécue dans le secteur piscicole en raison de la propagation de l'anémie infectieuse du saumon (AIS ou ISA) dans de nombreuses exploitations à travers le pays, les employés de l'industrie du saumon et les ONG ont exprimé leurs préoccupations sur la situation de l'emploi et l'usage aveugle des ressources naturelles.
D'autant plus que la Bourse des marchandises (Bolsa de Productos) de Santiago a annoncé qu'il est possible d'assigner une valeur marchande à des concessions en mer dans le secteur de l'aquaculture du saumon. Selon Ricardo Mayorga Casas, président de la Fédération des travailleurs de l'industrie de la pêche à Puerto Montt, il y a des suspicions quant à qui deviendra propriétaire des ressources naturelles dans le pays. Article de FIS : Endless involvement of the financial sector in salmon farming
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Le 19 décembre 2010 : Du saumon impropre à la consommation pour le marché européen
Le travail d’évaluation de Newfoundland Marine Group Ltda en association avec le vétérinaire Jan Gjerde et l’ingénieur-conseil Magnar Bruvik d’Aqua-Lab AS mettent en évidence que la cause de la mort des saumons en question n’était pas leur extraction et leur traitement mais diverses maladies, c’est-à-dire que les poissons étaient morts ou mourants au moment de leur traitement. Néanmoins, les saumons ont été congelés pour leur exportation, pour être vendus aux consommateurs européens.
Santiago du Chili, 3 décembre 2010. (Ecocéanos News) – Les spécialistes de deux prestigieux laboratoires européens, Newfoundland Marine Group et Aqua-Lab AS, ont certifié que le saumon chilien de mauvaise qualité vendu par Multiexport à l’entreprise danoise Vega Salmon, n’était pas apte à être destiné à la consommation humaine. Les analyses et les nécropsies de quelques uns des exemplaires faites par les spécialistes européens ont établi qu’avant d’être intégré dans le processus de commercialisation, les saumons étaient malades ou morts.
Pour cette raison, l’entreprise Multiexport Foods doit faire face à des actions en justice en tant qu’accusée dans la mesure où ces 300 tonnes de saumons inaptes à la consommation humaine ont été vendues en tant que produit « premium » à l’entreprise danoise qui avait payé anticipativement 1 170 550 dollars. Selon l’avocat représentant la compagnie, Francisco Pinochet, « Sernapesca a débuté une enquête. Mais elle s’est trouvée face à quelques difficultés pour obtenir les informations concernant la traçabilité des saumons. Multiexport Foods lui aurait répondu que ces mêmes informations n’étaient plus disponibles du au tremblement de terre de février. Cela pose problème pour savoir exactement dans quelle usine a été opéré le massacre des poissons.
La traçabilité des aliments constitue une des principales exigences des marchés internationaux. En outre, selon le juriste, ces produits ne possèderaient pas le certificat sanitaire du Service National de la Pêche (Sernapesca). Ce certificat restent entre les mains d’entreprises privées. La misión de Sernapesca est de garantir la qualité sanitaire des produits de l’exportation, afin de respecter les conventions sanitaires des pays importateurs de produits de la pêche et de l’aquaculture.
Laboratoires européens….
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Le 8 janvier 2011
Saumon du Chili : Aquachile entre en bourse
Aquachile, la plus grande société salmonicole au Chili a introduit 30% de son capital en bourse pour une valeur de 235 millions de dollars US. Cette société présidée par Víctor Hugo Puchi avait passé la barre annuelle de 100.000 tonnes de saumon avant que ne s’abatte la maladie du saumon ISA avec une chute de la production nationale de près de 50% en 2010. Au niveau mondial, Aquachile se situait alors à la troisième place des producteurs de saumon d’élevage, après les deux norvégiens, Marine Harvest et Cermaq. Cette introduction en bourse est une alternative à l’endettement auprès des banques selon Alfonso Marquez de la Plata, gérant d’AquaChile. Source : AquaChile looks set to enter stock market (Fis)
Le 14 mai 2011
Saumon. Marine Harvest croit toujours au potentiel chilien
Chili : le volcan Puyehue sème la pagaille dans les fermes de saumon (Zegreenweb)
Les fermes aquacoles de saumon préfèrent appliquer des mesures préventives pour se protéger des suites de l’éruption volcanique du 4 juin dernier
Situé dans les Andes chiliennes, le volcan Puyehue est entré en éruption le 4 juin dernier après un demi-siècle de sommeil. Peut être moins médiatisé que le célèbre volcan islandais Eyjafjoll qui avait provoqué une pagaille monstrueuse dans le ciel européen l’an passé, ce volcan chilien a émis un panache de cendres beaucoup plus dense dans l’atmosphère. La situation inquiète donc le service national chilien des pêches (Sernapesca), qui a décidé de transférer plus de cinq millions de saumons élevés dans trois fermes situées dans le sud du pays par mesure de précaution. Les autorités se veulent tout de même rassurantes et assurent qu’ils ne s’agit juste que de mesures préventives afin d’éviter la mort de millions de saumons en cas de pollution des rivières. Il s’agit des saumons élevés dans les lacs Puyehue et Ranco qui ont été transférés dans des zones plus sûres selon les autorités.
Le principe de précaution est de rigueur puisque pas plus tard que la semaine dernière, Guillermo Rivera, directeur régional des services de Los Rios, avait confirmé publiquement l’interruption soudaine des flux normaux de la rivière Nilahue aux conséquences fatales pour un peu plus de quatre millions de saumons d’élevage. Afin d’éviter toute pollution liée à la décomposition des poissons, la Sernapesca a commencé à retirer les saumons morts et Caroline San Martin, responsable régionale de l’aquaculture, se veut rassurante et assure qu’aucun cas de mortalité ou d’autres effets associés à ce phénomène n’a été recensé sur la faune locale suite à cette hécatombe.
César Barros, président de SalmonChile a confirmé qu’une seule entreprise a été touchée par cette éruption volcanique et que l’industrie chilienne ne serait pas affectée par cette catastrophe naturelle. Rappelons que l’anémie infectieuse du saumon (syndrome ISA) avait fait chuter en 2008 la production chilienne de 68 % en deux ans. Depuis, la situation s’est nettement améliorée et les exportations sont reparties à la hausse depuis que le Chili a annoncé vouloir moderniser ses pratiques aquacoles si longtemps décriées. Créée il y a vingt ans pour sortir l’économie du pays de sa dépendance au cuivre, est même appelée l’ « or rose », cette activité à fort impact environnemental est aujourd’hui la deuxième source de devises du pays. La filière a donc les moyens d’enfin verdir ses pratiques.
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Reportage : L’épopée du saumon chilien (RFI)
Radio France International : C’est pas du vent du samedi 25 juin 2011 par Anne-Cécile Bras
La demande mondiale de poissons et de fruits de mer est en forte hausse, notamment sur les marchés asiatiques ! L'aquaculture, c'est-à-dire le poisson d’élevage représente déjà presque la moitié de la consommation totale, et cette proportion va rapidement augmenter car la surpêche entraîne une baisse des stocks de poissons sauvages dans presque tous les océans… Le problème, c’est que des élevages mal gérés peuvent avoir des conséquences environnementales catastrophiques, comme le prouve l’expérience chilienne… en 2007, le Chili était sur le point de devenir le premier producteur et exportateur mondial de saumons d’élevage, détrônant ainsi la Norvège… mais en quelques mois, le virus ISA a tué 80% des poissons ! Aujourd’hui, ce secteur économique relève la tête et retente l’expérience dans les eaux vierges de la région australe et du détroit de Magellan. Les pratiques ont-elles changé ou faut-il s’attendre à une nouvelle crise ?
Alain Devalpo s’est rendu dans la ville de Puerto Montt, la porte d’entrée de l’archipel de Chiloé.
Le 09 septembre 2011
Ouverture du Centre Fraunhofer pour les systèmes biotechnologiques au Chili (BE)
Le Ministre chilien de l'économie Pablo Longueira et le professeur H.J. Bullinger, directeur de la Société Fraunhofer (FhG) ont inauguré le 1er septembre 2011 le premier centre Fraunhofer sur le sol sud-américain. Le Centre Fraunhofer pour les systèmes biotechnologiques est situé à Santiago du Chili, d'où les scientifiques doivent développer et optimiser de nouvelles technologies pour des secteurs clefs de l'économie chilienne. Les projets vont réunir les chercheurs des deux pays autour de thèmes tels que l'aquaculture, les énergies renouvelables, l'agriculture et la bioinformatique. Cette initiative fait suite à la création de la Fondation de recherche Fraunhofer Chili le 4 octobre 2010. Pour la partie allemande, les partenaires sont issus de l'Institut Fraunhofer de biologie moléculaire et d'écologie appliquée (IME) d'Aix-la-Chapelle (Rhénanie-Du-Nord-Westphalie).
Les systèmes biotechnologiques constituent un nouveau champ exploratoire en science du vivant. Ils se focalisent sur la compréhension des processus dynamiques et complexes au niveau des cellules, organismes et écosystèmes. Pour cela, il est nécessaire de créer des modèles informatiques à l'aide d'outils de simulations mathématiques qui sont ensuite appliqués à des problèmes réels que l'on rencontre par exemple dans différentes industries.
L'aquaculture chilienne a été fortement touchée pas la crise de l'anémie infectieuse du saumon (ISA ou AIS). Dans le but d'éviter que ce genre d'incidents ne se reproduisent à l'avenir, les chercheurs de l'Institut Fraunhofer IME, ceux du nouveau centre Fraunhofer chilien et les partenaires de la Fundación Chile vont développer de nouvelles méthodes rapides de détection des maladies des poissons. Par la suite, de nouveaux vaccins peuvent être développés. La biologie computationnelle est ici utilisée afin de faciliter les processus d'innovation et d'intégrer un ensemble de données développées à l'aide de technologies issues de la génomique.
Aussi, le département Fraunhofer pour les nanotechnologies au sein de l'Université Talca a eu recours à des modélisations informatiques avancées afin d'identifier les polymères intelligents permettant de retirer des petites molécules indésirables du vin, des jus de fruits ou de l'eau. Les simulations sur ordinateur ont déjà permis d'identifier des propriétés structurelles clefs au sein de ses polymères qui interagissent avec les principaux agents contaminants de l'eau. De plus, les chercheurs ont développé de nouvelles méthodes informatiques pour analyser les interactions moléculaires. Un nouveau spectroscope de masse, unique au Chili, doit permettre de faciliter l'analyse au sein de la structure mais aussi offrir des services d'analyse pour des clients extérieurs.
Le groupe travaillant sur les énergies et ressources renouvelables à la Pontificia Universidad Católica de Valparaiso mène des travaux sur des stratégies de piégeage du carbone. De nouvelles souches de micro-algues peuvent être adaptées et manipulées afin d'offrir une capacité de capture du carbone maximale dans une configuration industrielle. Ces organismes sont aussi utilisés pour produire des produits à forte valeur ajoutée utilisables comme additifs dans l'industrie alimentaire ou comme neutraceutiques. Un transfert technologique a déjà commencé avec de petites entreprises locales du domaine des énergies renouvelables. Notamment afin de monter une usine pilote. Dans le même temps des souches locales de Jatropha vont être améliorées afin de produire des biodiesels. D'autres projets s'occupent de produire des pissenlits russes utilisés pour la production de caoutchouc naturel et d'insuline. Ces projets se focalisent sur le développement de plateformes biologiques renouvelables. Des projets d'ingénierie viennent compléter ces travaux afin d'établir des conditions d'extraction optimales pour ces biomatériaux.
D'autres scientifiques de la Pontificia Universidad Católica de Valparaiso travaillent sur la bioinformatique extensive pour identifier les régions propices sur les protéines pouvant être développées comme peptides thérapeutiques. Des stratégies sont développées afin de contrôler les maladies chez les animaux d'élevage et les êtres humains. Dans un premier temps les maladies virales et bactériennes seront ciblées, mais par la suite des stratégies contre les maladies fongiques seront développées….
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Le 13 octobre 2011
Chili : Un nouveau virus dans les fermes d’élevage de saumon (CPD)
Semapesca, organisme national de la pêche chilienne, a repéré un virus affectant le coeur et les muscles (nommé HSMI) des saumons des fermes d’aquaculture. Le taux de mortalité des saumons affectés par ce virus - qui existe également chez le premier exportateur mondial de saumons, la Norvège - oscille entre 1 et 3 %, ce qui est beaucoup moins que le virus ISA qui a frappé l’aquaculture chilienne en 2008. Le virus a été détecté dans dix fermes d’élevage en eau salée et plus récemment dans une ferme d’élevage en eau douce.
Source : Antonio Esposito, WSJ,
Traduit de Samudra News Alert, 12 octobre 2011
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Novethic : Vous abordez dans ce documentaire la grande épidémie qui a touché entre autres les élevages de saumon chiliens infectés par le virus IAS. Que se passe-t-il avec les poissons qui contractent ce virus et quel impact a-t-il sur les salariés de Marine Harvest ?
Wilfried Huismann : Le poisson infecté saigne intérieurement et il n’existe pas de traitement contre ce virus [qui ne constitue pas une menace pour l’espèce humaine, ndlr]. On doit alors tuer les saumons malades qui, au Chili, atterrissent ensuite dans la production de farine de poisson. Elle sert par la suite à nourrir les saumons d’élevage. Ce sont les plongeurs qui doivent ramasser les poissons mort ou malades. Ils doivent plonger par tous les temps, y compris quand la mer est agitée, et ils doivent plonger trois fois plus longtemps et plus profond que la loi chilienne ne le permet. Mais personne ne vient contrôler et pourtant ils risquent leurs vies en plongeant dans ces conditions. Durant ces dix dernières années, cent plongeurs sont morts au Chili, contre un en Norvège. Le plongeur Cristián Soto a perdu beaucoup de ses amis. Les conditions de travail sont catastrophiques, la société économisent sciemment sur les équipements techniques qui permettrait d’assurer la sécurité des plongeurs. Lors de mes interviews, ils m’ont dit que des plongeurs morts coutent moins chers à la société que ces équipements techniques.
Qui est John Fredriksen, le principal actionnaire de Marine Harvest ?
John Fredriksen est un investisseur à la tête d’une fortune privée estimée entre 5 et 10 milliards d’euros. Il détient des plateformes pétrolières ainsi que la plus grande flotte de pétroliers au monde. Il n’a donc au départ rien à voir avec l’industrie du saumon. Lorsqu’il a perçu les gains possibles offerts par cette industrie, il a racheté une entreprise au bord de la faillite qu’il a ensuite fusionnée avec deux autres. Et il est devenu d’un coup le numéro un mondial de l’industrie du saumon. C’est un investisseur qui cherche toujours à être le plus grand. Il vient d’un milieu très modeste, n’a rien hérité de ses parents, et a toujours dû faire ses preuves. C’est une personnalité très timide, il évite tout contact avec le public mais il est aussi hargneux et dangereux dans les affaires. J’ai interviewé deux journalistes économiques norvégiens qui se sont penchés sur l’origine de sa fortune et qui dévoilent les sources mafieuses de cette fortune.
Voir le film intégral en espagnol, cliquer "Salmonopoly, Fiebre de Salmon"
Vous avez filmé au Chili en 2009. Savez-vous ce qu’est devenu Cristián Soto ?
Comment expliquer les ravages du virus AIS dans les fermes de Marine Harvest ?
Qui sont les habitants de cette région du Chili travaillant dans ces fermes aquacoles ?
Qui est John Fredriksen, le principal actionnaire de Marine Harvest ?
Pourquoi vous êtes-vous concentré uniquement sur Marine Harvest sans évoquer l’autre géant du saumon, le norvégien Cermaq ?
Cliare Stam à Francfort (Allemagne)
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Vancouver - L'Agence canadienne d'inspection des aliments affirme qu'elle a découvert un autre cas présumé de saumon infecté, mais qu'il lui faudra plusieurs semaines pour effectuer les vérifications nécessaires.
L'organisme fédéral a confirmé cette semaine qu'un laboratoire de l'université de l'Île-du-Prince-Édouard avait détecté le virus de l'anémie infectieuse du saumon chez un saumon coho de la Colombie-Britannique. Un laboratoire du ministère de la Pêche et des Océans situé à Moncton, au Nouveau-Brunswick, travaille présentement à valider les résultats.
Les observateurs du débat qui oppose les propriétaires de fermes d'élevage de saumons et leurs détracteurs depuis près de 20 ans soutiennent que, si la présence de la souche européenne du terrible virus est confirmée, cette découverte pourrait fournir aux écologistes le prétexte qu'ils attendent depuis longtemps pour monter aux barricades.
Selon Peter Robson, l'auteur du livre «Salmon Farming: The Whole Story», si les échantillons testés présentement s'avèrent une variante du virus que l'on retrouve ailleurs dans le monde, cela pourrait causer beaucoup de tort à l'industrie canadienne du saumon puisque cela voudrait dire qu'une maladie aurait été importé au pays pour la première fois de l'histoire de ce secteur.
Cette nouvelle survient à un moment important en Colombie-Britannique. La Commission Cohen, qui examine les causes de la crise du saumon rouge (Sockeye) de la rivière Fraser en 2009, a en effet annoncé vendredi qu'elle tiendrait deux jours d'audience publique à la mi-décembre afin de recueillir des renseignements sur le virus, entendre de nouveaux témoins et recevoir de nouvelles preuves. Source : Métro
Remarque : La Colombie Britannique est la 4e zone d'élevage de saumon atlantique dans le monde, après la Norvège, le Chili, l'Ecosse (y compris Shetland). Beaucoup de pêcheurs de cet Etat canadien vivent de la pêcherie de saumon sauvage du Pacifique (Sockeye, Coho, Chum, Chinook,...) ; ils sont opposés à cet élevage de saumon atlantique qui a été développé depuis plus de 20 ans par les multinationales norvégiennes dans leur région.
17 avril 2012
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