50 millions c’est le nombre de personnes qui mangent tous les jours dans les cantines gérées par la multinationale française Sodexo, le n°1 mondial de la restauration collective. 50 millions de collégiens, de lycéens, d’étudiants, de fonctionnaires, d’employés, de travailleurs, de malades et de retraités en France, en Europe et en Amérique du Nord vont passer au régime tropical : Panga du Vietnam et Tilapia de Chine…
Une nouvelle aberration de la mondialisation sous couvert de « Produits de la mer responsables » !
Depuis le 1er octobre 2010, plus de raie, de flétan, de dorade rose et près de 10 autres espèces au menu des cantines Sodexo, toutes des espèces menacées pour le WWF, le nutritionniste des océans et des côtes. Dans le cadre de son " Better Tomorow Plan " et de son partenariat avec WWF, Sodexo lance une nouvelle filière " Produits de la Mer Responsables " au niveau européen.
Mange panga et tilapia, et protège les poissons marins menacés ?
En effet comme l’écrit Le Chef « Sodexo protège les espèces de poissons menacées » : « ….suite à un constat alarmant concernant l'épuisement des ressources aquatiques : 85 % des espèces sont pleinement exploitées ou surexploitées, la consommation française de poisson pour l'ensemble de l'année 2010 a été atteinte dès le mois de juin, et la France comme l'Europe ne s'auto-suffise plus en matière de pêche. Aussi, deux nouvelles espèces ont fait leur apparition dans les menus Sodexo : le Panga de Chine et le Tilapia du Viet Nam (ndlr ou plutôt Panga du Vietnam et Tilapia de Chine). Ces deux poissons, qui se nourrissent essentiellement de végétaux, ont un faible impact environnemental, tout en respectant la biodiversité marine. »
Mange panga et tilapia, et tourne le commerce mondial du poisson
En effet, contrairement au communiqué de presse de Sodexo, le panga et le tilapia qui en principe sont essentiellement herbivores ou omnivores, mangent des quantités très importantes de farine de poisson dans les élevages industriels de Chine et du Vietnam. Des farines de poisson importées principalement du Pérou et du Chili. Contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas les piscicultures de poissons carnivores qui consomment le plus de farines de poisson dans le monde, mais les élevages industriels de poissons herbivores : carpe, tilapia et panga.
Plusieurs rapports mis en ligne depuis le début de l’année 2009, Feeding aquaculture in an era of finite resources et Aquaculture Navigates Through Troubled Waters, nous alertent sur les dérives de l’aquaculture mondiale.
Les chercheurs de l’Université de Stanford aux USA, et tout particulièrement Rosamond L. Naylor, travaillent depuis de nombreuses années sur la thématique : productions alimentaires, environnement et sécurité alimentaire. Les productions halieutiques et notamment l’aquaculture font partie de leurs champs de travail.
« L'aquaculture produit maintenant la moitié des produits halieutiques consommée dans le monde », selon les chercheurs. « Alors que les activités aquacoles deviennent de plus en plus efficaces, elles mettent également une pression significative sur les ressources halieutiques en consommant de grandes quantités d'aliments fabriqués à partir de poissons sauvages capturées en mer », ajoutent-ils.
En 2006, la production aquacole se chiffrait à 51,7 millions de tonnes. Dans le même temps, près de 20 millions de tonnes de poissons sauvages étaient capturées pour la production de farine de poisson. « Jusqu'à 5 kilos de poisson sauvage pour produire 1 kilo de saumon, et nous mangeons beaucoup de saumon », ont-ils déclaré.
Les chercheurs dénoncent aussi l’intensification des élevages de poissons herbivores en eau douce comme la carpe chinoise et le tilapia. Ces espèces piscicoles ne mangent pas en principe de protéines animales, mais depuis les années 90, ces élevages considérés généralement plus « écologiques » absorbent des quantités de plus en plus élevées de farines de poisson, dans des proportions moindres dans leur ration alimentaire, mais globalement plus importantes que l’ensemble des élevages d’espèces carnivores.
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Autre information : Prix Pinocchio 2010
Sodexo est nominé au prix Pinocchio du développement durable 2010, une opération des Amis de la Terre, en partenariat avec le CRID et Peuples Solidaires.
Les Amis de la Terre ont lancé le 13 octobre 2010 le vote public des internautes pour l’élection des Prix Pinocchio 2010. Douze entreprises françaises ont été nominées et concourent dans trois catégories : Environnement, Droits Humains et Greenwashing. Toutes se disent en faveur du "développement durable" alors que leurs impacts réels sont lourds et négatifs pour l’environnement ou les populations locales. A l’issue du vote, une cérémonie publique de remise des prix sera organisée le 9 novembre 2010 au Comptoir Général à Paris.
- Prix Pinocchio "Droits humains" (Sodexo - JL Vilgrain, Somdiaa, Sosucam – Orange - GDF-Suez)
- Prix Pinocchio "Environnement" (AXA – Total – Eramet – Alstom)
- Prix Pinocchio "Greenwashing" (Crédit Agricole - SNCF Zéro Carbone - Aéroport de Beauvais-Tillé - Renault/Dacia)
Pour plus d’informations : Prix Pinocchio du développement durable 2010
Et pour voter jusqu’au 9 novembre 2010 cliquer Ici
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Le 2 juin 2011
Pêche Durable : Compass Group France annonce les premiers restaurants certifiés MSC (Neorestaurant)
Compass Group France s’engage auprès du Marine Stewardship Council (MSC) en certifiant sa chaîne d'approvisionnement en produits de la mer du pêcheur jusqu’au consommateur.
Compass Group France a obtenu la certification de sa chaîne d’approvisionnement, de sa Direction des achats, ainsi que de restaurants candidats à la certification. Ces 5 sites de restauration vont pouvoir proposer des produits écolabellisés MSC.
La certification MSC permet de garantir aux consommateurs que les produits de la mer qui portent le logo bleu et blanc du MSC sont issus d’une pêche durable. Le référentiel MSC pour la pêche durable repose sur trois grands principes : la santé des stocks de poissons sauvages, le respect des écosystèmes marins et l’efficacité du système de gestion de la pêcherie. En aval de la certification des pêcheries, tous les intervenants de la filière, dont Compass, doivent être certifiés sur leur traçabilité jusqu’aux consommateurs, afin de garantir que les produits portant l’écolabel sont bien issus d’une pêcherie certifiée MSC. Pour Edouard Le Bart, responsable du MSC en France, « c’est une nouvelle étape de franchie pour le MSC puisque la restauration représente 30% de la consommation de produits de la mer en France. Je félicite Compass Group France pour cette certification et surtout pour son engagement pionnier à offrir un choix responsable aux clients des restaurants certifiés, en espérant qu’ils montreront la voie à d’autres rapidement ».
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Le 8 juin 2011
Sodexo a signé un accord mondial avec le Marine Stewardship Council (MSC) dans le but de :
- promouvoir les produits de la mer certifiés MSC dans les 80 pays où le Groupe est présent et de favoriser la sensibilisation et la collaboration avec ses clients et ses consommateurs.
En s’engageant à acheter des poissons et des fruits de mer issus de la pêche durable, Sodexo va contribuer activement à la lutte contre la diminution des ressources de la mer et à la protection de la biodiversité marine.
L’initiative de Sodexo en faveur de la pêche responsable s’inscrit dans le cadre du Better Tomorrow Plan1, la feuille de route stratégique de développement durable du Groupe. Sodexo a défini sa stratégie mondiale en faveur de la pêche responsable en se basant sur 5 piliers indissociables :
- maintenir une grande variété d’espèces dans ses catalogues et menus
- interdire certaines espèces menacées et mettre en œuvre des mesures de contrôle pour les autres espèces
- utiliser les Eco-standards ou les Ecolabels
- mettre en place une filière d’achats en provenance de l’aquaculture
- travailler en collaboration avec le WWF pour développer la stratégie en matière d’achats responsables.
Damien Verdier, Directeur Marketing Groupe de Sodexo, en charge du Marketing de l'Offre, de la Fidélisation Clients, des Achats et du Développement Durable a déclaré : « Sodexo est la première entreprise de restauration à signer un accord mondial avec MSC pour assurer la promotion des produits de la mer issus des filières durables et certifiés. Il a pour but de susciter un climat collaboratif afin d’améliorer la gestion des pêcheries et favoriser la prise de conscience de l’importance des enjeux de la pêche durable mais aussi d’encourager nos fournisseurs, nos partenaires et nos clients à participer au programme MSC ».
Sodexo a déjà mis en œuvre de nombreuses initiatives visant à promouvoir les produits de la mer issus des filières durables MSC, parmi lesquelles :
- Aux Pays-Bas, Sodexo a été la première entreprise de restauration à obtenir, en 2009, la certification et l’écolabel MSC.
- Au Royaume-Uni et en Irlande, Sodexo compte déjà 1 000 sites certifiés MSC,
- En France, en décembre 2010, la chaîne d'approvisionnement du Groupe a été évaluée par Bureau Veritas Certification qui l’a reconnue conforme aux exigences de MSC en matière de traçabilité. Sodexo en France propose des produits certifiés MSC comme la Morue (du Pacifique), le Lieu (d’Alaska), ou encore le Hoki (de Nouvelle Zélande) sur ses sites clients.
Nicolas Guichoux, Directeur Général Europe de MSC, a déclaré: « Nous sommes ravis de voir une des plus grandes entreprises de restauration du monde prendre un tel engagement en faveur des produits de la mer issus de filières durables et certifiés. Leur leadership contribuera à transformer le marché global des produits de la mer en un marché plus responsable, ce qui est aussi l’une des priorités de MSC. »
Le 8 juin 2011, Sodexo et MSC célèbrent conjointement la Journée mondiale des Océans dans les sites où le Groupe opère afin de sensibiliser le public aux enjeux de la pêche responsable.Pour en savoir plus sur la stratégie du Groupe et ses initiatives en faveur de la pêche responsable, rendez-vous sur www.sodexo.com.
Commentaires
Pour une fois, je me permets une petite note discordante, ce qui n'enlève rien au fait que votre blog soit à mes yeux de grande qualité.
L'argument sur les espèces herbivores qui consomment des farines de poisson commence à être largement connu. Le travail de Naylor et al. date de 2000 ! Et tous les analystes s'accordent à penser que l'avenir est relativement optimiste de ce point de vue, ne serait-ce que parce que quasiment tous les laboratoires de nutrition des poissons du monde travaillent sur des aliments alternatifs (ce qui ne va pas d'ailleurs sans poser d'autres problèmes, mais c'est un autre débat).
Par contre, la nouvelle à l'origine de votre billet m'interpelle à titre personnel sur d'autres questions d'actualité, comme les chaines de commercialisation courtes. Sont-elles inenvisageables dans la restauration collective ? L'avenir n'est il pas dans un panachage des sources d'approvisionnement en produits aquatiques ? Juste quelques remarques à chaud, mais encore une fois, j'espère que vous n'y verrez pas une critique car votre site est toujours une excellente source d'information et de réflexion.
Bien cordialement.
Lionel Dabbadie
Merci pour vos commentaires… Le débat est ouvert… Internet est un bon moyen de débattre et d’échanger nos expériences…
Pour moi, le Panga et le Tilapia sont devenus des otages de la mondialisation du marché des produits de la mer. Au cours de ces 15 dernières années, Panga et Tilapia représentent incontestablement les deux grandes réussites piscicoles des pays du Sud. Mais cette réussite peut se retourner contre eux….
Une réussite avec le développement piscicole d’espèces très rustiques dont les techniques d’élevage sont facilement transférables auprès des paysans-aquaculteurs, contrairement à celles des espèces carnivores produites dans les pays du Nord ou sous couvert des pays du Nord comme au Chili. Une réussite par la valorisation des vastes plans d’eau de ces pays tropicaux et par l’aménagement des zones humides comme les bas-fonds en Afrique… un moyen de lutter contre des maladies comme le paludisme…
Panga et Tilapia sont des otages de la mondialisation sous couvert de produits de la mer responsables. Le développement des flux commerciaux vers le Nord, essentiellement pour des raisons de coût de revient et non d’écolabel, contribue à transférer en masse des protéines animales à partir des pays du Sud vers le Nord. Des protéines animales d’origine piscicole qui valorisent actuellement des farines de poisson, mais qui bientôt vont pomper les protéines végétales produites dans ces pays… Je ne parle pas des incidences de ces importations massives sur les activités aquacoles et de pêche dans les pays du Nord : Chute des cours qui met en péril des secteurs entiers comme l’élevage de poisson-chat aux USA… http://aquaculture-aquablog.blogspot.com/2010/10/aux-usa-les-pisciculteurs-naiment-pas.html
Des grandes chaines de restauration se sont engagées dans le local comme « Bon Appétit » aux USA. Pourquoi Sodexo s’intéresse-t-il tant au panga et au tilapia et délaisse-t-il les productions halieutiques locales ? Le cours mondial des filets de panga et de tilapia !
J’en profite pour vous remercier pour toutes les infos du monde que j’intercepte sur le twitter
A bientôt
Philippe Favrelière