Aquaculture/Pêche : A la recherche d’une stratégie de développement halieutique...
En 1986, la France produisait 243.671 tonnes de poissons en aquaculture et environ 6000 de moins en 2008. Nous sommes passés du 11ème rang au 19ème rang de production. La Chine est n°1, le Vietnam n°3 et le Bangladesh n° 6 avec plus d’un million de tonnes produites… Plus généralement, nous faisions partie des 20 premiers exportateurs mondiaux de produits de la pêche et de l’aquaculture en 1986. En 2008, nous ne figurons plus dans cette catégorie. Le Danemark, l’Espagne, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Suède et le Royaume-Uni y sont encore… Sans commentaire.
Sur France 3, l’émission Avenue sur l’Europe a débuté l’année avec un dossier consacré à l’aquaculture « L’Europe sous le signe des poissons ». La France et l’Union européenne sont des nains en matière d’aquaculture. Les Européens ont décidé de relever le défi.
Comment relever le défi ? L’émission a proposé plusieurs reportages sur la pisciculture marine, saumon en Ecosse, bar en France, thon rouge en Espagne !
Dans le cas de la France, le reportage note la faiblesse du pays avec ses 40 fermes marines ! Un vrai parti pris ! Réduire l’aquaculture française à la pisciculture marine sans parler des milliers de fermes marines conchylicoles et des centaines de fermes piscicoles d’eau douce !
Sur le blog de l’émission Avenue sur l’Europe, Alain Cadec, eurodéputé breton et vice-président de la commission pêche au Parlement européen en remet une couche en insistant sur la pisciculture marine !
Pourquoi insister ? Les principaux pays aquacoles (cités ci-dessus) s'appuient principalement sur des productions de poissons d'eau douce, de coquillages et d'algues... A l'exception des régions salmonicoles où les multinationales norvégiennes sont installées : Chili, Canada, Royaume-Uni et Norvège, ainsi que plusieurs pays méditerranéens pour le bar et la daurade....
A la recherche d’une stratégie de développement halieutique...
Avec l'Internet, Ifremer nous ouvre ses bibliothèques à des documents précieux comme la thèse de doctorat de Bernard Gilly sur les systèmes aquacoles en France.
Préparé au département de Stratégies de Développement et d'Aménagement de l'Ifremer, ce document daté de 1987 donne une analyse du développement aquacole de notre pays qui est toujours d’actualité. Une analyse avec un modèle d’aide à la décision que devraient lire tous les décideurs en mal de développement aquacole…
En 1987, Bernard Gilly se posait la question de savoir pourquoi la France n’arrivait pas à développer son aquaculture toujours ancrée dans la conchyliculture « traditionnelle » alors que d’énormes investissements avaient été consacrés à l’aquaculture dite « nouvelle ». Dans les années 1970/80, la France était à la pointe de la recherche aquacole mondiale.
25 ans plus tard, les interrogations de Bernard Gilly sont toujours actuelles ainsi que les analyses et les réponses apportées dans le document : "Les systèmes aquacoles en France : Analyse du développement de la recherche et modèle théorique d’aide à la décision".
Le secteur des cultures marines en France est souvent assimilé, dans les discours dominants, à l'aquaculture nouvelle (poissons ou crustacés élevés en mer) dont la production reste anecdotique. Dans la pratique, les élevages d'huitres et de moules (aquaculture traditionnelle) représentent un secteur d'activité d'un poids économique équivalent à celui des pêches maritimes.
Les discours dominants, étatiques, corporatistes et scientifiques, sur l'aquaculture nouvelle ont constitué un "paradigme aquacole", pérennisé sous la forme d'un système de représentations idéologiques empruntées à d'autres secteurs (en particulier au secteur agricole). Ignorant l'efficacité, la complexité et le déterminisme des différents systèmes de valorisation aquacoles, ce paradigme repose sur un modèle évolutionniste que l'analyse de l'histoire récente ne permet pas de confirmer.
Les différents résultats montrent que les freins au développement se situent au niveau de l'entreprise, vecteur essentiel d'un développement du secteur. Ils sont liés à la nature et au niveau de l'investissement d'une part, et d'autre part à l'évaluation des risques et incertitudes liés à la dépendance de la production par rapport à 1'environnement et aux imperfections des marchés des produits aquacoles.
Un modèle théorique d'aide à la décision de l'entreprise utilisant la programmation linéaire est présenté, avec un double objectif :
- obtenir une représentation du comportement général d'une firme aquacole indépendamment de sa ou ses productions, en tenant compte des facteurs de risque et d'incertitude ;
- permettre l'utilisation ultérieure de ce modèle pour fournir, aux investisseurs, aux organismes d'aménagement et à la recherche, un outil à multiples fonctions : sensibilité des résultats à des modifications de certains facteurs maîtrisés ou non par l'entreprise, faisabilité économique en univers incertain, simulation de l'évolution optimale des entreprises à plus ou moins long terme.
En Norvège, Bernard Gilly serait probablement à la tête d’une multinationale d’aquaculture. Au Japon ou en Chine d’une multinationale de pêche, …. En France, cet ingénieur agronome qui en son temps a apporté son grain de sel au développement de l’aquaculture française se trouve à la tête d’un groupe pharmaceutique !…
Philippe Favrelière
Pour télécharger le document, cliquer archimer.ifremer
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Deux extraits de la thèse de Bernard Gilly
L'exploitation des ressources marines vivantes a essentiellement deux composantes : une activité de simple cueillette, la pêche sous toutes ses formes, et une activité de culture marine qui revêt des aspects très différents selon son degré de sophistication. Ces deux composantes ont des caractéristiques communes tant au plan biologique qu'au plan économique : toutes les deux sont des activités économiques basées sur l'exploitation de ressources naturelles renouvelables; toutes les deux utilisent, à des degrés divers, la productivité naturelle du milieu aquatique. L'état d'avancement des travaux économiques est assez inégal pour ces deux secteurs: de nombreuses analyses économiques théoriques et appliquées ont été menées sur la pêche maritime, permettant l'émergence d'un véritable sous ensemble de l'économie des ressources naturelles (dans la réalité, son degré d'avancement la place souvent en position de leader en la matière). Les travaux économiques menés sur les cultures marines n'ont ni cette homogénéité, ni ce degré d'avancement, malgré les questions importantes qui sont en jeu (aménagement du littoral, développement des productions). Ces travaux procèdent généralement à partir de deux types d'approche: une approche agricole ou une approche halieutique, c'est à dire que pour étudier les enjeux de l'aquaculture, on commence par lui retirer sa spécificité en utilisant a priori une approche exogène au secteur.
Notre thèse est qu'il n'existe pas d'aquaculture "nouvelle" qui s'opposerait à l'aquaculture "traditionnelle". Mais une même activité aquacole dont la diversité des mises en œuvre témoigne d'une différence de forme et non de nature : plus ou moins grande dépendance par rapport aux capacités biotiques du milieu, plus ou moins large contrôle des phases du cycle biologique. Ces sont ces critères (et les espèces élevées) qui différencient plus sûrement les types d'aquaculture que leur supposé caractère de nouveauté ou de tradition. Cette dualité erronée s'est pourtant traduite, historiquement, par la séparation des recherches entre organismes : l'Institut Scientifique et Technique des Pêches Maritimes (ISTPM) se consacrait à des recherches très appliquées en conchyliculture, venant en appui d'une profession très structurée depuis de nombreuses années ; le Centre National pour l'Exploitation des Océans (CNEXO) avait développé une recherche de pointe sur les nouvelles formes d'aquaculture et suscitait des développements d'entreprises en s'impliquant directement dans le processus de production et/ou de commercialisation. Au delà des réelles divergences thématiques, ces deux types de recherches traduisaient l'affrontement de deux logiques scientifiques et de deux logiques sociales de l'approche scientifique....
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Autres réflexions....
Modérateur : Hervé Le Bris, Professeur, AGROCAMPUS OUEST Centre de Rennes
Rapporteur : Florent Spinec, Formateur aquaculture et pêche, AGROCAMPUS OUEST Site de Beg Meil
Objectif de table ronde
Confronter les points de vue sur les différentes pistes d’avenir de l’aquaculture en se basant sur la perception des animateurs et des participants.
Contexte
Les atouts
La France possède de nombreux atouts. La volonté affichée de l’Etat et des régions en matière de maintien voire de développement de l’aquaculture. La France dispose d’un maillage scientifique et technique serré, avec les universités, les instituts de recherche et les centres techniques régionaux qui couvrent l’ensemble du spectre d’activité aquacole. Les compétences de l’ensemble des acteurs sont reconnues dans des domaines aussi variés que la production, la transformation et la valorisation des denrées alimentaires.
Le marché français est porteur en matière d’attrait et de volonté de consommer les produits marins.
Les produits possèdent une «belle image» auprès des consommateurs.
Nous avons des pôles d’excellences sur la production de juvéniles avec une reconnaissance internationale. Ils sont adossés à des réseaux de surveillance sur la qualité et la mise en marché. Ce qui n’est pas le cas au niveau européen.
Par ailleurs, le niveau de formation technique en France est bien reconnu au niveau international.
Les difficultés
Des distorsions existent entre pays de l’Union Européenne. Cela pose le problème de la compétitivité.
Le discours de l’Etat est positif mais sur le terrain peu de choses se réalisent concrètement.
La typologie des structures à dominante familiale pour la conchyliculture et le manque de grands groupes posent questions. Les négociations avec les GMS (grandes et moyennes surfaces) sont donc difficiles.
La protection des élevages peut devenir un frein au développement (vols, dégradations…)
Les animateurs portent la même vision sur l’avenir de l’aquaculture :
La difficulté d’accès aux sites corrélée avec l’acceptabilité sociétale des activités primaires aquacoles est le problème majeur.
Le potentiel existe mais le « gros problème est de mettre les activités en place ».
L’accès à l’espace est difficile en France mais dans le monde l’aquaculture se développe. Le problème est politique.
« Pourquoi une société qui veut manger des produits de la mer ne veut pas les faire sur son sol ? »
« La population urbaine venue pour être là et consommer du paysage et du service ».
Les productions sont en décalages. Les organisations non gouvernementales (ONG) ne jouent pas toutes le jeu.
Les solutions et perspectives
La mise en place d’une concertation permanente et organisée est vitale. Mais pour les professionnels « le temps de la concertation est peu compatible avec le temps de l’entreprise ».
Une meilleure relation entre le monde scientifique et professionnel est nécessaire. Les sciences humaines et sociales doivent être mieux représentées dans les travaux de recherches. Ceux-ci doivent être une co-construction entre professionnels et scientifiques (exemple du groupement d’intérêt scientifique (GIS) pisciculture durable).
Pour se développer l’aquaculture doit être acceptée et donc il faut aller vers le public et modifier les pratiques. Une des possibilités est de proposer un autre modèle, de modifier l’image de l’aquaculture par de la sensibilisation et de l’éducation (exemple l’utilisation de végétaux et d’algues pour l’alimentation des poissons carnivores).
Les progrès zootechniques peuvent aussi passer par une délocalisation extracommunautaire pour profiter des atouts des sites d’élevages (température /qualité des eaux).
Des freins sociologiques existent ainsi il n’est pas facile pour des professionnels d’avoir un regard territorial.
Les AMP peuvent être une opportunité pour développer les cultures marines.
L’axe IV du FEP est un bon outil pour la concertation.
Conclusion
Travailler avec sciences économiques et sociales donne une prise de recul.
L’accès aux littoraux ne peut se régler sans la mobilisation des politiques à tous les niveaux du communal au national.
Comment arrive-t-on à plus de lobbying national ?
Il apparaît que le raisonnement à l’échelle du territoire permet d‘avoir une meilleure représentativité des activités.
Quelle sensibilisation des jeunes doit-on faire sur les métiers aquacoles ?
Définir une vision à long terme de l'aquaculture européenne 2030
« Un esprit positif, durable, futur scénario reflétant les idéaux, les valeurs et les aspirations des parties prenantes »
La vision de la plateforme technologique de l'aquaculture européenne est la mise en œuvre d'un plan stratégique efficace axé sur la RDTI au sein de la communauté de recherche européenne.
Cette stratégie est nécessaire pour soutenir le développement durable de l'aquaculture européenne et relever les défis suivants :
- Fournir aux consommateurs européens, des produits sûrs de la plus haute qualité et à un prix abordable
- Assurer que l’impact sur l'environnement de l’aquaculture soit minime
- Respecter les conditions d'élevage optimales de bien-être
- Garantir le développement de la formation et les compétences des professionnels travaillant dans le secteur du développement et l'intégration des nouvelles technologies au sein de la chaîne de valeur
- Améliorer la performance économique à chaque niveau de la chaîne de valeur en (1) Fournissant des contributions claires et avantageuses pour la société (2) Réalisant les exigences spécifiques de RDTI et l'innovation requise par le secteur, transversales recherche interdisciplinaire doit être réalisé et, grâce à l'engagement des parties prenantes et les institutions de financement, les ressources affectées aux investissements RDTI besoin d'être augmenté. Les innovations et les connaissances générées doivent être intégrées de manière efficace au sein de toutes les composantes du secteur, en utilisant des mécanismes appropriés de soutien. Le dynamisme recherché par cet effort nécessitera l'enthousiasme, l'engagement et le travail d'un large éventail d'individus, entreprises et organismes à travers l'Europe.
L'European Aquaculture Technology and Innovation Platform (EATIP) a été créée pour répondre à ces besoins. Par l'amélioration de l'impact de la RDTI européenne sur toutes les composantes sectorielles, non seulement être amélioré, mais la compétitivité des avantages visibles seront fournis au citoyen européen, consolider la viabilité de la profession. (traduction google)
Source : EATIP
Télécharger le document Vision EATIP!
Pour accéder aux documents sur la politique de développement de l’aquaculture en Europe, cliquer EATIP
General introduction of the European Policies and Aquaculture, cliquer Ici
General introduction to the Policy background of Aquaculture Welfare projects, cliquer Ici
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