Nigéria : Le pêcheur et le pétrolier

Nigéria : Le pêcheur et le pétrolier

Le pêcheur du delta du Niger face à la multinationale pétrolière Shell

Un pêcheur de Bodo, Nigeria, mai 2011 :

« En 2008, la vie est devenue très difficile à Bodo. Tous les poissons sont morts. Nos rames étaient couvertes de pétrole. Nos barques et nos filets ont été détruits. La vie était bien plus facile avant. Aujourd'hui la pauvreté est partout. »

Shell, août 2011 :

« Les déversements d'hydrocarbures dans le delta du Niger sont une tragédie et Shell Development company of Nigeria leur accorde la plus grande attention. Nous avons toujours pris nos responsabilités : nous versons des dédommagements lorsque la pollution résulte de défaillances opérationnelles. »

Le constat d’Amnesty International

En août et en décembre 2008, deux déversements majeurs d'hydrocarbures ont bouleversé la vie des quelque 69 000 habitants de la ville de Bodo, en pays ogoni, dans le delta du Niger. Dans les deux cas, le pétrole a coulé pendant des semaines avant d'être stoppé. On estime que le volume de pétrole déversé était aussi important que celui de la marée noire dl'Exxon Valdez en Alaska en 1989.

Trois ans après, l'incurie persistante de Shell Petroleum Development Company, filiale de la compagnie Royal Dutch Shell, est patente. Cette entreprise n’a pris aucune mesure pour nettoyer les dégâts faits par le pétrole, qui continue à avoir des conséquences dramatiques pour la population de Bodo. Les photos de ce rapport l'illustrent, la pollution est encore très visible. Le pétrole est partout, dans l'eau, dans les mangroves et dans la terre.

Nigéria : Shell forcée de reconnaître sa responsabilité dans les marées noires

Les images satellites obtenues par Amnesty International et analysées par le Geospatial Technologies and Human Rights Project de l’American Association for the Advancement of Science (AAAS) confirment l'étendue de la pollution.

Le coût humain est également partout visible. Ces fuites de pétrole et la pollution toujours présente ont des conséquences directes sur la vie de dizaines de milliers de personnes. Beaucoup s'inquiètent pour leur santé et craignent de consommer les poissons pêchés sur place ou de boire l'eau de pluie ou des cours d'eau environnants, comme ils le faisaient autrefois.

Ceux qui vivaient de la pêche ont perdu leurs revenus et leurs moyens d'existence. Les cultivateurs disent que les rendements ont diminué. Dans l'ensemble, la population de Bodo ne parvient plus à produire sa propre nourriture et ne pêche plus le poisson. Privés de moyens d'existence et victimes de la hausse des prix des denrées alimentaires, beaucoup d’habitants ne peuvent plus se nourrir correctement.

Pour télécharger le rapport d’Amnesty International : La vraie « Tragédie » - Retards et incapacité à stopper les fuites de pétrole dans le delta du Niger, cliquer Ici

Si vous souhaitez agir vous pouvez signer le pétition d’Amnesty International "Shell doit admettre ses responsabilités, les assumer et nettoyer" cliquez ici.

Autres articles :

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Les puissants lobbyistes anti-environnement du Capitole (Novethic)

On les surnomme le Quatrième Pouvoir. Les lobbyistes font partie du paysage à Washington. Pour chaque représentant ou sénateur, on compte plus d'un lobbyiste travaillant pour le secteur des industries fossiles. Reportage dans les couloirs du Capitole sur l'influence et les stratégies de ces hommes de l'ombre.

12 000 personnes travaillent dans le secteur du lobbying à Washington, une véritable armée. Et dans le domaine de l'environnement, le Congrès américain est pour eux un terrain de bataille perpétuelle. Les secteurs des énergies fossiles ont ainsi dépensé près de 150 millions de dollars (108 millions d'euros) cette année. Passage en revue de quelques mesures phares qui n’ont pas résisté à leur influence….


Le 20 novembre 2011

Total, Shell, Eni : les magnats pétroliers pillent le Nigeria (Univers-nature)

En septembre 2011, un collectif d’ONG (1) s’est rendu en mission de terrain dans le Delta du Niger. Dans leur rapport « La réalité derrière la sécurité énergétique de l’Union européenne », elles témoignent des dégâts sociaux et environnementaux causés par les compagnies pétrolières Total, Shell et Eni au Nigeria. Suite à d’importantes fuites de pétrole du géant pétrolier anglo-néerlandais Shell en 2004, 2008 et 2009, la communauté Goi a été contrainte d’abandonner ses terres agricoles. De même, bien qu’informée depuis 2005 des effets néfastes du torchage du gaz sur la santé et l’environnement, la multinationale italienne Eni maintient cette pratique. Selon les Amis de la Terre, en mai 2011, le PDG d’Eni avait pourtant garanti aux actionnaires l’abandon du torchage en juin 2011.

Implantée au Nigeria depuis 1962, la multinationale française Total y extrait 10 % de sa production globale de pétrole. Or, si elle se targue sur son site Internet d’avoir établi des « relations cordiales » avec les communautés locales, l’enquête réalisée sur place révèle une tout autre réalité. Les témoignages attestent d’expulsions forcées survenues en 2006, privant les populations de leurs moyens de subsistance sans compensation aucune. En novembre 2010, une manifestation pacifique, contre le non respect d’un protocole d’entente signée entre Total et les populations locales, s’illustra par la mort de deux personnes et plusieurs blessés.

En 2008, la compagnie Shell doit répondre de deux déversements d’hydrocarbures à Bodo, en pays ogoni, dans le Delta du Niger. Selon une évaluation indépendante, la quantité de pétrole échappée de l’oléoduc aurait pu atteindre les 4 000 barils par jour. D’après Amnesty International, la compagnie, dont les profits pour juillet – septembre 2011 s’élèvent à environ 5,2 milliards d’euros, a initialement fourni 50 sacs de riz, des haricots, du sucre et des tomates en guise d’aide humanitaire....

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Le 23 mars 2012

Pollution: 11.000 Nigérians portent plainte contre Shell (20 Minutes/AFP)

JUSTICE - Ils attaquent le groupe pétrolier pour les fuites de pétrole dans le delta du Niger...

Les avocats représentant plus de 11.000 Nigérians ont déposé plainte vendredi à Londres contre le géant pétrolier anglo-néerlandais Shell après la rupture des négociations visant à indemniser les pollutions entraînées par deux fuites de pétrole dans le delta du Niger. Les poursuites engagées devant la Haute Cour concernent l'impact de deux pollutions majeures dans le delta du Niger (sud) en 2008, affectant 49.000 membres de la communauté Bodo répartie sur 35 villages vivant essentiellement de la pêche.

La filiale de Shell au Nigeria, Shell Petroleum Development Company (SPDC) a reconnu sa responsabilité pour deux fuites totalisant 4.000 barils mais conteste les plaintes des avocats londoniens du cabinet Leigh Day, représentant les pêcheurs, selon lesquelles 500.000 barils ont été déversés dans le delta. Shell estime que la majorité du pétrole répandu provient de tentatives pour pomper illégalement du pétrole sur les oléoducs.

Selon Shell, la procédure retarde le nettoyage

L'avocat Martyn Day, représentant les pêcheurs, s'est déclaré «extrêmement déçu que les tentatives de négociation d'un accord à l'amiable pour toutes les parties aient échoué», dans un communiqué. «Nous pensions que l'invitation par Shell à s'assoir autour d'une table signifiait qu'ils prenaient au sérieux l'impact des deux marées noires», a-t-il poursuivi. «Notre seule solution est désormais de porter plainte devant les tribunaux britanniques».

Shell fait valoir que la procédure judiciaire retarde les efforts de nettoyage de la pollution et que le conflit aurait dû être traité par la justice au Nigeria. «Il est très décevant que l'affaire soit transférée au Royaume-Uni, les seuls bénéficiaires seront les avocats britanniques», a commenté Mutiu Sunmonu, directeur de SPDC, tout en assurant souhaiter «une résolution rapide de l'affaire afin de verser une compensation équitable».

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Le 17 mars 2013

Nigeria : un tribunal néerlandais condamne Shell... mais la justice doit aller au-delà !


Source : WRM

Photo : Elaine Gilligan, FoE

Le 30 janvier, un tribunal néerlandais a déclaré que la société transnationale anglo-néerlandaise Shell était responsable d’avoir pollué le delta du Niger, avec de graves conséquences pour la vie des habitants d’Ikot Ada Udo, un village de l’État d’Akwa Ibom State. Shell devra nettoyer la zone polluée par le pétrole, indemniser les personnes touchées et éviter que de nouvelles fuites de pétrole se produisent. Il s’agit d’un cas unique car, pour la première fois, une multinationale néerlandaise a dû répondre devant une cour néerlandaise des actes d’une de ses filiales.

Les communautés du delta du Niger dépendent essentiellement de l’environnement pour leur subsistance, basée sur l’agriculture et la pêche. Cette décision du tribunal est une victoire d’importance car, d’après Nnimmo Bassey, membre d’Oilwatch et des Amis de la Terre Nigeria, « d’autres communautés vont maintenant réclamer à Shell de payer pour ses atteintes à leur environnement ». Néanmoins, il est important de réfléchir à deux éléments de la décision du tribunal.

Premièrement, dans sa décision en faveur de la population d’Ikot Ada Udo, le tribunal a déclaré que Shell Nigeria, et non la Royal Dutch Shell des Pays-Bas, était responsable. Or, cette dernière est propriétaire à 100 % de Shell Nigeria ; il est donc difficile de croire qu’elle n’intervienne pas dans les décisions prises par sa filiale et, à plus forte raison, qu’elle ne soit pas responsable de ce que fait sa filiale. Les Amis de la Terre Pays-Bas ont affirmé qu’on leur avait refusé l’accès aux documents qui auraient prouvé que la Royal Dutch Shell gère les affaires quotidiennes de Shell Nigeria.

Deuxièmement, le verdict représente une grande déception pour les habitants des villages d’Oruma et de Goi : ils subissent exactement les mêmes conséquences de la destruction environnementale que les habitants d’Ikot Ada Udo, mais la cour n’en a pas rendu Shell responsable. Elle a estimé que l’entreprise avait fait le nécessaire pour l’entretien des oléoducs et qu’elle n’avait pas été négligente ; les déversements seraient le résultat du « sabotage » réalisé par des gens qui volent du pétrole. Les agriculteurs nigérians et les Amis de la Terre Pays-Bas ont annoncé qu’ils allaient faire appel du jugement.


Dans les journaux néerlandais, Shell s’est déclarée « heureuse » que la maison mère n’ait pas été considérée comme responsable dans le premier cas, et que, dans le deuxième, elle ait été acquittée en affirmant qu’il s’agissait de sabotage et non de mauvais entretien.

Nous sommes heureux aussi de la victoire des habitants d’Ikot Ada Udo mais, en même temps, nous sommes profondément tristes et inquiets. Comment la cour néerlandaise, qui est très loin du Nigeria et de la réalité de la destruction dans le delta du Niger, peut-elle affirmer que Shell n’est pas responsable des déversements de pétrole dont elle a été acquittée ? D’après le communiqué de presse des Amis de la Terre International, « les plaignants ont déclaré qu’ils estiment incompréhensible que le tribunal se soit laissé convaincre par les quelques photos floues et les vidéos de mauvaise qualité présentées par Shell ».

Menno Bentveld, un journaliste néerlandais qui a tourné un documentaire sur les déversements de pétrole au Nigeria, a commenté que les habitants qu’il a rencontrés ont reconnu l’existence de sabotages qui causent des déversements de pétrole, mais ces personnes ont dit aussi que les oléoducs appartenaient à Shell et que c’était donc à Shell de les protéger comme il faut. Autrement, « qu’elle ne vienne pas ici pour emporter le pétrole ». Menno s’attaque en outre à l’idée et à la logique sous-jacentes, qui seraient : « Nous pouvons extraire leur pétrole sans problème et, ce faisant, Shell et le monde occidental peuvent gagner des milliards, mais pour ce qui est de protéger les oléoducs et d’éviter les déversements de pétrole, nous n’avons besoin de rien faire ».

Quelle aurait été la réaction aux Pays-Bas, si un tribunal nigérian avait pris une décision semblable concernant les activités d’une compagnie nigériane qui aurait porté de graves atteintes à la population néerlandaise ? Le fait que le sabotage existe dans le delta du Niger suffit-il à affirmer que ces cas particuliers de déversement de pétrole sont dus au sabotage ?

Espérons que beaucoup de communautés suivront les pas de ces agriculteurs nigérians courageux qui ont fait passer Shell en justice dans son propre pays, avec le soutien des Amis de la Terre Pays-Bas et des Amis de la Terre Nigeria. Espérons aussi que le tribunal écoutera leur appel à la justice et contre l’impunité des grandes entreprises !

Source : communiqué de presse des Amis de la Terre International
, et Radio 1

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