Migration massive des poissons vers les pôles ?

Des scientifiques prédisent des déplacements importants de poissons vers les eaux froides de l'Océan Antarctique et de l'Océan Arctique (en rouge sur la carte). Une aubaine pour les pays nordiques. Un scénario catastrophe pour les pays tropicaux.

Au cours des 4 prochaines décennies, les modifications des températures et des courants dans les océans vont "forcer" des milliers d'espèces à migrer vers les pôles, notamment le cabillaud, le hareng, la plie et la crevette. Les chercheurs estiment que les migrations se dérouleront à raison de 44 à 79 km par décennie.

Urgence d’adapter la gestion des pêcheries

Ces prédictions de « grands changements » ont été publiées dans la revue « Fish and Fishery », par des biologistes qui ont modélisé le déplacement de 1066 espèces halieutiques d'intérêt commercial à travers le monde.

« L'impact du changement climatique sur la biodiversité marine et la pêche va être énorme », a déclaré l'auteur principal, Dr William Cheung, de l'Université d'East Anglia au Royaume-Uni. Nous devons agir maintenant pour adapter notre gestion de la pêche et nos politiques de conservation afin de réduire les dommages prévisibles sur la vie marine et sur nos sociétés »

Nous pouvons utiliser nos connaissances pour améliorer la conception des aires marines protégées qui sont adaptables aux changements dans la distribution des espèces », a-t-il dit lors de la conférence de l’AAAS qui s'est tenue cette semaine à Chicago (USA).

Avec ces changements, certaines nations vont connaitre un accroissement de leur production alors que d'autres pays - principalement dans les régions tropicales – vont voir leur rendement diminuer. Des dizaines d'espèces qui sont incapables de s'adapter, vont probablement disparaitre.

Selon l'étude, les stocks de morue dans le monde pourrait se réduire de moitié d'ici 2050. « Le déclin du cabillaud en Nouvelle-Angleterre n'est pas nouveau » a déclaré Mark Kurlansky, auteur du livre « Cod : A Biography of the Fish that Changed the World ». « Il est intéressant de voir qu'il existe une autre cause que la surpêche à l’origine de la disparition du cabillaud (ndlr à Terre Neuve). »

Scénario catastrophe dans les pays tropicaux

La migration de certaines espèces de poissons pourrait causer des pénuries alimentaires pour des millions de personnes, en particulier dans les pays en développement, en zones équatoriales, qui dépendent beaucoup des produits de la mer comme composant de base de leur alimentation. « La production halieutique diminuera dans beaucoup de pays tropicaux, comme la Malaisie où les conditions seront trop chaudes, alors que dans les pays nordiques comme la Russie et la Norvège, les rendements vont augmenter», a déclaré Daniel Pauly, de l'Université de la Colombie-Britannique au Canada.

L'impact socio-économique pourrait être dévastateur, selon une autre étude publiée récemment dans le même journal. Trente-trois pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud sont très vulnérables vis-à-vis des changements climatiques par rapport à la pêche, selon les scientifiques du World Fish Centre. Parmi eux, 19 sont déjà classés par les Nations Unies parmi les pays "les moins avancés" en particulier en raison de leurs mauvaises conditions socio-économiques.

«Nous croyons qu'il est urgent de commencer à identifier ces pays vulnérables, parce que les dégâts seront grandement aggravés, sauf si les gouvernements nationaux et les institutions internationales comme la Banque mondiale agissent maintenant afin d’inclure le secteur de la pêche dans les programmes de développement pour aider les populations pauvres à faire face aux changements climatiques. »

Les auteurs de l'étude espèrent que leurs conclusions « donneront aux décideurs, à la communauté scientifique et au grand public, une image de l'ampleur du problème. » Cependant, ils mettent en garde qu'en raison de la complexité et l'ampleur de la question ainsi que de la modélisation utilisée pour l'étude, «les projections sont toutefois incertaines. »

Philippe FAVRELIERE

Autres articles :

Pour aller plus loin...


------ 7 mars 2011 ------

Le cabillaud face au réchauffement climatique

Le réchauffement des océans favorise la migration des espèces d’eaux chaudes vers les pôles. Les côtes françaises n’échappent pas à ces changements climatiques avec l’arrivée d’espèces plutôt habituées à des régions tropicales. Qu’adviendra-t-il des espèces d’eau froide comme le cabillaud ?

Des études montrent des changements dans la distribution spatiale des cabillauds et dans leur morphologie : La mer de Skagerrak en Norvège, bientôt trop chaude pour le cabillaud ?

Pour mieux connaitre les comportements de cette espèce et anticiper les changements, des chercheurs danois ont équipé des centaines de cabillaud de mini-thermomètre électronique. Les premiers résultats dénotent une capacité de l’espèce à s’adapter à l’élévation de la température et ils montrent que le stade crucial de la reproduction se réaliserait dans des zones beaucoup plus chaudes qu’on ne le croyait.

« Certains poissons ont été trouvés à des températures aussi froides que -1,5°C, tandis que d'autres vivaient dans une eau à près de 20°C. La morue est un poisson relativement adaptable qui peut tolérer des températures plus élevées qu'on ne le pensait. Cependant, ils semblent être un peu plus « conservateurs » quand ils se reproduisent. Au cours de cette période, tous les stocks de poissons étudiés cherchaient des zones où l'eau était comprise entre 1°C et 8°C. Cela indique que les étapes de l’œuf et la vie larvaire de la morue peuvent constituer un moment particulièrement vulnérable en ce qui concerne les effets du changement climatique », déclare le professeur Andersen. Pour plus d’informations : Cod Fish With Mini-Thermometers (Sciencedaily)

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Le 27 juin 2011

Des espèces du Pacifique envahiraient l'Atlantique (L’Express/Reuters)

Des algues microscopiques, mais aussi une baleine coutumière des eaux du Pacifique, ont fait leur apparition dans l'Atlantique via l'océan glacial Arctique, à la faveur d'un dégel plus important que naguère durant la période estivale, ont rapporté dimanche des scientifiques.

Cette algue présente dans le Pacifique et appelée neodenticula seminae, n'était plus présente dans l'Atlantique Nord depuis 800.000 ans, comme l'avaient déterminé les scientifiques à partir de fossiles retrouvés au fond de la mer.

En outre, une baleine grise aperçue en Méditerranée en 2010 - soit 300 ans après l'extinction de cette espèce dans la région Atlantique au sens large - est sans doute arrivée là à partir du Pacifique, profitant elle aussi de la réduction de la superficie de la banquise estivale autour du pôle Nord.

Ces découvertes ne laissent pas d'inquiéter la communauté scientifique.

"C'est une boîte de Pandore", déclare le professeur Chris Reid, de la Fondation Sir Alister Harvey d'océanographie, en Grande-Bretagne, selon qui l'algue en question est pratiquement descendue jusqu'à la latitude de New York.

"On peut s'attendre à ce que d'autres espèces arrivent du Pacifique", dit-il à Reuters.

"Un afflux d'espèces pourrait être extrêmement dommageable (...) pour les ressources halieutiques de l'Atlantique Nord", ajoute Reid. Dans un tel scénario, les nouveaux arrivants entreraient en concurrence avec les espèces endémiques comme la morue ou le saumon.

"Nous avons franchi un seuil, avec le dégel lié au réchauffement planétaire dû aux combustibles fossiles des usines et des voitures", continue-t-il.

La baleine grise, photographiée au large de l'Espagne puis d'Israël en mai 2010, aurait traversé l'Arctique en provenance du nord-est du Pacifique.

"Voilà deux traces d'organismes vivants passant par les eaux libres de l'Arctique", souligne Katja Philippart, de l'Institut royale néerlandais de recherches marines, qui occupe une position dominante au sein de CLAMER, projet européen qui réunit 17 instituts océanographiques de dix pays….

Entre autres changements liés aux changements climatiques, le CLAMER a découvert que de nombreuses espèces remontaient vers des latitudes plus septentrionales dans l'Atlantique. Le nombre d'espèces de poissons en mer du Nord est ainsi passé de 60 à plus de 80 en 20 ans, selon Carlo Heip, directeur général de l'Institut royal néerlandais de recherches marines.

En Méditerranée, mer pratiquement fermée, les espèces qui préfèrent des eaux froides ne peuvent aller nulle part. Et de ce fait, d'ici 2060, un tiers des 75 espèces maritimes seront menacées et six auront disparu, selon le CLAMER.

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Le 27 janvier 2012

Le réchauffement climatique redessine la géographie des ressources halieutiques

Rayon poissons, fruits de mer et coquillages, le changement climatique contribue à fragiliser certaines espèces. "La dégradation des habitats et des lieux de ponte explique la diminution de la pêche des saumons depuis trente à quarante ans", avance Denez L'Hostis, de l'association France Nature Environnement (FNE). La hausse des températures modifie le calendrier et les lieux de ponte ou encore la nourriture des alevins.

La prolifération d'algues toxiques atteint les coquilles Saint-Jacques mais épargnerait la noix et le corail. Le tableau est sombre, même si, explique l'ingénieur breton, les stocks de homards ou de langoustines sont en bon état. La migration des espèces pour s'adapter à la nouvelle donne thermique dessine une nouvelle géographie des ressources.

"Dans le golfe de Gascogne, la température de l'océan a augmenté de plus de 1,5 degré au cours des vingt-cinq dernières années, entraînant une migration des espèces vers le nord tout en modifiant l'abondance des populations", constate Marion Le Foll, de l'institut Ifremer.

Réchauffement climatique favorisé par nos modes de consommation

Les réveillons de Noël ou de la Saint-Sylvestre deviennent eux-mêmes facteurs du réchauffement de la planète.

Pierre Ozer, chargé de recherche au département des sciences et gestion de l'environnement de l'Université de Liège (Belgique), a calculé le bilan carbone d'un réveillon pour huit personnes avec des produits traditionnels, provenant des quatre coins du monde, tels que proposés par les publicités des supermarchés : 209 000 km parcourus pour 41,3 kg de CO2. Est-ce bien raisonnable ? s'interroge-t-il.

La Terre se réchauffe, et ce, toujours plus vite

Si les scientifiques ne cessent de le rabâcher, à coup d'études et rapports documentés, une poignée de climatosceptiques continue de nier cette réalité, arguant d'une manipulation planétaire. Alors, quoi de mieux qu'une animation pour mesurer le phénomène ? C'est ce qu'a effectué la NASA, en résumant dans une vidéo de 26 secondes 131 ans d’évolution des températures sur Terre, de 1880 à 2011.

Dans cette animation, réalisée par le laboratoire de la NASA Goddard Institute for Space Studies (GISS), les couleurs rouges indiquent des températures supérieures à la moyenne pendant la période de référence de 1951 à 1980, tandis que les bleus témoignent de températures plus basses. Les données proviennent des relevés d'un millier de stations météo dans le monde, des observations satellitaires de la température de la surface de la mer et des mesures effectuées par la station de recherche de la NASA en Antarctique.

On voit ainsi que l'augmentation de la température s'est accélérée à la fin des années 1970. Fait encore plus marquant : neuf des dix années les plus chaudes enregistrées l'ont été au cours de la dernière décennie — 2010, 2005 et 1998 constituent les trois records de températures moyennes depuis le début des relevés en 1880.

2011, elle, se classe 9e année la plus chaude au niveau planétaire. "Même avec les effets rafraîchissants d’une forte influence de La Niña et une activité solaire faible ces dernières années, 2011 a été une des dix années les plus chaudes enregistrées", commente James Hansen, directeur du GISS. Au total, l'écart de températures entre l'année la plus froide (1884) et 2011 est de + 0,51°C.

Le Monde : La NASA illustre le réchauffement climatique depuis 1880 et Le réveillon fait les frais du réchauffement climatique

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Le 30 avril 2013

Changement climatique. Migration du thon vers le Pacifique Est

Au vu des prévisions du GIEC, les bonites devraient migrer vers l’est du bassin pacifique, en direction de la Polynésie française, au détriment des îles situées à l’ouest comme la Mélanésie, les îles Salomon, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, etc.


Isolées en plein cœur de l’océan, les îles du Pacifique dépendent étroitement de la pêche pour leur économie et leur sécurité alimentaire. La pêche et la vente de poisson sont la première ou la deuxième source de revenus de 50 % des ménages en zone côtière en Papouasie Nouvelle Guinée par exemple.

Mais le réchauffement de la planète devrait considérablement diminuer leurs ressources accessibles en poissons au cours des prochaines décennies. C’est ce que révèle, dans la revue Nature Climate Change, une étude de l’IRD, du Secrétariat général de la communauté du Pacifique (CPS) et de leurs partenaires français, australiens et américains. D’après les projections climatiques du GIEC, la quantité de poissons des récifs coralliens, essentiels pour l’alimentation des habitants, risque de baisser de 20 % d’ici 2050.

Les thons fuient vers l’est

Les chercheurs ont étudié la réponse de la biomasse en poissons au changement climatique dans le Pacifique selon les prévisions du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). La pêche des bonites, poissons de la famille des thonidés qui constituent 90 % des prises, sera notamment très affectée. D’après les modélisations effectuées, l’élévation de la température des eaux de surface, plus importante à l’ouest du bassin océanique, entraînerait la migration des thons vers la Polynésie à l’est. Les zones de prises s’éloigneraient ainsi des côtes mélanésiennes, des îles Salomon ou encore de Papouasie-Nouvelle-Guinée. L’exode de ces thons en dehors des eaux territoriales de ces pays représentera une perte économique significative. Les droits de pêche versés par les grandes pêcheries internationales constituent en effet une importante rentrée financière pour les petits États insulaires.

Les écosystèmes coralliens sont menacés

Le long des côtes, la disponibilité des poissons récifaux est également en péril. Le réchauffement océanique annoncé augmentera le blanchissement des coraux et engendrera donc la mort de nombreux récifs. La croissance démographique, dans ces territoires jusque-là préservés, viendra également ajouter une forte pression sur les écosystèmes coralliens – exploitation, dégradation, pollution, etc. Le taux de recouvrement des récifs en corail vivant devrait ainsi passer de 40 % aujourd’hui à travers le Pacifique, à 10 ou 20 % en 2050. Selon l’étude, cette perte réduira de 20 % la quantité de poissons coralliens, qui constituent une ressource alimentaire capitale pour les populations locales.

Des secteurs à développer

Certaines îles du Pacifique pourront toutefois se tourner vers l’aquaculture et les pêcheries en eau douce. En effet, sur terre se joue un tout autre scénario qu’en mer. L’augmentation attendue des pluies, en étendant de plus de 10 % d’ici 2050 la surface des lacs, cours d’eau, etc., pourrait favoriser ces activités. Les scientifiques encouragent donc dans leur nouvelle étude le développement de ces secteurs. Pour pallier les pertes prévues, ils invitent aussi les gouvernements à faciliter l’accès aux ressources thonières pour les pêcheurs locaux – en installant par exemple, le long des côtes, des dispositifs à concentration de poissons, sortes de pontons flottants qui les attirent. Enfin, d’autres ressources halieutiques, encore non exploitées, pourraient être mises à profit, comme le maquereau, l’anchois, la sardine…

Minimiser les risques en préservant les récifs et maximiser les opportunités : un défi que les autorités publiques des petits États du Pacifique devront relever dans les décennies à venir pour faire face au changement climatique et à la demande croissante en poissons de leur population en forte expansion.

Références

Bell J., Ganachaud Alexandre, Gehrke P., Griffiths S., Hobday A., Hoegh-Guldberg O., Johnson J., Le Borgne Robert, Lehodey P., Lough J., Matear R., Pickering T., Pratchett M., Sen Gupta A., Senina I. and Waycott M. Mixed responses of tropical Pacific fisheries and aquaculture to climate change, Nature Climate Change , 2013. doi:10.1038/nclimate1838

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