Le marché opaque du poisson : le prix (2)

Le marché français du poisson est tellement opaque qu’il est difficile pour un observateur extérieur de comprendre son fonctionnement notamment de savoir comment les prix sont fixés à la première mise en marché (en criée). Autant dire qu’aborder cette question c’est naviguer sans instrument de navigation par temps de brume.

FranceAgriMer : Suivi hebdomadaire des cours du poisson en criées (langoustine, baudroie (lotte), merlu, sardine, bar, saint-jacques,...), cliquer FranceAgriMer

Depuis 2010 : Trois criées plus transparentes !
  • Le site du Comité local des pêches du Guilvinec, cliquer Cours du jour
  • Apports et prix en criées de Fécamp et Dieppe, cliquer Haute Normandie
Et Boulogne, cliquer Ici

Après lecture de plusieurs articles sur le sujet, force est de constater que les pêcheurs sont tout aussi désorientés : « …. au Guilvinec, accoudé sur le bastingage du Brocéliande, un chalutier de 18m, Yann Le Friant s'apprête à reprendre la mer pour une nouvelle marée. «On ne comprend plus rien au marché peste t-il. Certains jours, on te donne 24 € le kilo de limande. Le lendemain, tu dois te contenter de 3 €. Ça devient complètement aléatoire.» (Le Télégramme)

Un vent de panique souffle même dans la profession ; c’est le sauve-qui-peut. Certains comme à Saint Jean-de-Luz vendent depuis la semaine dernière en direct sur le port, après leur marée, au grand désespoir des poissonniers.

Toujours est-il qu’en Méditerranée où les pêcheurs pratiquent principalement la vente directe, le mistral est resté calme !

En savoir plus sur les cours…

A l’heure de l’internet, aucun site ne centralise les informations sur les volumes débarqués et les prix pratiqués dans les différents ports français. Me basant sur le site d’informations britanniques « Fishnewseu.com » que j’ouvre régulièrement et sur lequel quiconque peut savoir les cours et les volumes débarqués dans les principaux ports de nos voisins : 2009 Fish Prices, je pensais trouver l’équivalent en France.

Le port de pêche de Cherbourg serait le plus communicateur dans le domaine, mais avec certaines restrictions :

Les cours de vente du jour : Pour qui ?
Les tableaux et moteur de recherche des cours de vente du jour s'adressent aux pêcheurs clients du centre de marée ou aux pêcheurs extérieurs qui désirent connaître les cours des produits classés par espèce, taille, qualité et actualisés chaque jour de vente.

Pour la plus grande criée française, Boulogne, juste un entrefilet dans la « La Voix du Nord : Marine »

Pourquoi entretenir tant de mystère sur les prix en criée ?

Les pêcheurs auraient-ils intérêt à cacher le prix de leurs produits ?
N’y aurait pas des acteurs de la filière pour qui le flou apparent serait avantageux ?

Les acheteurs en criée sont très différents les uns des autres :
  • Poissonniers et restaurateurs : ?
  • Petits mareyeurs : ?
  • Mareyeurs inter-criées : ?
  • Mareyeurs importateurs : ?
  • Transformateurs : ?
  • Centrale d’achat de GMS : ?

Parmi ces acteurs, certains ont une connaissance très précise du marché, en tant qu’acheteur dans plusieurs criées à la fois. D’autres s’approvisionnent aussi sur le marché international et peuvent ainsi choisir leurs approvisionnements en fonction des cours à l'import.

En période de soit disant « abondance de produits » et « baisse de consommation », maintenir l'opacité est plutôt arrangeant pour les acteurs qui brassent plusieurs milliers tonnes de produits et pour certains en position de quasi-monopole dans les criées. D’ailleurs le commentaire d’un certain Maenkorn dans le Télégramme du 4 mars 2009 conforte cette idée :

La vérité des prix

« Pour le poisson, comme pour les produits alimentaires, il y un phénomène qui revient régulièrement : des baisses ou des augmentations (plus rarement) brutales du prix payé aux producteurs. Or, la demande ne varie pas brutalement du jour au lendemain. Même en période de crise, le comportement des consommateurs n'évolue que progressivement. Le problème des circuits de distribution n'est pas nouveau. Par contre ce qui est nouveau, ce sont les moyens d'information et notamment Internet. Il est incompréhensible qu'aujourd'hui, et notamment en période de fluctuation brutale des prix, dans un sens ou dans un autre, il n'y ait pas un minimum de contrôle des prix. Ceux qui ne jouent pas le jeu et faussent donc le principe de l'offre et de la demande doivent être sanctionnés. »

Ne parlons pas des produits d’importation qui profitent du manque de transparence du marché français, et qui prennent une place de plus en plus grande, notamment les produits aquacoles dont les apports sont programmables sur plusieurs mois et dont les prix sont stables. D’ailleurs, la Norvège avec sa force de frappe de près de 700 000 tonnes de saumon (l’équivalent de la production halieutique totale française) va lancer une campagne dans les semaines à venir : Saumon : l’aquaculture norvégienne a su soigner son image (Les Marchés)


France : Importation de saumon par pays

Pour conclure : il y a quelques années déjà alors que je travaillais au CEASM (Centre d’Etudes et d’Action Sociale Maritime) et que l’internet n’existait pas, nous avions recommandé aux pays africains de l’Ouest de mettre en place un système de collecte des prix et des quantités de poissons commercialisés dans les principaux marchés, pour améliorer la transparence du commerce.
Philippe FAVRELIERE

Autres articles :

Pour plus d'informations :

Position du Comité Local des Pêches Le Guilvinec :

Pour le moment seul le Comité des pêches publie les cours de la criée du Guilvinec. La CCI ne communique plus les cours des criées aux journaux depuis le début des années 2000. Le marché est public, le public à le droit de savoir.

L’interconnection et l’ouverture des criées à un maximum d’acheteurs, souvent demandées par les pêcheurs, ont toujours été freinées. Depuis quelques semaines quand on pose la question à la CCI il semblerait que ce sont les acheteurs extérieurs qui ne veulent plus venir. Où est la réalité ?
La CCI, dans un souci d’homogénéisation a décidé de proposer des enchères descendantes partout en Cornouaille. Les pêcheurs côtiers du Guilvinec souhaitent revenir aux enchères montantes. La CCI semble être à l’écoute.

L’idée d’avoir un jour une gestion des criées détachée de la CCI n’est plus taboue, même si personne ne sait aujourd’hui par quel bout prendre le problème. Cette question devra être à l’ordre du jour d’un prochain conseil du Comité.

Les pêcheurs sont remontés contre le manque de réactivité générale des mareyeurs qui « attendent des ordres de commande » avant d’acheter. Où est leur métier de prospecteur de marché ? Sans doute faudra-t-il essayer de mieux comprendre leur rôle aujourd’hui.
Source : Compte-rendu de la réunion Langoustine du Comité des Pêches GV du 16 octobre 2009

En Mars 2012

3 autres criées communiquent les cotations quotidiennes et les apports

===================

Le 17 mars 2012

Poisson ou viande, est-ce seulement une question de prix ?

Poisson ou viande, est-ce seulement une question de prix ?

Les synthèses de FranceAgriMer

Produits Pêche et Elevage

Décembre 2011

Au cœur du repas quotidien, la viande et le poisson sont deux types de produits directement substituables. Les Français consomment l’un ou l’autre, rarement les deux au cours du même repas. La présente synthèse a pour objet d’éclairer cette consommation à partir d’une analyse des prix d’achat de ces deux grandes familles de produits. Ce travail est réalisé à partir des données sur les achats des ménages français issues du panel Kantar Worldpanel pour les produits carnés et aquatiques. On regardera en particulier s’il peut être répondu à la question fréquente : Le poisson est-il plus cher que la viande ?

Un ménage moyen français, composé de 2,3 personnes, a consacré annuellement en moyenne, entre 2008 et 2010, 1 033 € pour ses achats cumulés de viande et de poisson. Il en a dépensé 76 % pour les produits carnés et 24 % pour ceux aquatiques. Au cours des trois dernières années, la part de ces derniers dans les dépenses est en progression de près de 1 point.

Pourquoi consomme-t-on moins de poisson que de viande ? Parmi d’autres explications telles que la difficulté d’approvisionnement, de préparation et le goût, le prix d’achat élevé est une des raisons fréquemment avancée. Le poisson est réputé plus cher que la viande. C’est ce que confirme, en mai 2011, le Baromètre de la pêche et de l’aquaculture réalisé par la société MICA RESEARCH pour FranceAgriMer. Sur 700 personnes interrogées, 66 % estimaient que le poisson était plus cher que la viande, contre seulement 11 % moins cher.

Cette perception globale peut paraître surprenante dans la mesure où, il existe une grande dispersion des prix, tant au sein des produits carnés que des produits aquatiques, selon les espèces et les morceaux choisis. Par exemple, pour les poissons frais, le prix moyen d’achat en 2010 se situe entre 4,9 €/kg pour la sardine fraîche et 19,6 €/kg pour la sole (toutes présentations) ; pour les viandes fraîches, entre 5,8 €/kg pour le poulet et 14,5 €/kg pour le veau.

Pour affiner l’analyse, il est intéressant de rapporter le prix moyen d’achat des ménages à des produits entièrement consommables, c’est-à-dire des morceaux de viande fraîche sans os comme les steaks et les escalopes, d’une part, et les découpes de poisson frais, soit sans tête et dans la plupart des cas sans arête (filet, darne, pavé), d’autre part.

Il a également été choisi de centrer l’analyse sur les produits carnés à griller ou rôtir pour qu’ils correspondent mieux aux produits aquatiques substituables, qui sont peu concernés par des cuissons longues....

Les facteurs qui influencent le prix du poisson

Le prix de vente du poisson frais en halle à marée est extrêmement volatil, et de nombreux facteurs l’influencent, au jour le jour.

Tout d’abord, le prix moyen varie sous l’effet d’une offre très aléatoire : variations difficilement prévisibles des quantités d’une espèce débarquée dans la halle à marée, mais aussi par l’offre présente dans une halle à marée voisine, ainsi que par les importations quotidiennes sur la même espèce ou des espèces concurrentes.

L’offre est dépendante de facteurs journaliers (météo), saisonniers (présence des stocks de poisson) ou plus structurels (quotas, plans de sortie de flotte des navires de pêche, arrêts temporaires de captures).

La demande est davantage prévisible mais aussi variable selon le jour de la semaine (plus de demande en fin de semaine), de la météo, des périodes de congés. Les clients (grande distribution, restauration, exportations) sont également déterminants sur l’évolution du prix moyen : promotions de la grande distribution, besoins des pays étrangers, situation économique globale conduisant à des arbitrages des ménages…

D’un point de vue plus global et sur le moyen terme, l’évolution de la ressource, du prix du gazole, de la demande en produits aquatiques des pays émergents et l’augmentation de l’offre aquacole ont un impact sur le prix du poisson.

Pour télécharger le document, cliquer FranceAgriMer

======================

Le 29 septembre 2010 : Le baromètre des prix Relaxnews

Baromètre des produits frais : le kilo de poires en hausse de plus de 25% sur un an (La Dépêche)

Selon le baromètre national Relaxnews des produits frais, publié ce mercredi 29 septembre, le prix du kilo de poires Abate est en hausse de 26,55% sur une année, et 7% sur une semaine. A contrario, le kilo de banane Amérique affiche la plus forte baisse, de l'ordre de 19%. Du côté des hausses, est à noter que sur une semaine les kilos de boeuf et de poire Abate augmentent tous deux de 7%. Dernière hausse de baromètre, la coquille Saint Jacques décortiquée et coraillée vendue au kilo voit son prix grimper de 6%.

Les trois plus fortes hausses de la semaine

En ce qui concerne les baisses de la semaine, toutes sont à deux chiffres : le kilo de banane Amérique (-19%), le kilo de saumon en filet (-17%) et le kilo de pêches à chair jaune (-15%). Est à noter que pour cette dernière, son prix baisse sur un an de 16,50%, pour atteindre 2 euros le kilo en moyenne.

Méthodologie : Le baromètre des prix des produits frais Relaxnews est réalisé chaque mercredi à partir des données fournies par le Service des Nouvelles des Marchés qui dépend du ministère de l'Agriculture. Chaque semaine, une vingtaine d'agents du SNM relèvent le prix au détail de 150 produits (fruits, légumes, viandes, poissons...) dans 150 grandes et moyennes surfaces réparties dans toute la France (échantillon représentatif de la consommation des ménages en France, établi par la Sofres).

Commentaires