L’avenir de la pêche industrielle avec la fin des fronts pionniers ?

Une étude publiée le 2 décembre 2010 dans la revue Plos One (1) : Expansion spatiale et empreinte écologique de la pêche (1950 à nos jours), explique que la pêche maritime mondiale s’est développée essentiellement par l’extension des territoires de pêche. Avec la fin des fronts pionniers, qu’adviendra-t-il des stocks de poisson existants ? Les auteurs estiment que l’industrie de la pêche va tout droit dans le mur si elle continue d’exploiter les ressources halieutiques selon une logique purement extractive, avec l’effondrement des stocks de poisson d'ici 2050 si rien n'est fait.

En préliminaire....

Mais avant le chaos, nous pouvons nous attendre à une recrudescence des affrontements entre les différentes pêcheries industrielles pour l’accès aux ressources économiquement exploitables comme c’est le cas actuellement en Atlantique nord-est pour le maquereau, ou en Mer de Chine pour la délimitation des eaux territoriales. D’autre part, la pêche artisanale risque de voir le secteur industriel se rabattre dans la bande côtière. La Commission européenne ne propose-t-elle pas de limiter l’activité artisanale à la zone des 12 milles et permettre ainsi à l’industrie d’exploiter des eaux encore très riches en poisson….

Expansion de la pêche industrielle

L’étude coordonnée par l’Université de Colombie Britannique (UBC) en collaboration avec la National Geographic Society, met en évidence que l'expansion des pêches maritimes à l’échelle mondiale s’est réalisée à partir des eaux côtières de l'Atlantique Nord et du Pacifique Ouest en direction de l'hémisphère Sud et de la haute mer. Les auteurs notent qu'entre les années 50 et 70, le territoire de pêche s'est étendu d'un million de kilomètres carrés par année. À partir des années 80, ce rythme a triplé, explique le chercheur Daniel Pauly, co-auteur de l’étude.

« Elle a augmenté vers les années 80 et elle a atteint près de 3 millions de kilomètres carrés par année. C'est la surface de toute l'Amazonie et maintenant, il n'y a plus d'augmentation parce qu'ils pêchent partout. »

L'équipe de chercheurs a observé un déclin des pêches depuis le milieu des années 90. Leurs résultats viennent s'ajouter à ceux d'une étude publiée en 2006 dans le magazine Science, annonçant un effondrement des stocks de poisson d'ici 2050 si rien n'est fait.

« Maintenant on ne peut plus s'échapper, il n'y a plus d'ailleurs. On a la possibilité de reconstruire les stocks ou alors on a la possibilité de vraiment pêcher à mort les stocks qui restent. » Daniel Pauly.

Philippe Favrelière (avec l’aide d’un article de Radio Canada : Pêche : Les océans auraient atteint leurs limites de production (Radio Canada)

Autres articles :

Pour aller plus loin....

  • (1) Plos One : The Spatial Expansion and Ecological Footprint of Fisheries (1950 to Present) - Wilf Swartz, Enric Sala, Sean Tracey, Reg Watson and Daniel Pauly. Pour télécharger l’étude, cliquer Ici
  • 13 millions de dollars pour connaitre l'avenir de la pêche : Dans le cadre d'une convention entre l'Université de Colombie-Britannique (Canada) et la fondation japonaise, Nippon Foundation (NF), les chercheurs canadiens vont recevoir la jolie somme de 13 millions de dollars pour leurs travaux sur les océans et les pêches mondiales (étudier l'avenir des océans et suivre l'impact des activités humaines sur les ressources de la mer) : USD 13 million research program launced to predict oceans future (FIS)

================

Réflexion : Compenser les captures en mer ?

Le Groupe Adrien : Cette société française issue d'une famille de pêcheurs de Noirmoutier a ouvert des fronts pionniers au Sénégal (crevette) et au Pérou (merlu et calamar) et elle se diversifie maintenant dans l’aquaculture (Elevage de turbot et ostréiculture)….

Question : Ne pourrait-on pas demander aux sociétés de pêche de compenser les captures en mer par des activités d’aquaculture (repeuplement ou autres projets aquacoles…) ?

Ne demande-t-on pas aux forestiers de reboiser pour compenser les coupes !!!

Lire le très bon article du Journal des Entreprises sur le groupe Adrien : Adrien. Le groupe nantais accélère sa diversification (Le Journal des Entreprises)

Issu d'une famille de pêcheurs de Noirmoutier, René Adrien va investir 2M€ dans son usine péruvienne. Le Nantais passe quatre à cinq mois par an dans ce pays d'Amérique du Sud où il emploie un millier de personnes. Il y a cinq ans, le turbot et les crevettes portaient le groupe Adrien. Aujourd'hui, l'entreprise investit dans l'ostréiculture, le calamar et le négoce international. Changement de cap pour le groupe Adrien. Cette entreprise bouguenaisienne, créée en 1957 par Michel Adrien et aujourd'hui dirigée par son fils René, accélère sa diversification. Il y a dix ans, le groupe était surtout connu pour l'élevage de turbots et la transformation de crevettes. S'il reste encore positionné dans la reproduction de ce poisson plat, René Adrien estime que cette activité ne va pas progresser, concurrence espagnole oblige. Quant aux crevettes, le groupe s'en est tout bonnement séparé. En 2007, l'usine Adrimex de Bouguenais est cédée à l'Islandais Alfesca. En 2009, l'activité de pêche au Sénégal (Sopasen) est vendue à un armateur local. Pour assurer son développement, le groupe mise aujourd'hui sur le lancement d'une activité de négoce international, l'ostréiculture et ses activités péruviennes.

Vers le milliard de naissains

Cela fait cinq ans que le groupe Adrien s'est lancé sur le marché de l'huître, en s'appuyant sur le savoir-faire acquis dans la production de turbots. Alors que l'élevage d'huîtres se spécialise en fonction du cycle de vie du mollusque, l'entreprise bouguenaisienne investit le marché de l'écloserie/nurserie (à Noirmoutier) et du pré-grossissement (dans le Languedoc-Roussillon). Elle vient d'injecter quelques centaines de milliers d'euros pour accroître les capacités de production de son site vendéen. Troisième producteur de naissains d'huîtres français avec 400 millions d'unités cultivées chaque année, René Adrien devrait porter ce chiffre à 700millions en 2011 et à un milliard en 2013. Au niveau du pré-grossissement, l'entreprise compte sur un partenariat avec un ostréiculteur breton pour doper ses ventes. «On va progresser dans l'huître, qui va représenter 3,4 M € de chiffre d'affaires en 2010, c'est-à-dire un peu plus que ce que nous réalisons avec le turbot. L'huître est un marché qui se porte bien, qui passe très bien les crises et qui va se démocratiser», assure René Adrien. La profession doit pourtant faire face à une crise de production, les huîtres de l'Atlantique souffrant d'un taux de mortalité anormalement élevé. En s'associant avec trois autres écloseurs au sein de SFC (Noirmoutier), société qui opère une sélection des huîtres les plus résistantes, le groupe compte enrayer le phénomène dans les trois ans.....

=====================

Production durable de ressources alimentaires marines : Des pêcheries viables dans un monde changeant - Let.sc.IFN. n° 130, novembre 2008 - Philippe Gros

Les experts mondiaux s’accordent avec la FAO pour constater que l’essor d’après-guerre des pêches maritimes a pris fin au cours des années 80. Le développement de l’aquaculture est devenu significatif pendant la décennie 90, lorsqu’il a relayé la croissance de la production halieutique - qui avait atteint le plafond de 90 à 95 millions de tonnes/an au voisinage duquel elle est demeurée depuis. Répondre à l’augmentation de la demande mondiale de produits aquatiques pour l’alimentation humaine requiert à la fois une gestion durable des ressources halieutiques et une croissance durable de la production aquacole. Les parties concernées (professionnels, administration, recherche, représentants de la société civile) sont face à un défi : comment concilier la conservation des ressources vivantes - et plus généralement de l’ensemble des «biens et services» des écosystèmes marins - avec la profitabilité socio-économique de la pêche et de l’aquaculture…. Suite….

Photographie de Philippe Favrelière : Thonier-senneur basé à Cumana (Vénézuela)

Commentaires