La Chine s'attaque au blanchiment des poissons de la pêche pirate

Tout le monde dénonce la pêche illégale et les conséquences de cette pratique sur la ressource halieutique. Sous l’égide de la FAO, 91 pays viennent de se mettre d’accord pour intensifier la lutte contre les pirates de la pêche. La solution retenue est d’interdire l’accès des ports de pêche aux navires pratiquant la pêche illégale qui selon le communiqué final de l’organisation internationale devrait dissuader les écumeurs des mers. Nous pouvons émettre des réserves par rapport à cette mesure ; dans de nombreuses régions du monde, les ports sont reconnus comme les hauts lieux de tous les trafics, trafic d’armes, d’alcools, de cigarettes et pourquoi pas de poissons…

Des ports et des pays se distinguent par leur connivence avec les pirates de la pêche comme las Palmas dans l’archipel des Canaries, ainsi que les grands ports spécialisés dans la transformation du poisson en Chine. A ce sujet, le Département du gouvernement britannique de l'Environnement, de l'Alimentation et des Affaires rurales (DEFRA) a voulu en savoir plus sur les produits halieutiques importés de Chine. L’organisme britannique a financé une étude que vient de publier Traffic, le réseau international pour la surveillance du commerce des espèces sauvages : Understanding China’s fish trade and traceability systems (Pour la compréhension du commerce du poisson en Chine et des systèmes de traçabilité).

La filière halieutique française est concernée...

Cette étude concerne aussi la filière halieutique française. En 2007, la France a importé depuis la Chine 18 600 tonnes de colin d'Alaska et 3 500 tonnes de saumon sous forme de filets congelés (représentant respectivement 50% et 20% des importations totales) ; ces filets congelés sont surtout utilisés par les usines de transformation comme Findus et Iglo pour préparer des produits de la mer plus élaborés et éventuellement éco-labellisés MSC (Pêche durable). Dans son dernier rapport « Bilan annuel commerce extérieur, 2008 », FranceAgriMer confirme le renforcement des exportations chinoises sur le marché français l'année dernière, notamment pour le cabillaud, le colin d’Alaska et le saumon. Maintenant tout le monde peut faire sans problème ses courses en Chine en commandant en ligne des filets de poissons préparés à plus de 8 000 km, regardez ce site chinois : Made in China.com .

9000 usines de poissons suspectées

En quelques années, la Chine est devenue le premier exportateur mondial de produits halieutiques. Contrairement aux autres pays exportateurs comme la Norvège (2e), les USA, le Chili et le Canada, la Chine a assis sa suprématie commerciale non pas sur ses propres productions halieutiques réservées principalement au marché national, mais à partir de produits d’importation à haute valeur marchande. La Chine est maintenant la plaque tournante du commerce mondial du poisson. Le pays importe des quatre coins de la planète, saumon, cabillaud, colin, églefin, merlu, maquereau..., pour les transformer dans ses usines de filetage réparties dans les différents ports du pays. Ces poissons reprennent ensuite le chemin inverse sous forme de filets ou de blocs congelés.

Selon l’étude de Traffic, la Chine a fait des progrès considérables concernant l'amélioration de la traçabilité dans son industrie de transformation, mais elle aura besoin de s'adapter davantage si elle veut satisfaire aux exigences de la réglementation à venir de l'Union européenne. « A partir de janvier 2010, tous les produits halieutiques importés en Europe devront être accompagnés des certifications de capture. » Les certificats devront alors être validés par l'Etat du pavillon du bateau qui a capturé le poisson. Cette nouvelle réglementation vise aussi à lutter contre la pêche illicite, non réglementée et non déclarée (INN).

Le grand intérêt de cette étude est d’avoir compilé des informations sur le commerce et la transformation du poisson en Chine. Ce « débroussaillage » va permettre de connaitre les points faibles du circuit, les portes d'entrée par où peuvent s’introduire les poissons d’origine illégale.

« En décryptant le rôle de la Chine dans le « retraitement » du poisson, le rapport permet de mesurer l’implication de ce pays dans les problèmes de surpêche et de captures illégales, et de trouver ensuite des solutions pour les résoudre », indique Shelley Clarke, auteur de l’étude.

L'industrie halio-alimentaire chinoise s'est développée rapidement au cours de la dernière décennie. Elle concerne actuellement près de 9000 usines qui sont installées principalement dans les provinces du Shandong et du Liaoning. La production de la pêche a connu elle-aussi une très forte progression, passant de 2,8 millions de tonnes en 1993, à 9,3 millions de tonnes en 2006.

Suspicion sur le saumon, colin d'Alaska, cabillaud, sébaste, églefin, merlan, lieu noir, merlu, légine et thon

Le rapport a étudié plus particulièrement saumon, colin d'Alaska, cabillaud, sébaste, églefin, merlan, lieu noir, merlu, légine et thon. La Russie fournirait plus de la moitié de la « matière première » y compris dans les espèces principales comme le cabillaud et le saumon.

Toutefois, la détermination des quantités par espèce est loin d'être simple : le classement lors du passage en douane, tant en Chine et que dans certains pays importateurs, n'est pas suffisamment détaillé pour établir des quantités précises par espèces. Autre problème lié à la complexité de l'industrie : les poissons peuvent changer plusieurs fois de « mains » rien qu’en Chine, avec des implications évidentes dans la traçabilité des produits.

Les recommandations contenues dans le rapport sont notamment la rationalisation des systèmes de contrôle actuellement utilisés par les autorités chinoises en adoptant un système unique, intégré et efficace de traçabilité, et le développement d’un système de certification des captures pour la Chine, et de renseignements pour le contrôle des produits importés.

Conclusion sous forme d’interrogation : Les flux commerciaux chinois concernent aussi les pêcheries éco-labellisées notamment le colin d’Alaska, le cabillaud et le saumon sauvage du Pacifique Nord côté étatsunien. Quelles sont les procédures mises en place par les organismes certificateurs tels que MSC et Friend of the Sea en matière de traçabilité ? Des colins d'Alaska, cabillauds et saumons sauvages du Pacifique Nord pêchés du côté russe et non certifiés passent en très grande quantité par les usines de poissons chinoises avant d'être réexportés sur les marchés européens, japonais et étatsuniens.
Philippe FAVRELIERE d'après un communiqué de Traffic (modifié le 6 septembre 2009)

Autres articles sur le sujet :

Pour plus d'informations et études :

Le 5 septembre 2009 : 78 sociétés chinoises étaient référencées sur le site Made in China.com à la rubrique : Alaska Pollock (colin d'Alaska ou lieu)

Illustrations de Traffic

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