Les scientifiques maitrisent-ils bien tous les paramètres de la dynamique des populations en mer ? N’y-aurait-il pas d’autres facteurs que la surpêche en cause comme le changement climatique, la pollution des eaux littorales, la dégradation et la destruction des écosystèmes côtiers liés tout particulièrement à la concentration des activités humaines le long des côtes ?
Aux amis des poissons
Toujours est-il que les effets d’annonce comme ceux de 2006, le chaos de la ressource en poisson, ont eu des répercussions très importantes quant à la perception des activités de pêche. Le film « The End of The Line » sorti au Royaume-Uni lors de la dernière journée mondiale des océans en est l’apothéose. Des ONG environnementalistes se sont saisies de ces prévisions alarmistes pour se positionner comme les grands défenseurs des poissons ; elles se sont constituées un fonds de « commerce » sur le dos des pêcheurs artisanaux, fileyeurs, thonailleurs… Ne parle-t-on pas maintenant des pays « Amis des poissons » comme l’Allemagne où les ONG ont un poids prépondérant dans les décisions politiques ? Par opposition aux pays « Amis des pêcheurs » comme l’Espagne qui doivent encore compter sur l’importance économique de la pêche. La France qui se trouvait plutôt dans le camp des pêcheurs, n’aurait-elle pas virée de bord avec l’inscription du thon rouge sur la liste des espèces en voie de disparition de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages en danger (CITES) (1), sous la pression des ONG environnementalistes participantes au Grenelle de la mer.
En France, les organisations professionnelles commencent à mesurer l’influence des « Amis des poissons ». Le journal Presse Océan, à l’occasion des fêtes de la mer à Pornic rapporte : « Philippe Mérabet, responsable national au niveau de la pêche, insiste : « Nous ne savons pas communiquer, nous ne montrons que les mauvais côtés de la vie des marins pêcheurs, et pas suffisamment les grands moments que l'on peut vivre ensemble. » Demain, les marins pêcheurs auront l'occasion d'expliquer leur métier aux vacanciers qui embarqueront à bord de leur outil de travail. La législation ne permet pas d'accepter plus de 8 à 10 personnes à chaque sortie, et les bateaux sont de moins en moins nombreux (il n'y a plus que 11 bateaux de pêche pornicais). Mais il faut que cette fête perdure. » (ndlr avec les pêcheurs ou sans eux ?).
Aux promoteurs des Quotas Individuels Transférables
L’enquête parue dans Science indique que 63% des réserves estimées de poissons dans le monde nécessitent d'être reconstituées pour éviter la disparition d'espèces vulnérables. Mais, le principal auteur de l'étude Boris Worm de l'université canadienne de Dalhousie (Halifax) est confiant « Cette étude montre que nos océans ne sont pas une cause perdue ». En effet, selon l'étude qui s’appuie sur l’analyse de 10 pêcheries à travers le monde, des progrès importants ont été faits dans plusieurs régions aux Etats-Unis, en Islande ou encore en Nouvelle-Zélande pour reconstituer des stocks dévastés par des décennies de surpêche en mettant en oeuvre des stratégies de gestion prudentes.
Michael Fogarty de l’agence étatsunienne NOAA indique que le plan de récupération de l’aiglefin est spectaculaire sur le banc Georges, au large de la Nouvelle-Angleterre (voir la carte : Northeast US Shelf au Nord-Est des USA), ainsi que l'amélioration des stocks de sébaste, de pétoncles et d'autres poissons. Mais d'autres encore, comme le cabillaud et la plie, restent vulnérables, a-t-il déclaré lors de la conférence de presse. « Nous sommes convaincus que la « marée » de la surexploitation peut être inversée à l'échelle mondiale », a indiqué Fogarty, en prenant des mesures telles que la création de cantonnements, la modification des engins de pêche,…
Par contre, les scientifiques proposent aussi la mise en place de quotas individuels transférables (QIT) qui selon eux expliquerait la bonne gestion des pêcheries alaskiennes et néozélandaises, et la récupération des stocks dans les eaux islandaises. Pour les scientifiques, les bons élèves seraient les régions qui appliquent les QIT : Alaska, Nouvelle Zélande, Australie, et les mauvais élèves les pays de l’Union Européenne qui n’appliquent pas ce système de gestion.
Mais pas aux communautés de pêcheurs à travers le monde
Nous ne pouvons pas être d’accord avec cette vision de la pêche qui revient à une privatisation des ressources de poissons au profit des armateurs industriels. Les conséquences socio-économiques de ce mode de gestion des pêcheries sont désastreuses pour les communautés littorales. D’autre part, de nombreux exemples montrent que la gestion par l’individualisation des captures n’est pas aussi exemplaire en matière de récupération des stocks de poisson comme le prétendent les auteurs de l’étude. Effondrement des captures de colin en Alaska (voir : Tempête sur le Colin d'Alaska - Greenpeace contre MSC). Diminution des captures de cabillaud en Islande (voir : En Islande, le poisson et la baleine vont payer !). Cabillaud toujours non « récupéré » dans les eaux du Labrador.
Le grand spécialiste des pêches, Daniel Pauly de l’Université de Colombie Britannique au Canada, pourtant partisan du système des quotas individualisés, pointe des contradictions au niveau international, des impasses sociales et économiques, que seule une volonté politique ferme pourrait dépasser. «Ce sont ceux qui n’ont pas besoin du poisson, les habitants des pays riches, qui consomment 80 % des prises, massivement importées des côtes des pays du Sud, alors qu’il faudrait les réserver à leur pêche artisanale afin de protéger leurs ressources alimentaires et leur emploi.» « Bien souvent, c’est l’inverse que l’on observe. Lorsque le Sénégal ou la Mauritanie vendent les droits de pêche dans leurs eaux territoriales à l’Union européenne, la Russie ou la Chine, l’argent se perd en corruption, et les ressources chutent. » « Dans les pays riches, en Europe en particulier, les plans se sont toujours traduits par moins de marins, moins de navires, mais toujours plus équipés, plus puissants, et donc un effort de pêche surdimensionné par rapport aux ressources. Les règles de la compétition entre pêcheurs ne sont pas mises en cause, au détriment de l’emploi comme d’une gestion rationnelle des stocks. »
- Approche écosystémique : Les fonds marins de Georges Bank sous les sondeurs des scientifiques
- Dossier : QIT
- Dossier : PCP
Information ajoutée le 5 août 2009
Les zones de pêche peuvent encore être sauvées (Le Télégramme)
Selon une vaste enquête publiée dans le journal Science, 63% des réserves estimées de poissons dans le monde nécessitent d'être reconstituées pour éviter la disparition d'espèces vulnérables. «Dans toutes les régions, nous constatons toujours une tendance inquiétante vers un effondrement croissant des stocks», affirme le principal auteur de l'étude Boris Worm de l'université canadienne Dalhousie. «Mais cette étude montre que nos océans ne sont pas une cause perdue», ajoute-t-il.
«Des progrès importants»
En effet, selon l'étude, des progrès importants ont été faits dans plusieurs régions aux Etats-Unis, en Islande ou encore en Nouvelle-Zélande pour reconstituer des stocks dévastés par des décennies de surpêche en mettant en oeuvre des stratégies de gestion prudentes. La moitié des dix zones de pêche examinées dans le cadre de l'étude sont ainsi parvenues à diminuer le taux d'exploitation (la proportion de poissons pêchés) principale cause de raréfaction ou de disparition des poissons. «Ce n'est qu'un début, mais cela me donne l'espoir que nous avons la capacité de maîtriser la surpêche», explique Boris Worm. M.Worm a néanmoins souligné que l'analyse, la plus vaste à ce stade, avait porté principalement sur les zones de pêche de pays développés où sont recueillies des données à long terme sur l'abondance de poissons. Cela veut dire que le risque d'effondrement des stocks pourrait être encore plus grand dans les autres zones.
Des réserves de pêche
Malgré tout, l'étude révèle que certaines stratégies ont permis de protéger et de rétablir les réserves de pêche. L'usage de filets permettant aux petits poissons de s'échapper et la fermeture de certaines zones à la pêche ont par exemple permis au Kenya d'augmenter la taille et la quantité de poissons disponibles et d'accroître les revenus de la pêche. Dans de nombreuses zones, toutefois, le taux de capture devra être réduit de moitié pour préserver les réserves de poissons, a souligné M.Worm. L'étude est publiée dans un numéro spécial de Science dédié à l'écologie.
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