Les fonds marins de Georges Bank sous les sondeurs des scientifiques

Au nord-est des USA, Georges Bank était jadis le rendez-vous des grandes flottes de pêche mondiales qui traquaient la morue dans cette région du globe. Comme les Grands Bancs de Terre Neuve situés plus au nord, Georges Bank a vécu l’effondrement des stocks de cabillaud dans les années 1980. Après avoir contribué pendant près de 400 ans à la sécurité alimentaire des populations européennes avec la populaire « morue salée », ce haut-fond reste toujours un haut lieu de la pêche non plus mondialisée, mais étatsunienne avec une production halieutique de près d’un million de tonnes chaque année (soit 2 fois les captures métropolitaines françaises). Aujourd’hui, même sans cabillaud, cette zone de pêche contribue toujours à approvisionner le marché européen et tout particulièrement le marché français, notamment en saint-jacques et homard. Aux USA, c'est la deuxième région halieutique après l'Alaska (2,4 millions de tonnes en 2007).

La pêche, une activité parmi d’autres dans l'explication des bouleversements

L’étude que mènent actuellement les scientifiques de la NOAA dans cette grande région halieutique est riche d’enseignements. Plutôt que de « pleurer » les cabillauds, l’équipe dirigée par Michael Fogarty essaie de comprendre l’influence des impacts humains au sens le plus large et des facteurs environnementaux sur les modifications des écosystèmes de l’Atlantique du nord-est pour développer ensuite une gestion efficace et mettre en place des stratégies d’encadrement adaptées. Dans l’étude, l’activité de pêche n’est qu’un paramètre parmi d’autres pour expliquer les bouleversements au niveau de la ressource halieutique. L'écosystème a bien sur connu la pêche intensive des flottes nationales et étrangères, mais il est aussi perturbé par des modifications liées au changement climatique et à l'accroissement des populations humaines le long des côtes.

« Il y a de nombreuses pressions sur l'écosystème, notamment la pêche, la pollution, la perte d'habitat due au développement côtier, ainsi que les impacts de la navigation et des autres activités océaniques » a déclaré Fogarty. « En outre, les changements climatiques favorisent le réchauffement des eaux océaniques, qui modifie ensuite la composition chimique de la mer et les courants marins. » « Ces changements ont, à leur tour, des incidences dans la distribution et l'abondance des espèces de poissons et leurs principales sources de nourriture. » A ce sujet, l’étude consacre toute une partie sur les populations planctoniques.

Du cabillaud au saint-jacques et homard

« Au cours des 40 dernières années, les espèces pêchées sur le plateau continental au nord-est des USA ont changé en raison de modifications importantes de l’écosystème régional ». Les stocks halieutiques sont désormais dominés par les petits pélagiques comme le hareng et le maquereau, et les mollusques (dont les coquillages).

L’étude souligne la nécessité de gérer cette zone de pêche dans son ensemble plutôt que comme une série d'éléments distincts et non reliés. Elle met en évidence le besoin de comprendre dans un premier temps les impacts naturels et humains, pour développer ensuite une gestion efficace et mettre en place des stratégies d’encadrement adaptées.

Le rapport est le premier d'une série de travaux consacrée aux écosystèmes « Plateau continental » dans 64 régions du monde. Ces zones côtières qui subissent les contraintes les plus fortes, sont d’une très grande importance puisqu’elles représentent près de 80% des captures mondiales.

Parmi les points importants du rapport :
  1. Le réchauffement des eaux côtières a modifié les populations avec la migration vers le nord d’espèces vivant dans des eaux plus chaudes.

  2. La structure des communautés de zooplancton, une importante source de nourriture pour les baleines et de nombreuses autres espèces marines, y compris les poissons, a changé, en partie à cause du climat et des processus physiques agissant sur le bassin de l'Atlantique Nord, indiquant l'importance des vents et de la circulation atmosphérique sur cet écosystème.

  3. Les systèmes de pêche plus sélectifs ont également contribué à des changements dans la composition des stocks halieutiques, qui sont désormais dominés par les petits poissons pélagiques comme le hareng et le maquereau, les espèces de mollusques et les petits requins, des espèces à valeur économique relativement faible.

  4. Les prévisions concernant le déplacement des populations humaines suggèrent que la pression anthropique sur les écosystèmes côtiers va augmenter.

  5. Le plateau continental du nord-est des États-Unis est classé comme un écosystème en surpêche, même si une amélioration a été observée pour un certain nombre d'espèces récoltées. Les taux d'exploitation (ou la vitesse à laquelle les poissons sont retirés de l'océan) ont été considérablement réduits pour de nombreux stocks halieutiques au cours de la dernière décennie ; ce qui indique que les mesures de gestion mises en place pour réduire la surpêche commencent à donner des résultats.

Fogarty explique que cette surveillance qui associe de nombreuses organisations et institutions de la région du nord-est, a permis aux scientifiques de suivre les changements dans l’ensemble de la zone.

« Nous devons continuer à surveiller les indicateurs océanographiques, écologiques et humains analysés dans ce rapport afin de détecter tout changement supplémentaire dans le système. » « Ces indicateurs fournissent aussi des renseignements importantes à des modèles qui peuvent être utilisés pour guider les décisions de gestion et pour prévoir les changements futurs. »
D'après la NOAA : Human Impacts and Environmental Factors Are Changing the Northwest Atlantic Ecosystem

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Autres informations :

La pêche étatsunienne en chiffres

Fisheries of the United States 2008 (The Fishsite)

The annual statistics for 2008 have been published by National Marine Fisheries Service for the National Oceanic and Atmospheric Association (NOAA). While the volume of landings was 11 per cent lower than the previous year, value was up by five per cent. Top of the species rankins were pollack (by volume) and crabs (by value).

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Le 29 mars 2012

La morue déserte le Georges Bank (Jdle)

Dans l’esprit des pêcheurs américains et canadiens, le Georges Bank s’apparente à une corne d’abondance. Depuis plus de 4 siècles, les pêcheries du Massachusetts et de la Nouvelle écosse développent leur activité grâce à l’abondance des bancs de morues et de flétans, vivant aux alentours de ce banc de sable submergé, situé au large de Boston.

Hélas, les bonnes choses ont une fin. Selon une étude récemment publiée par l’administration américaine des pêches (la Noaa), le stock de poisson de la région est en chute libre : -46% depuis 2008.

«Cette découverte converge avec les résultats de l’évaluation des stocks de morue du golfe du Maine que nous avons faite l’an dernier et qui montrait que les populations ont chuté des deux tiers depuis 2007», rappelle Teri Frady, de la Noaa.

Selon la presse américaine, des quotas de pêches exceptionnels pourraient entrer en vigueur dès le second semestre de cette année, ainsi qu’en 2013. Valéry Laramée de Tannenberg

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