La gestion des pêcheries selon la logique des complexes agro-alimentaires

Dans la Voix du Nord, Bertrand SPIERS s'interroge sur l'avenir du secteur halieutique européen alors que les pêcheurs artisanaux du Pas-de-Calais sont sommés d'arrêter la pêche du cabillaud afin de ne pas dépasser le "petit" quota qui leur a été attribué pour l'année 2009.

Pendant que les pêcheurs français sont soumis à des contraintes de gestion de plus en plus fortes, on laisse une pêche minotière saccager des juvéniles au Danemark et en Norvège. Où est la logique dans tout cela ? Sans doute dans le profit des grands complexes agroalimentaires des pays de l'Europe du Nord.

Lire l'article de Bertrand SPIERS publié le 24 mars 2009 qui est encore d'actualité

La pêche française a bon dos...

Sous le prétexte d'une espèce en voie de disparition, la pêche artisanale française paye un lourd tribut. Beaucoup trop lourd...

Depuis des années, l'Union européenne (UE) met en avant la disparition de la ressource pour justifier des mesures de plus en plus contraignantes. Mais sont-elles fondées ? Car en regardant les chiffres 2008 de près, on s'aperçoit qu'un pays comme la Norvège s'est octroyé 80 % des taux admissibles de capture (TAC), la France, elle, n'étant autorisée à pêcher que 1,22 %.

Il est clair que ce ne sont pas 5 900 t de plus ou de moins qui mettent en péril la morue de la mer du Nord. En 2005, les TAC de cabillaud s'élevaient à 1 million de tonnes. En 2008, jugeant l'espèce en mauvais état, malgré parfois des avis scientifiques divergents, l'UE décidait des coupes sombres : 480 000 tonnes (moitié moins), dont 373.000 tonnes pour la Norvège et 107.000 tonnes pour les autres pays de l'UE.

Dans le même temps, la Norvège s'est lancée dans la production de cabillaud d'élevage, avec l'espoir de combler à terme la différence. Les fermes norvégiennes en sont encore loin. Mais leur technicité et leur savoir-faire dans le domaine du saumon laissent à penser qu'ils y arriveront, tôt ou tard. Avec les conséquences écologiques que l'on peut redouter. Car pour nourrir 1 kg de poisson d'élevage - de « cage » disent ses détracteurs - il faut entre 5 et 10 kg de poisson sauvage. Sans oublier bien sûr la pharmacopée nécessaire pour garder des poissons en bon état sanitaire.

Sous couvert, donc, de sauver une espèce dont les captures ont en effet diminué (mais l'effort de pêche lui aussi a diminué !), on favorise un système économique qui aboutit à la destruction de la faune sauvage. L'exemple du Danemark et de sa pêche minotière vouée à la production de farine, notamment pour les fermes aquacoles, est connu. Pendant qu'on oblige les pêcheurs français à rejeter en mer du cabillaud de bonne taille, on laisse une pêche minotière saccager des juvéniles. Où est la logique dans tout cela ? Sans doute dans le profit des grands complexes agroalimentaires des pays de l'Europe du Nord.

Commentaire ajouté le 25 mars 2009 : Ne pas oublier le poids des sociétés de pêche aux petits pélagiques pour la consommation humaine

N’y-a-t-il pas aussi une rivalité pour la maîtrise des ressources halieutiques ? D’année en année, la part des captures pélagiques s’accroit par rapport aux captures démersales qui sont maintenant moins importantes en volume que les petits pélagiques en Atlantique du Nord-Est.

L’exploitation des ressources de petits pélagiques se concentre de plus en plus autour de quelques entreprises norvégiennes et danoises, qui sont pour certaines des multinationales comme la norvégienne Austevoll Seafood ASA, une société qui a des quotas d’anchois au Pérou et de chinchard au Chili de plusieurs centaines de milliers de tonnes. En Europe, Austevoll Seafood Asa est devancé par sa compatriote Norway Pelagic dont les captures avoisinent un million de tonnes rien que dans les eaux norvègiennes ! C’est la société de pêche la plus importante de toute l’Europe. Norway Pelagic qui est le leader mondial de la commercialisation des petits poissons gras (maquereau et hareng) pour la consommation humaine, exporte les produits issus des eaux européennes dans le monde entier.

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