France : la course à l'écolabellisation MSC

Le Marine Stewardship Council vient d’annoncer le franchissement de la barre des 2000 certifications MSC pour un produit de la mer commercialisé en France (communiqué de presse du 22 janvier 2009). Cette annonce vise à doper la filière française qui a pris un certain retard dans la course à la labellisation « pêche durable ». Cette organisation britannique s’est donnée pour mission de guider les consommateurs sur des produits de la mer issus de pêcheries éco-labellisées par elle-même.

Le bilan français est plutôt faible avec près d’une centaine de produits MSC proposés aux consommateurs sur plus de 1600 produits déjà labellisés dans une quarantaine de pays. De plus, pas une seule pêcherie française sur les 39 labellisées MSC dans le monde.

Une affaire de multinationales et de pêcheries mondialisées

La 2000e certification MSC concerne un paquet de 500 g de noix de saint jacques congelées au large de l’Argentine et qui est distribué par Carrefour sous la marque « Eco Planète ».
Ces coquillages sont pêchés dans l’une des 39 pêcheries certifiées jusqu’à maintenant dans le monde par le Marine Stewardship Council. Il s’agit de la saint jacques de Patagonie (Zygochlamys patagonica) qui est récoltée par 4 chalutiers d’une longueur de 45 à 59 m dans la zone des Malouines pour une quantité de 42 000 tonnes par an. Le marché européen qui en absorbe la moitié, les importe sous forme congelée. Les noix sont vendues directement en paquet dans le rayon des surgelés comme le produit Carrefour, mais elles entrent aussi dans les préparations de nombreux plats congelés comme les produits de la marque Toupargel ou Picard.

Une centaine de produits labellisés MSC sont déjà dans les rayons de plusieurs grandes surfaces françaises sous la marque des distributeurs ou des transformateurs. La quasi-totalité sont des produits congelés (filets, panés ou plats cuisinés) préparés avec des poissons issus des pêcheries certifiées du :
· Pacifique Nord : saumon sauvage, cabillaud et colin d’Alaska,
· Pacifique Sud : hoki,
· Atlantique Sud : merlu blanc du Cap et saint jacques de Pantagonie
· Atlantique Nord-Est : hareng et maquereau.

En France, les plus grands promoteurs de l’écolabel MSC sont les transformateurs et tout particulièrement les sociétés qui appartiennent à de grands groupes internationaux et qui contrôlent déjà le marché chacun dans leur créneau comme Findus, Iglo et Delpierre. La certification MSC est parfaitement intégrée dans leur stratégie commerciale. Findus a annoncé depuis plusieurs mois et à plusieurs reprises que tous ses produits seront prochainement issus de la « pêche durable ». IGLO suit la même démarche avec le soutien du WWF, l’organisation environnementale partenaire avec Unilever du lancement de l’écolabel MSC au niveau international à la fin des années 90. La seule entreprise française engagée dans le processus est le saurisseur breton Méralliance avec du lieu et du saumon fumé du pacifique.

Mareyeurs et pêcheurs français : choisir entre local et international

Avec l’élargissement de son équipe et l’ouverture d’un bureau à Paris à l’automne 2009, le MSC a la ferme intention de renforcer ses positions sur ce marché français de plus deux millions de tonnes de produits halieutiques, l’un des plus volumineux et des plus diversifiés au niveau mondial.

A Boulogne, plateforme la plus importante du poisson en France et siège des plus grands transformateurs (cités ci-dessus), les acteurs de la filière commencent à bouger et à s’interroger sur ce label MSC. « A la demande de plusieurs mareyeurs et transformateurs, le syndicat du mareyage boulonnais a organisé mardi (ndlr 13 janvier 2009) une réunion d'information sur les écolabels.... Les professionnels de la filière boulonnaise, souhaitant recevoir un éclairage sur ce sigle (ndlr MSC) et, surtout, ce qui se cache derrière, le syndicat a organisé cette réunion avec l'appui des services de la CCI… Il faut préciser qu'aucune pêcherie, en France, ne bénéficie pour l'heure de l'écolabel MSC. Mais de nombreux produits étrangers le sont déjà. « Les acheteurs des grandes surfaces connaissent l'écolabel MSC et pourront, demain, l'exiger pour les produits nationaux. Et ne pas être éco-labellisé MSC pourrait alors conduire à des pertes de marché », prédit Pascal Labarre, de la CCI, intervenant à cette réunion. » (Source : la semaine dans le boulonnais)

Les produits frais de la pêche artisanale française ont-ils intérêt à se mesurer aux produits congelés d’importation d’un coût inférieur et dont la commercialisation est contrôlée par la grande distribution et les « gros » transformateurs pour des quantités qui n’ont aucune mesure avec les produits de la pêche artisanale ?

D’autre part, cette labellisation MSC par produit avantage plutôt la pêche industrielle qui capture une ou deux espèces pour de grandes quantités, alors que la pêche artisanale cible une grande variété d’espèces pour de petites quantités. L’approche « éco-systémique » recommandée par la FAO dans le cadre de la gestion durable d’une pêcherie serait mieux adaptée à la pêche artisanale côtière car elle prend en compte l’ensemble des espèces et l’intégration de la pêche dans son environnement. Mais pour le moment personne ne s’est hasardé dans cette direction de certification beaucoup plus complexe.

Selon la FAO, « Pour appliquer une approche éco-systémique à la gestion halieutique actuelle, il faudra associer un plus grand nombre d’utilisateurs (exploitants ou non) des écosystèmes marins aux délibérations et à la prise de décisions en développant des modes participatifs, l’évaluation et le consensus entre les utilisateurs, malgré leurs objectifs souvent concurrents. La gestion devra tenir compte plus efficacement des interactions entre la pêche et l’écosystème, ainsi que du fait que l’un comme l’autre sont soumis à des variations naturelles à long terme et aux effets d’utilisateurs autres que la pêche. »

Pour terminer, la réponse de Vincent Touloumon, directeur de la Coopérative maritime étaploise (CME) à la question d'un journaliste de La Voix du Nord : Quel avenir ?
« Pour nous, il y a deux points fondamentaux en 2009 : le rapprochement entre scientifiques et professionnels, la reconnaissance de la pêche artisanale et sa dimension humaine. La pêche artisanale, c'est l'identité de la France, c'est communautaire. Derrière, il y a des ports, des entreprises, des régions. Les pêcheurs ne sont pas là pour faire des coups mais pour faire vivre et transmettre un métier de façon durable... »
Philippe FAVRELIERE

Autres articles :

Dans le rapport Marée Amère : La labellisation éco-responsable

Revue de presse :

Le 18 mars 2010 : Le boulonnais Euronor, 1e pêcherie française MSC

Euronor fier de recevoir un label qui valide ses bonnes pratiques (La Voix du Nord)
Bruno Leduc, directeur adjoint d'Euronor, hier devant le Bressay Bank, qui a débarqué cette nuit sa première pêche labellisée. Bruno Leduc, directeur adjoint d'Euronor, hier devant le Bressay Bank, qui a débarqué cette nuit sa première pêche labellisée.
L'armement hauturier Euronor vient d'être certifié par un organisme indépendant (MSC), réputé intransigeant, pour sa pratique durable et responsable de la pêche au lieu noir. Bruno Leduc, directeur adjoint, est fier de cette reconnaissance.

L'armement Euronor à Boulogne labellisé pour sa pêche responsable (La Voix Eco)
L'armement Euronor à Boulogne labellisé pour sa pêche responsable Les premières caisses de lieu noir labellisé ont été débarquées cette nuit du «Bressay Bank».
Le « Bressay Bank », navire de l'armement hauturier Euronor à Boulogne, rentre de neuf jours de pêche en mer du Nord. Il a débarqué cette nuit à hier les premières caisses de lieu noir, désormais labellisé MSC (Marine Stewardship Council), une certification attestant qu'Euronor pratique une pêche durable et responsable. Un logo de MSC permettra désormais de le distinguer…..

Communiqué de presse


Certification environnementale des produits de la pêche fraîche : Un séminaire inédit au siège du WWF
le 26-01-2009 16:17 émis par : WWF
catégorie : O N G
thème : Environnement
Dans un contexte de raréfaction de la ressource marine et de surexploitation de certains stocks qui suscite une préoccupation croissante vis-à-vis des impacts environnementaux de l'activité pêche, l'idée était de réunir autour d'une même table les différentes parties prenantes de la filière que de nouveaux défis à relever mettent en difficulté : pêcher selon des normes environnementales fiables, certifier les pratiques conformément à des référentiels crédibles et communiquer sur ces bonnes pratiques auprès du client final.

Depuis quelques années, un nombre grandissant d'acteurs de la filière pêche a adopté ou émis le souhait d'intégrer des critères environnementaux dans ses actions. Le Comité National des Pêches Maritimes et des Elevages Marins (CNPMEM) a organisé à destination des responsables de pêcheries une série de séminaires sur ce thème. Certains ont choisi de faire évaluer leurs pratiques selon le référenciel MSC. Dans la grande distribution, on intègre peu à peu des critères d'achat spécifiques visant à épargner les espèces les plus fragilisées. Et au bout de la chaîne, les consommateurs commencent à se poser des questions.

En réponse à ces nouvelles attentes, plusieurs outils ont été élaborés à l'intention des producteurs et de leurs clients tout au long du réseau de distribution (écolabel, référentiel pêche responsable...). En matière de communication, les outils B2B ou B2C se mettent en place, non sans poser des problèmes. En revanche, en France, ces sujets cruciaux n'ont jamais été abordés conjointement par tous les acteurs de la filière pêche qui, s'ils exercent des métiers différents, sont pourtant animés d'envies communes et se trouvent soumis aux mêmes enjeux.

L'objectif de ce séminaire était donc multiple. En premier lieu, il s'agissait d'offrir aux acteurs de la filière, qu'ils soient pêcheurs, marayeurs ou distributeurs, l'opportunité d'évoquer leurs projets, leurs contraintes et leurs attentes en matière de durabilité. Cette rencontre avait également pour visée de permettre à chacun de faire le point sur les différents outils disponibles et d'identifier les contraintes liées à la circulation sur le marché français des produits de pêche certifiés (rareté, traçabilité, maillon manquant, reconnaissance du marché, etc.). Enfin, cette plateforme devait permettre de trouver des solutions concrètes aux contraintes spécifiques que les uns et les autres rencontrent dans la distribution et la promotion des produits de la pêche durable.

Pari tenu !

Le matin, des experts de la filière pêche fraîche ont planté le décor « marée et certification environnementale » à partir de cas concrets. La salle, concentrée et réactive, a posé de nombreuses questions, soulevant des problématiques originales et énonçant des critiques constructives. L'après midi, les groupes de travail ont abordé les contraintes liées à la production et à la commercialisation de produits, s'efforçant d'identifier des solutions opérationnelles.

Après avoir chaleureusement remercié les investigateurs de ce grand rassemblement, mettant en avant l'aspect précurseur de l'opération et la pertinence des interventions, chacun a regagné ses quartiers, un peu rasséréné, conscient que la bataille n'est pas gagnée mais en éprouvant le sentiment d'avoir avancé... Reste maintenant à consolider cette expérience prometteuse en développant une interprofessionnalité fédérant l'ensemble des acteurs de la filière au profit d'une pêche durable !
© News Press 2009

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4 janvier 2011

Boulogne-sur-Mer : Euronor racheté par le Britannique UK Fisheries Ltd (Voix du Nord)

Euronor, le dernier armateur de pêche hauturière boulonnaise, né de la fusion des armements Leduc et Le Garrec, a été racheté par le Britannique UK Fisheries Ltd, a-t-on appris ce matin à Boulogne. UK Fisheries Ltd, armateur qui exerce au Royaume Uni le même métier qu'Euronor, appartient à parts égales au Hollandais Parlevliet & Van der Plas et à l'Islandais Samerji HF. Euronor exploite sept chalutiers de pêche hauturière pour le lieu noir et les espèces de grand fond en Ouest-Ecosse et mer d'Irlande. La société restera un armement français basé à Boulogne, adhérente à l'organisation de pêche From Nord.

Commentaires

Anonyme a dit…
Post intéressant. Dommage qu'il y'ait quelques approximations et clichés.
Mais le blog est intéressant, je ne connaissais pas.
Aquablog a dit…
Merci pour le message,

Il faudrait être plus précis par rapport aux approximations et clichés.
Sinon, je reste sur la ligne des organisations internationales de la pêche artisanale (ou à petite échelle) qui ont émis des réserves sur tous les écolabels (Voir la conférence de la FAO à Bangkok en octobre 2008)
http://sites.google.com/site/smallscalefisheries/Civil-Society-Workshop/in-french

A bientôt
Philippe FAVRELIERE