La mort du plancton vient du ciel !

Pour la prise en compte de la pollution des eaux côtières (ancien titre)

Le 5e Forum mondial de l’eau s’est ouvert aujourd’hui à Istanbul. La préoccupation principale concerne l’approvisionnement futur face à la pénurie dans de nombreuses régions du globe, la fourniture des populations les plus pauvres passant au second plan. Rappelons qu’un milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable dans le monde.

Après plusieurs décennies d’industrialisation et d’intensification agricole, la plupart des eaux de surface sont polluées dans nos pays industrialisés. Mais qu’en est-il des eaux côtières qui concernent plus particulièrement les activités halieutiques ?

Selon le dernier rapport de l'Institut Français de l'Environnement (IFEN) intitulé "les pesticides dans les eaux", 91% des cours d’eau comportent au moins un pesticide. Cette eau se déverse ensuite dans les mers. Engrais, pesticides, métaux lourds et autres médicaments vont s’accumuler principalement dans les vases des écosystèmes côtiers. Jusqu’à maintenant, les scientifiques analysaient et surveillaient les qualités bactériologiques des eaux de baignade et des eaux conchylicoles. Mais pour le moment, personne ne connait l’impact de tous ces produits polluants sur la vie marine. A l’exception des engrais, à l’origine des zones mortes par le phénomène d’eutrophisation.

La mort du plancton vient du ciel

Alors que les pêcheurs et les environnementalistes s’alarment de la dégradation de la qualité des eaux douces, les chercheurs viennent de découvrir une nouvelle source de contamination : la pollution des eaux marines par les airs.

Jusqu’à maintenant, les poussières d’origine terrestre étaient considérées comme des nutriments pour le phytoplancton. Mais, certaines poussières ne seraient pas des fertilisants alimentant la chaîne alimentaire, mais plutôt des « désherbants », tuant le phytoplancton. Les chercheurs ont découvert les effets toxiques de certains aérosols atmosphériques riches en cuivre déposés au nord de la mer Rouge. Ces résultats ont été publiés dans l'édition en ligne de l'Académie nationale des sciences (PNAS) au début du mois de mars 2009.

« C'est la première fois que des cas de toxicité par les aérosols de l'atmosphère ont été signalés pour les écosystèmes océaniques», a déclaré Adina Paytan, de l'Institut des Sciences de la Mer à l'Université de Californie.

Les dépôts de cuivre dans les océans et la toxicité potentielle sur le phytoplancton. Les cercles rouges indiquent les zones où la toxicité a augmenté par rapport à la période préindustrielle.
Source : Paytan (PNAS)

Si les poussières libèrent de l’azote et du phosphore qui stimulent la croissance du phytoplancton, la présence de cuivre dans certaines poussières atmosphériques a un effet inverse. Le cuivre est présent naturellement dans les poussières atmosphériques comme le montre la carte ci-dessus. Mais, les émissions de cuivre liées aux activités humaines sont de plus en plus importantes et les chercheurs ont calculé que les dépôts atmosphériques de cuivre sont susceptibles de modifier la production primaire notamment dans le golfe du Bengale et en Asie du Sud-Est.

Les pêcheurs des témoins privilégiés de la pollution côtière

A ma connaissance, pas d’étude de l'envergure des aérosols concernant la toxicité des polluants dans les eaux côtières ! Les pêcheurs constatent des mortalités d’alevins dans les zones de marais et dans les estuaires. Pas de réponse des scientifiques !

«J'ai les larmes aux yeux quand je vois mes poissons morts », explique Gilbert Pinchon, pêcheur de pibales à Braud-et-Saint-Louis (Gironde). Il est aussi le président du Syndicat des marins, et vice-président du Comité des pêches. Depuis sept à huit ans, il remarque qu'à « chaque coup d'eau », montée rapide du niveau de la Gironde, « la mortalité des civelles passe de 5 à 25 ou 30 % ».

Les pêcheurs sont les derniers témoins de l'évolution de la faune de l'estuaire. « Je ne peux pas dire pourquoi le poisson meurt, mais je le constate. À chaque fois qu'il y a un lâcher d'eau des barrages, on le sait. La surface devient blanche. Elle est couverte de petits bouts de nylon. Quelques minutes après, les pibales meurent. L'estuaire, c'est le fond de la gamelle de toutes les rivières », explique le marin.

Un triste constat qu'il peut reproduire pour toutes les espèces de poisson. « On ne pêche pas la plie, ni l'éperlan. Et pourtant, il y en a de moins en moins. Accidentellement, je pouvais en trouver quatre ou cinq dans mes filets par marée. Désormais, c'est par saison. »

Gilbert Pinchon s'insurge aussi contre les rempoissonnements de saumons ou d'esturgeons. « Je n'ai rien contre la réintroduction, mais ils dépensent des millions d'euros et ne savent pas eux-mêmes ce que cela va donner. Avant, je trouvais des saumons dans les filets, ce n'est plus le cas. On ferait mieux d'approfondir les recherches sur ces pollutions qui font mourir le poisson. Ce n'est pas le cas dans l'embouchure de la Loire. Est-ce que cela vient de la viticulture ? D'une industrie en aval ? Je ne sais pas. Cela fait juste quarante ans que je vis sur et grâce à l'eau de l'estuaire. L'agence de l'eau analyse plus de 150 molécules polluantes, mais ils ne nous donnent pas de réponses pour autant. »

Gilbert Pinchon ne voit plus de solution. Il se dit même prêt à faire appel aux écologistes de Greenpeace. Une association qui est pourtant rarement l'amie des pêcheurs. « J'ai envie de défendre le poisson », explique-t-il, désespéré. « Pendant longtemps, c'était la faute des pêcheurs. Il n'y en a plus. Même des clients de la poissonnerie arrivaient à me le reprocher. Alors maintenant, c'est la faute du silure qui mangerait les autres espèces », s'énerve le marin.
(Source : Les poissons de l'estuaire nagent en eaux troubles - Sud-Ouest du 27/02/09)

Alors que la France entame le marathon du Grenelle de la Mer qui va prendre plusieurs mois de discussions pour des résultats incertains, les USA dans le cadre du plan de relance de l’économie et de l’emploi viennent de lancer un vaste programme de restauration des écosystèmes côtiers et marins.

Programme de restauration des écosystèmes côtiers aux USA

L’administration étatsunienne NOAA va apporter son soutien aux projets de réhabilitation des habitats côtiers et marins dans le cadre du programme « Reinvestment Act de 2009 ». Le Congrès a débloqué 170 millions de dollars pour la restauration des écosystèmes côtiers, y compris les Grands Lacs. Les projets subventionnés concernent tout aussi bien les zones humides que les barrages ainsi que les gisements de coquillages ou les récifs coralliens.

Ces écosystèmes côtiers sont indispensables à la vie marine, à la qualité des eaux et à la protection des littoraux. Ils concernent donc les activités halieutiques et les activités de loisirs ainsi que le cadre de vie des communautés littorales notamment contre les effets des tempêtes et de l’augmentation du niveau de la mer. Appel à candidature. La NOAA retiendra les programmes d’un montant global compris entre 1,5 et 10 millions de dollars chacun et qui seront à la fois des projets de développement économique et environnementaux avec la création d’emploi à l'appui.

Même si ce programme de restauration ne s’attaque pas directement aux causes de la pollution, il a le mérite de prendre en considération la valeur environnementale de ces écosystèmes qui sont actuellement l’enjeu d’intérêt économique très important avec le déplacement des populations vers les côtes. Lors du lancement du Grenelle de la Mer, le ministre de l'Écologie, Jean-Louis Borloo, ne s'est-il pas trompé en déclarant : « Aujourd'hui c'est la mer qui aura le droit à son Grenelle. C'est la mer qui sauvera la terre». D'où viennent les pollutions qui "tuent" les écosystèmes côtiers ?
Philippe FAVRELIERE

Autres articles :

Pour plus d’informations :

Photo : Champ d'algues (NOAA - Programme de réhabilitation des écosystèmes côtiers)

Le 19 mars 2009

"En matière d’eau, nous vivons au-dessus de nos moyens. La solution à court terme à la rareté de l'eau a consisté à extraire des volumes toujours plus importants de nos nappes de surface et souterraines. Cette surexploitation ne peut plus durer. Elle a de fortes répercussions sur la qualité et la quantité de l'eau restante ainsi que sur les écosystèmes qui en dépendent. Il nous faut diminuer la demande, réduire les volumes d'eau que nous prélevons et augmenter l'efficacité de l'utilisation que nous en faisons." Professeur Jacqueline McGlade, directrice exécutive de l'AEE (Agence Européenne de l'Eau)

Voir le rapport sur l'eau en Europe : Water resources across Europe — confronting water scarcity and drought (AEE)

Le 22 mars 2009 :

L’Ifremer mise sur les moules pour évaluer la qualité de l’eau méditerranéenne (tiré de Actu-Environnement)

Dans le cadre de ses missions de surveillance de la qualité des eaux côtières méditerranéennes, l’Ifremer démarre une seconde campagne de mesures en s’appuyant sur les moules en tant que bio-indicateurs des contaminations chimiques.

Dans le cadre de la Directive Cadre européenne sur l’Eau, l’institut de recherche Ifremer est sollicité pour surveiller la qualité des eaux côtières méditerranéennes. En partenariat avec l'Agence de l'Eau Rhône-Méditerranée et Corse, son navire baptisé l'Europe, réalise tous les trois ans des campagnes de mesures. Après une première campagne en 2006, l’Europe va quitter le port de Toulon une nouvelle fois le 26 mars prochain.Plusieurs types de mesures sont programmés dans le cadre de cette campagne qui couvrira le pourtour de la Méditerranée occidentale : région Languedoc-Roussillon, région PACA, Corse et Monaco. Parmi elles, la mise en oeuvre de 75 stations artificielles de moules permettra de déterminer la contamination chimique de l’eau. Les moules font en effet partie des bio-indicateurs, ces organismes qui révèlent par leur présence, leur absence ou leur comportement démographiques, les caractéristiques et l'évolution d'un milieu. Les invertébrés et les diatomées en sont des exemples en eaux douces : une analyse précise des populations et des espèces de diatomées présentes peut mettre en évidence des modifications de pH voire de salinité tandis qu'une grande richesse en invertébrés de taille moyenne comprise entre 5 mm et 20 mm caractérise une rivière peu impactée.Dans le cas des moules c’est leur besoin de filtrer l’eau qui intéresse les scientifiques. En filtrant l’eau de mer, ces organismes concentrent différentes substances présentes dans l’environnement marin (métaux, hydrocarbures, solvants). Après un séjour de plusieurs mois dans l'eau, les niveaux mesurés dans les organismes sont le résultat et le reflet de l'état chronique du milieu. Au cours de cette campagne, les équipes de recherche effectueront également une collecte d’échantillons de sédiment pour évaluer les niveaux de contamination chimique, leur potentiel écotoxicologique et étudier la biologie des espèces vivant sur les fonds sableux et vaseux. Les chercheurs s’intéresseront plus spécifiquement aux foraminifères benthiques, ces micro-organismes marins vivant sur le fond, en raison de leur capacité de réponse forte et rapide aux variations des paramètres environnementaux. Leur abondance et leur diversité détermineront par conséquent la qualité du milieu. Des prélèvements d’eau vont servir à évaluer les niveaux en sels nutritifs et en chlorophylle, et à suivre la composition et l’abondance du phytoplancton. Des observations vont également permettre d’évaluer l’état de santé des herbiers de Posidonie. Cette plante constitue un maillon essentiel de la vie marine en servant d’abri, de lieu de reproduction et de source de nourriture à un grand nombre d’espèces en Méditerranée et représente un très bon indicateur biologique de la qualité des eaux. L’ensemble des mesures sera comparé à celles obtenues lors de la première campagne de 2006. Elles permettront d’évaluer l’évolution de la qualité du milieu et d’en déduire son niveau par rapport aux exigences de la directive européenne. F. ROUSSEL

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Le 5 novembre 2010

Reproduction menacée des espèces dans les eaux des rivières et des estuaires (Sénat)

Question écrite n° 14865 de M. Roland Courteau (Aude - SOC) publiée dans le JO Sénat du 19/08/2010 - page 2069

M. Roland Courteau attire l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie sur les conséquences, pour la reproduction des espèces, de la présence dans les eaux des rivières, des estuaires, notamment, et à proximité des côtes, de substances médicamenteuses, non dégradées par les stations d'épuration. Il lui indique que certaines études tendraient à prouver que la « féminisation » des poissons pourrait résulter de la présence dans ces mêmes eaux de telles substances (contraceptifs, anticancéreux, anti-inflammatoires, anti-cholestérol, et autres cosmétiques ou détergents…). Dans tous les cas, la reproduction des espèces semblerait être particulièrement perturbée. Il lui demande si elle est en mesure de lui apporter plus de précisions par rapport à une situation, semble-t-il, très préoccupante et sur les initiatives susceptibles d'être prises pour la corriger.

>Transmise au Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Réponse du Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat publiée dans le JO Sénat du 04/11/2010 - page 2889

La recherche de substances médicamenteuses ne fait pas aujourd'hui l'objet de dispositions réglementaires en Europe, compte tenu de la difficulté d'en mesurer la concentration dans l'eau, ces substances étant présentes avec des concentrations infinitésimales. Toutefois, depuis plusieurs années, la communauté scientifique, les pouvoirs publics et le public s'interrogent sur la présence de résidus de médicaments, à l'état de traces, dans les différents compartiments aquatiques (eaux usées, eaux de surface, eaux souterraines, eau potable, organismes aquatiques) ainsi que sur leurs effets sur l'environnement et la santé humaine. Ainsi, depuis plusieurs années, en France, des études sont engagées, notamment sur le bassin de la Seine, dans le cadre du programme interdisciplinaire de recherche sur l'environnement (programme PIREN Seine). Les résultats de ces premières études ont conduit le Gouvernement à amplifier les recherches, dans le cadre du programme national santé-environnement, approuvé par l'État en 2006, pour mieux évaluer les effets sur l'environnement et la santé de ces pollutions, qu'il est très difficile de dissocier les unes des autres, les effets constatés étant en effet observés en présence de nombreuses substances. À ce stade, il n'a pas été identifié de conséquence mesurable sur l'homme concernant l'alimentation en eau potable- Des cas de féminisation de certaines espèces de poissons ont été observés. Le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat (MEEDDM), a d'ores et déjà engagé un programme de recherche sur les perturbateurs endocriniens, dont les premiers résultats ont été présentés le 12 avril 2010, à Rennes. Il n'est toutefois pas possible, à ce jour, de faire un lien direct entre ces transformations et la présence de résidus médicamenteux, dans la mesure où de nombreuses substances peuvent potentiellement avoir un effet perturbateur endocrinien. Par ailleurs, le 23 novembre 2009, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, et Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie, ont installé le comité national de pilotage chargé de l'élaboration et du suivi du futur plan national sur les résidus de médicaments dans l'eau. Une deuxième réunion s'est tenue le 6 juin 2010. Dans l'esprit du Grenelle de l'environnement, ce comité est constitué de représentants des différents acteurs du domaine : professionnels de la santé, organismes nationaux de recherche et d'expertise, ONG environnementales et associations de consommateurs, industrie pharmaceutique, sociétés savantes, élus et services de l'État. L'impact sur la santé des dégradations de l'environnement est une préoccupation majeure de santé publique. L'élaboration de ce premier plan national sur les résidus de médicaments dans l'eau constitue un engagement central du Grenelle de l'environnement. Il s'agit d'une mesure incluse dans le plan national santé-environnement 2. Deux axes forts sont proposés pour l'élaboration de ce premier plan national sur les résidus de médicaments dans l'eau, qui seront menés concomitamment : l'évaluation des risques environnementaux et sanitaires au moyen d'un renforcement des connaissances sur l'état des milieux et sur l'exposition aux résidus de médicaments et leurs effets sur l'environnement et la santé ; la gestion de ces risques, s'ils sont avérés, par la mise en place de stratégies visant à réduire les sources de pollution et à renforcer la surveillance. Un groupe d'appui scientifique a été constitué, afin de faire des propositions sur les travaux de recherche à engager. Il rendra ses recommandations lors de la prochaine réunion du comité national de suivi, prévue le 12 octobre prochain, l'objectif étant de publier le plan avant la fin de l'année 2010. Ce plan s'inscrit dans une volonté plus globale du MEEDDM de lutter contre la contamination des eaux par les micropolluants, qui incluent notamment les pesticides, les biocides, les détergents et autres substances chimiques susceptibles d'avoir une action toxique à des concentrations infimes, dans un milieu donné (de l'ordre du microgramme par litre pour l'eau)

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