Au fil des années, les habitants de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes ont rénové et construit des lieux de vie... Des chantiers collectifs... Les autorités en recensent entre 90 et 100 aujourd'hui sur les 1650 ha de la ZAD... Forgerons, menuisiers, boulangers, brasseurs, jardiniers et éleveurs se sont installés donnant une autonomie à cette zone rurale. A la Rolandière, la bibliothèque de la Zad a reçu le lauréat du prix Goncourt 2017 (1) - Illustration copie d'écran Google images
« Vie simple, agriculture respectueuse des hommes et des écosystèmes, coopération, démocratie directe,... C'est le creuset d'un monde qui s'organise à côté d'une société capitaliste productiviste où l'Etat n'hésite plus à imposer violemment sa vision néo-libérale et ses valeurs cardinales : la concurrence, l'individualisme, la performance à tout prix et la précarité généralisée... » (21)
Pour Alain Bernier, vice-président de la chambre d'agriculture de Loire-Atlantique et qui a présidé la FNSEA départementale, « l'économie doit primer. En Loire-Atlantique, on produit pour des industries agroalimentaires, c'est l'activité principale. Et on fait aussi de la vente directe. Je ne vois pas ce qu'on peut expérimenter de nouveau. » (18)
« L'économie doit primer.... » nous explique ce dirigeant agricole. Et malgré cela, ce grand pays agricole qu'est la France, n'arrive plus à nourrir sa population ! La balance commerciale de la filière pêche se creuse... Elle ne va pas mieux pour la filière agricole (à l'exception des vins et spiritueux) (22). De plus en plus dépendant de l'extérieur, notre pays ne couvre plus ses besoins alimentaires... « La sécurité alimentaire de la France menacée par son déficit commercial agroalimentaire (hors boissons) » titrait Wikiagri en avril dernier (14). De plus, en contaminant les milieux aquatiques, l'agriculture impacte de plus en plus les activités halieutiques, pêche, conchyliculture et pisciculture... « Des marées vertes pour longtemps ! ou La Bretagne condamnée aux marées vertes à perpétuité ! » alerte l'agronome Pierre Aurousseau, professeur à l'Agrocampus-Ouest (Rennes) (7).
Quand Bernard Lambert dénonçait la politique agricole en 1983 !
Bernard Lambert dénonce la politique agricole menée depuis la Seconde Guerre mondiale. Les élections des Chambres d'Agriculture en 1983 sont pour lui l'occasion de donner la parole aux paysans et de remettre en question ce système. Agriculteur dans le département de Loire-Atlantique, Bernard Lambert est une grande figure du syndicalisme agricole français, fondateur du mouvement des « Paysans travailleurs » à l'origine de la Confédération paysanne... (15)
Notre-Dame-des-Landes : Deux ans après... (27)
Le 17 janvier 2018, le premier ministre Édouard Philippe annonçait l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Une victoire pour les "zadistes" et agriculteurs mobilisés contre ce projet. Après des années de lutte, certains ont décidé de quitter le territoire, d’autres ont accepté de négocier avec l’État. Deux ans plus tard, un nouvel horizon s'est ouvert pour les occupants de la ZAD : projets d’habitation ou d’agriculture, les occupants souhaitent désormais pérenniser les activités. Pour régulariser la situation des agriculteurs historiques et zadistes, des baux de fermage leur ont été proposés, mais de nombreuses situations restent teintées d'incertitudes.
Notre-Dame-des-Landes : que reste-t-il des idéaux de la ZAD ?
Vers l'invention d'un autre modèle et d'un autre rapport au monde
Les violences contrastent avec le calme d’aujourd’hui. Le département de Loire-Atlantique veut faire de l’ancienne zad un espace d’agriculture bio, d’ailleurs 24 baux ruraux ont été signés avec les agriculteurs historiques et par une poignée de zadistes pour une durée de neuf ans.
Après des mois de mobilisation accompagnée de négociations avec l’État et le département de Loire-Atlantique, propriétaire des terres, des promesses de baux ont été obtenues pour une quinzaine de leurs exploitations. « On a de quoi pérenniser la plupart des installations. On a arraché quelque chose d’assez exceptionnel », annonçait en octobre 2019 Cécile, l’une des habitantes de la Zad. Mais l’heure n’est pas à la victoire : « On a encore quelques épines dans le pied, notamment cinq sièges d’exploitation sur la Zad qui sont menacés ».
Nouvelle étape le 15 janvier 2020 où une trentaine de zadistes ont déposé, pour la première fois, des demandes de permis de construire afin de rebâtir d’anciens corps de ferme démolis lors d’une intervention policière en 2012.
Si sur place, c'est relativement calme, sur les réseaux sociaux on voit que deux ans après, ça s’agite toujours. Beaucoup d’habitants du département ne comprennent pas qu’on laisse faire les zadistes qui occupent illégalement cette partie du territoire. Pour d’autres, c’est l’occasion de vivre une utopie sans eau courante. En 2018, l’État avait refusé la possibilité pour les anciens zadistes de monter un projet collectif sur le modèle du Larzac, presque une autogestion locale.
Les ZAD inventent la France de demain...
"Faire d'une ZAD le visage de la France du futur, voilà qui vous paraît peut-être paradoxal, surtout si vous n'êtes jamais allé dans une ZAD, et j'ai presque envie de vous dire venez, venez dans ces nouveaux lieux, faites-vous une idée par vous-même. Ici s'invente un nouveau rapport à la nature, à la terre et à l'agriculture, bien sûr, mais aussi un autre rapport au travail, un autre rapport à la production. Et c'est peut-être cela qui est le plus passionnant ici, c'est pour être pour cela que vous feriez bien de venir, y compris et surtout si vous n'avez pas l'âme zadiste.
Car depuis des années, les années 1950, les principales innovations en matière de production, oui oui je dis bien de production, se font moins dans des casernes, à l'ENA ou à HEC, que dans une culture libertaire, artiste, parfois foutraque, de moins en moins normée, la chose est connue au moins depuis le nouvel âge du capitalisme, l'ouvrage de Boltanski et de Chiapello. Les ZAD inventent la France de demain, y compris la France productive, il y a même une expression qui signifie cela en anglais, « rebel sell »..." Guillaume Erner (France Culture)
« Valeur sociétale du paysage bocager »
Sur les hauteurs de l'agglomération nantaise, le paysage bocager de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes a une grande « valeur sociétale »... Pour les « Naturalistes en lutte », c'est une zone humide à défendre... C'est aussi une zone d'élevage, qui a conservé ses haies, ses talus, ses prairies humides, parsemées de petits cours d'eau et de mares (plus de 240 répertoriées !) (11). En Février 2018, lors du grand rassemblement qui allait enterrer le projet d'un nouvel aéroport à Nantes, les quelques 30 000 participants ont pu s'immerger pendant toute une journée dans cet espace encore naturel, rencontrer les habitants sur leurs lieux de vie et profiter des productions locales (pain, bière,..). Réunir autant de personnes dans la fraternité, les échanges, la musique, sans aucun heurt à quelque chose d'inédit dans ce monde de plus en plus violent. Preuve que les zadistes qui nous ont accueilli ne sont pas que des violents et des crasseux comme le laisseraient entendre certaines voix. Crasseux, c'était bien nous qui pataugions dans les chemins boueux, traversions bois et prairies gorgés d'eau. Et oui nous étions au cœur d'une zone humide, l'une des rares encore intactes à proximité d'une agglomération de près de 700 000 habitants, métropole européenne à la pointe des biotechnologies...
Au XVIIIe Siècle, Cassini avait cartographié la zone humide de Notre-Dame-des-Landes...
C'est une vaste éponge, le lieu où naissent les sources qui alimentent, les rus puis les ruisseaux vers la Vilaine au Nord, et l'Erdre (puis la Loire) au Sud... C'est une tête de bassin versant d'une importance vitale pour la régulation du débit d’eau des rivières en aval... Les zones humides sont importantes pour la régulation du débit d’eau des rivières en aval et certaines ont des sorties d’eau de surface uniquement lorsque leur niveau d’eau dépasse un niveau critique. Comme une éponge elle absorbe l'eau puis la redistribue ensuite dans les ruisseaux... 3 siècles plus tard, la zone humide de Notre-Dame-des-Landes est rayée des cartes concernant les mesures agro-environnementales et climatiques (zones humides, biodiversité, qualité eau,...) des Pays-de-la-Loire...(16)
Par ailleurs, la qualité de l'eau dépendra du choix des activités mises en place sur la ZAD... Et compte-tenue des activités halieutiques en aval et des problèmes de mortalités dans les élevages de coquillages, il est important de prendre en considération le modèle agricole le plus pertinent...
Quel moustique a bien pu piquer le gouvernement ?
Une opération militaire de 2500 gendarmes pour les quelques 200 habitants sur la ZAD ! Pour René Guitton ex-président FDSEA 44 de 1976 à 1979, « La situation désastreuse sur la ZAD (me) semble due, pour une part, à la surenchère des partisans du projet d’aéroport abandonné en obligeant les pouvoirs publics à utiliser la force pour ne pas se faire accuser de faiblesse. » (9) Quant à Olivier Abel, philosophe et membre de la revue "Esprit", il s'interroge : « De quoi se protège le gouvernement d’Edouard Philippe ? que craint-il ? que veut-il faire disparaître par cette normalisation hâtive ? » « C’était un laboratoire d’invention de formes de vie, de styles de vie différents. N’est ce pas cela qui est d’abord menacé et écrasé aujourd’hui ? N’est-ce pas ce processus d’écrasement que vitupérait Pasolini, dans sa colère contre tout ce qui saccage les styles, les formes de vie qui faisaient parler les villes et les nuits de son pays ? » (8)
Cette démonstration de force démontre l'incapacité du gouvernement « à accepter de prendre en considération d’autres manières que la sienne de concevoir et de vivre la citoyenneté. » Autour de Notre dame des landes, deux projets de société s'affrontent : « Le gouvernement est animé d’une idéologie individualiste et capitaliste. Et face à ça, la Zad prône une philosophie de collectivité, de coopération, qui affirme que pour trouver la réponse écologique il faut chercher à travailler ensemble, » selon Hervé Kempf, rédacteur en chef de Reporterre. (10)
Notre-Dame-des-Landes : Y'a pas photo ! (*)
(*) Voyez les parcelles dans la ZAD (les deux photos de droite) et comparez aux champs à l'extérieur de la ZAD (à gauche)... Y'a pas photo... Il y a une distance de 5 km entre les 2 illustrations du haut et 10 km pour celles du bas... Et pourtant le paysage rural est très différent... Parcelles plus petites et entourées de haies dans la ZAD...
Les désastres de plus de 50 ans d'agriculture « moderne » !
La Loire-Atlantique fait partie des grands départements d'élevage, parmi les plus « artificialisés » de France... Terres labourées à près de 95%... Prairies naturelles en voie de disparition... Conséquences ? Les eaux côtières des Pays-de-la-Loire se dégradent depuis près d'un demi-siècle : blooms phytoplanctoniques à répétition causant la fermeture des zones conchylicoles et de pêche à pied ainsi que des mortalités de poissons et de crustacés... Quels sont les liens entre l'agriculture et les mortalités massives dans la conchyliculture ?.. Cette zone du littoral est en voie d'eutrophisation... Une zone morte en devenir !
« Les lois d’orientation agricole de 1960 et 1962 ont été à l’origine d’une transformation des structures agricoles de grande ampleur et ont constitué une étape décisive dans le processus de modernisation de l’agriculture française. » (2)... L'agriculture intensive a favorisé une homogénéisation des paysages, une adaptation de la forme des parcelles aux engins agricoles de grande taille, au détriment de la complexité des écosystèmes, de la biodiversité et des services écosystémiques. Homogénéisation à coup de remembrement, de drainage et d'irrigation... Dans les régions d'élevage comme en Pays-de-la-Loire, l'homogénéisation s'est traduite par des pratiques agricoles et des techniques culturales standardisées autour d'animaux en stabulation libre dans des hangars métalliques... Il en a résulté une diminution des prairies permanentes (surface toujours en herbe) au dépend des parcelles cultivées (3)... et un régime unique pour l'ensemble des troupeaux de vaches laitières : ensilage de maïs et de ray-grass associé au tourteau de soja d'importation... Exemple d'un troupeau de 60 vaches laitières : « Les vaches sont nourries, à partir d’ensilage de maïs et d’herbes (ray-grass), d’orge, produits sur l’exploitation, ainsi que de compléments alimentaires à base de soja et de farine. L’exploitation dispose de 45 ha de céréales, soit 30 ha de maïs et 15 d’orge, pour la seule alimentation de ses vaches, afin de produire un lait de qualité... » (4)
Selon le Commissariat général au développement durable (CGDD), la moitié des zones humides françaises a disparu entre 1960 et 1990. Un chiffre proche de ceux rapportés pour l'Europe et l'Asie centrale par la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services éco-systémiques (IPBES), selon laquelle 51% des zones humides ont disparu depuis 1970. « Cette disparition est en partie due à l'urbanisation et aux nombreux drainages de terres, dans le but d'améliorer la régularité des productions céréalières, ou encore pour transformer des prairies en grandes cultures », rapporte le CGDD qui a toutefois constaté « un ralentissement de cette régression depuis 1990 ». Mais pour le moment pas d'inversion de la tendance !.. (26)
Baies de la Vilaine et de la Loire : Eutrophisation maximale
En Baie de Vilaine, la baie la plus eutrophisée des côtes françaises, un modèle des cycles de l'azote N et du phosphore P dans l’eau et avec un sédiment simple, couplé à un modèle hydrodynamique (Chapelle et al., 1994) a confirmé que la production primaire sur ce site était fortement influencée par les apports de la rivière et limitée par le phosphore au printemps, quand la Vilaine est en crue, et par l'azote en été, la Vilaine étant en étiage... S’agissant du phytoplancton en baie de Vilaine, les premières études de modélisation montrent qu’une réduction des apports de nitrates de la Loire et de la Vilaine même importante (-50%) serait d’une efficacité limitée. La relation avec les nutriments continentaux reste complexe. Les dernières études de modélisation du phénomène réalisées par IFREMER montrent que la production de phytoplancton en baie de Vilaine ne pourra être réduite que par une réduction importante des apports d’azote et de phosphore de la Loire et de la Vilaine. Le contexte hydrologique du fond de la baie en fait un secteur particulièrement propice au développement du phytoplancton et à l’anoxie... (24) Illustration tirée du document "Les excès de nitrates dans les eaux, avec quelles conséquences pour les eaux littorales ?" (7)
Notre-Dame-des-Landes : Des zones humides à préserver
Que représentent les 1 250 ha de terres agricoles de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes ? Beaucoup pour les agriculteurs historiques et les nouveaux habitants... Regroupés dans l'Adeca, « Association de Défense des Exploitants Concernés par l'Aéroport » créée en 1973, des agriculteurs défendent depuis plus de 40 ans leurs terres. Sylvain Fresneau, agriculteur à Notre-Dame-des-Landes, président de l’Adeca explique que ce sont ses aïeux qui ont défriché puis mis en valeur ses terres à la fin du XIXe siècle. (17)
Un îlot de 1250 ha en bocage préservé au milieu des 407 553 ha de surfaces agricoles du département de Loire-Atlantique... Rien ! et pourtant, la chambre d'agriculture et les syndicats agricoles majoritaires (FDSEA et CDJA) de Loire-Atlantique veulent accaparer ces terres... En d'autre temps, ces agriculteurs n'auraient jamais jeté leur dévolu sur ces zones humides, terres ingrates aux activités agricoles... Mais aujourd'hui après remembrement et drainage, ces zones humides jusque là préservées se couleront dans le paysage classique de l'agriculture moderne avec la disparition des prairies permanentes... Par ailleurs, la ZAD de Notre-Dame-des-Landes fait tache dans l'arrondissement d'Ancenis, siège du Groupe Terrena « La nouvelle agriculture », une société coopérative agricole dans le Top 3 des groupes coopératifs agro-alimentaires en France, regroupant 29000 agriculteurs adhérents sur 2 millions d'hectares de terres exploitées, plus de 15000 salariés pour un chiffre d'affaires de 5 milliards d'euros... Terrena, ce sont les volailles « Père Dodu », le fromage et le beurre « Paysan breton », les légumes « Val Nantais »... (23) Explication des responsables agricoles ligériens dans une lettre ouverte à l'attention du Premier Ministre, Edouard Philippe : « L’avenir agricole à Notre Dame des Landes à l’image de l’agriculture de la Loire-Atlantique ». (5)
Prairies permanentes en voie de disparition dans l'Ouest de la France ! (3)
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Les flux de nitrate sont plus faibles sous prairies, même fertilisées, que sous cultures annuelles. Pourquoi ? Car le couvert végétal est permanent et généralement actif lors des périodes de pâturage. Sans compter que l’activité des micro-organismes du sol permet une intégration sous forme organique d’une part des apports d’azote en excès.... (25)
Ces zones humides couvertes de bois, haies, prairies permanentes, et parsemées de petits cours d'eau et de mares, ont pourtant leur importance dans l'équilibre des écosystèmes aquatiques, fleuves, estuaires et littoraux... afin de limiter l'eutrophisation et l'extension des zones mortes sur les côtes... Et ce ne sont pas les mesures agro-environnementales, l'agriculture raisonnée, l'agriculture de précision (6) voire le passage à l'agriculture bio qui vont inverser la tendance.... Des marées vertes pour longtemps ! Ou La Bretagne condamnée aux marées vertes à perpétuité ! alerte l'agronome Pierre Aurousseau, professeur à l'Agrocampus-Ouest (Rennes) (7)
La « mort verte » des coquillages et crustacés (20)
Briser l'omerta ! Pourquoi ne fait-on pas le lien entre la dégradation de l'environnement côtier et l'agriculture intensive en France ? Alors qu'aux USA, les études sont nombreuses pour expliquer l'extension d'une zone morte (eutrophisation) au large du delta du Mississippi en liaison avec l'agriculture intensive sur l'ensemble du bassin. (19)
Début août, de nombreux crustacés et coquillages morts se sont échoués sur le littoral de Saint-Jean-de-Monts, mais aussi de la Loire-Atlantique... Poissons morts sur une plage vendéenne, eaux rouges au large de Saint-Gilles-Croix-de-vie, fermeture des zones conchylicoles dans le Traict du Croisic, fermeture de la pêche à pied en baie de Bourgneuf ou de la Baule... Des événements exceptionnels qui reviennent maintenant régulièrement dans des zones influencées par les apports de la Loire et de la Vilaine... En effet, l'Agence de l'eau constate une qualité "poisson" médiocre dans l'estuaire de la Loire, une qualité moyenne de la baie de la Vilaine... N'y aurait-il pas de lien avec l'intensification de l'agriculture au cours des 50 dernières années ? Dans la région des Pays-de-la-Loire et tout particulièrement dans le département de la Loire-Atlantique...
Les médias parlent surtout des marées vertes avec les algues qui s'entassent sur les plages... Moins des eaux rouges, vertes ou brunes, ces blooms phytoplanctoniques à l'origine de la fermeture des bassins conchylicoles et de la pêche des coquillages (saint-jacques, palourdes, coques, moules,...)
Tout savoir sur l'eutrophisation dans l'Ouest de la France (conférence de Pierre Aurousseau)
Pour voir la présentation magistrale de Pierre Aurousseau, accompagnée d'illustrations cliquez sur l'image... Sinon son dernier document en ligne est accessible ici : Les excès de nitrates dans les eaux, avec quelles conséquences pour les eaux littorales ? https://www.halteauxmareesvertes.org/site/file/source/documents_pdf/2018/2018_04_07_conf_aurousseau.pdf
Les blooms d'algues océaniques sont un phénomène naturel. Ils se produisent généralement dans les milieux riches en nutriments. Les éléments nutritifs comme l'azote et le phosphore sont indispensables à toute production primaire et donc à une structure saine et un bon fonctionnement des écosystèmes aquatiques. Cependant, lorsque ces nutriments sont présents en excès, ils stimulent de façon excessive la croissance des plantes et des algues. Ce processus est appelé eutrophisation et peut conduire à la formation de blooms d'algues.
Dans l’océan, la concentration en oxygène, élément essentiel à la vie marine, a tendance à diminuer et ceci depuis le milieu du XXe siècle. L’existence de zones dépourvues d’oxygène (dites « zones mortes ») dans les espaces marins côtiers est connue : depuis 1950 plus de 500 sites littoraux anoxiques sont répertoriés. Ceci résulte directement de l’accroissement massif de rejets organiques ou minéraux du fait de l’activité agricole ou urbaine. Il se traduit, dans un premier temps, par une production massive d’algues opportunistes qui s’accumulent sur les plages, suivie, dans un deuxième temps, par une consommation accrue d’oxygène pour oxyder la matière organique accumulée, avec au terme du processus, production de gaz malodorants et toxiques pour les animaux marins, voire pour l’homme. Une efflorescence algale dangereuse est causée par une explosion de la population d'une algue microscopique. Cette concentration élevée et localisée d'algues microscopiques peut affecter l'environnement et les hommes si ces algues produisent des toxines qui s'accumulent dans les coquillages ou dans les poissons. L'accumulation de biomasse successive à la croissance exponentielle de la population d'algues microscopiques peut également affecter les autres organismes présents (en épuisant l'oxygène disponible par exemple) et perturber la chaîne alimentaire.
Source : L’équilibre des cours d’eau et milieux marins face à une nouvelle vague d’eutrophisation d’envergure mondiale (Irstea) (7)
Dans l’océan, la concentration en oxygène, élément essentiel à la vie marine, a tendance à diminuer et ceci depuis le milieu du XXe siècle. L’existence de zones dépourvues d’oxygène (dites « zones mortes ») dans les espaces marins côtiers est connue : depuis 1950 plus de 500 sites littoraux anoxiques sont répertoriés. Ceci résulte directement de l’accroissement massif de rejets organiques ou minéraux du fait de l’activité agricole ou urbaine. Il se traduit, dans un premier temps, par une production massive d’algues opportunistes qui s’accumulent sur les plages, suivie, dans un deuxième temps, par une consommation accrue d’oxygène pour oxyder la matière organique accumulée, avec au terme du processus, production de gaz malodorants et toxiques pour les animaux marins, voire pour l’homme. Une efflorescence algale dangereuse est causée par une explosion de la population d'une algue microscopique. Cette concentration élevée et localisée d'algues microscopiques peut affecter l'environnement et les hommes si ces algues produisent des toxines qui s'accumulent dans les coquillages ou dans les poissons. L'accumulation de biomasse successive à la croissance exponentielle de la population d'algues microscopiques peut également affecter les autres organismes présents (en épuisant l'oxygène disponible par exemple) et perturber la chaîne alimentaire.
Aujourd'hui, on recense 500 "Zones mortes" dans le monde
Source : L’équilibre des cours d’eau et milieux marins face à une nouvelle vague d’eutrophisation d’envergure mondiale (Irstea) (7)
Depuis 1960 le nombre et l’emprise géographique des zones anoxiques (sans oxygène) côtières au niveau mondial a triplé : on recense actuellement 500 zones sur une superficie de 245 000 km² (côtes bretonnes, lagunes méditerranéennes, mer Baltique). Si les actions publiques menées dans les pays industrialisés ont permis de limiter ces phénomènes en eau douce, notamment dans certains lacs, ceux-ci n’ont pas diminué en milieu marin depuis le début du XXIe siècle. Comment expliquer cette tendance ? Evolution de la croissance démographique, urbanisation, industrialisation et spécialisation territoriale de l’agriculture ont contribué à une augmentation des flux et concentrations de nutriments dans l’environnement, et par conséquent dans les écosystèmes aquatiques, souligne l’expertise ESCo sur l'eutrophisation. De plus, la diversité, la fréquence, l’importance et l’extension des proliférations de microalgues potentiellement toxiques ont, elles aussi, augmenté. Comment évaluer les risques d’eutrophisation et ses impacts ? Peut-on en prévoir l’évolution ? Autant de questions que se posent les experts du CNRS, IFREMER, INRA et IRSTEA. (7)
Deux témoignages sur Notre-Dame-des-Luttes
Frédérique Pressmann, réalisatrice :
« Quelle menace peut donc représenter ce mouvement aux yeux du gouvernement pour qu'il déploie 2500 militaires et leurs blindés afin de fracasser des cabanes, massacrer des potagers et détruire un tel élan collectif de (re)construction ? À l'heure où j'écris ces lignes, une semaine plus tard, plus de 11 000 grenades ont été tirées et les médics font état de 270 blessés dans les rangs zadistes, chiffre non exhaustif. Les gendarmes, eux, dénombrent une cinquantaine de blessés dans leurs rangs. Quant au coût de cette opération, il est estimé, selon les sources, entre 275 000 € et 400 000 € par jour. L'absurdité du projet et la disproportion des moyens employés montre bien qu'il s'agit d'autre chose, d'une forme de revanche idéologique. Car à la zad de Notre-Dame-des-Landes, rebaptisée Notre-Dame-des-Luttes, se joue en ce moment quelque chose de notre avenir commun. L'expérimentation d'un autre possible, l'ouverture d'une brèche dans la cuirasse de cette vision monolithique du monde que le capitalisme néolibéral s'efforce de nous imposer. L'expérience concrète, vivante, de ce que cela fait de vivre dans un autre rapport à la nature et aux êtres, où le profit a disparu et où l'on prend soin les un.e.s des autres. Le bonheur que cela génère en nous. » (12)
Isabelle Stengers, philosophe, enseignante à l'Université Libre de Bruxelles et Serge Gutwirth, juriste, professeur à la faculté de droit et à la criminologie de Vrije Universiteit Brussel analysent la situation à Notre-Dame-des-Landes :
« Là-bas, on a appris à s’attacher au lieu où l’on habite et à en faire un lieu d’hospitalité pour celles et ceux qui passent – quitte à décider de rester – parce qu’ils aspirent en effet à changer de mode de vie, ce qui signifie aujourd’hui apprendre à «lutter pour un avenir commun». Là-bas, on apprend ce que veut dire coopérer, prendre soin, se réapproprier des savoirs artisans détruits par l’industrialisation mais aussi des arts d’explorer ensemble les situations de tension. Ils appellent cela l’assemblée des usages, car ce qu’il s’agit d’agencer, ce ne sont pas des opinions individuelles, mais des manières parfois divergentes de faire, de cultiver, d’habiter. »
« Du point de vue de ceux qui nous gouvernent, il est indiscutable que Notre-Dame-des-Landes offre un «mauvais exemple». Si la Terre doit «redevenir grande», si un avenir doit y être vivable, il doit, selon eux, être bien entendu que cela ne pourra advenir que dans le respect des droits indissolubles du marché et des propriétaires. Et c’est évidemment ce «bien entendu» que Notre-Dame-des-Landes fissure, repeuplant nos imaginations dévastées et résignées, c’est-à-dire dociles. La décision prise par l’assemblée des usages ce vendredi 20 avril ne colmatera pas la fissure, que du contraire. La décision permettra certes à l’Etat de sauver la face, de se dégager de ce qui n’est pour les forces publiques qu’un bourbier. Mais elle confrontera ses représentants à l’intelligence collective du bocage et de ses alliés. Et c’est sur ce mode que Notre-Dame-des-Landes continuera à être un «mauvais exemple», ouvrant des possibles là où nous étions censés faire confiance. » (13)
Philippe Favrelière (texte publié le 3 mai 2018, modifié le 7 mai 2018 puis le 17 janvier 2020)
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Références :
(1) La Zad a vaincu César, résisté des années, mais cette fois…
(2) France. Les lois d’orientation agricole de 1960 et 1962, à l’origine de la politique foncière actuelle
(3) Surfaces toujours en herbe des exploitations agricoles en France. Entre 1989 et 2015, la surface agricole utilisée (SAU) a régressé de 5,7 %. Elle occupe désormais 49 % du territoire contre 63 % en 1950. Les surfaces toujours en herbe (STH) des exploitations (prairies permanentes et alpages) représentent 28 % de la SAU en 2015. Elles produisent de nombreux services économiques et écologiques : alimentation animale, stockage de carbone, qualité de l’eau, lutte contre l’érosion, biodiversité, qualité des paysages… Depuis 1989, leurs surfaces ont diminué de 22 %. Deux millions d’hectares (ha) de STH ont ainsi été perdus, soit environ 80 000 ha par an, au profit de surfaces cultivées, de surfaces artificialisées, de landes, friches, maquis, garrigues et forêts.
(4) Il s'agit d'une ferme polyvalente sur 150 ha avec un cheptel de 60 vaches laitières dans le lot mais elle serait identique en Loire-Atlantique
Portrait. Rémy Mourgues, la passion de l’agriculture en famille dans le Lot
(5) L’avenir agricole à Notre Dame des Landes à l’image de l’agriculture de la Loire-Atlantique
(6) Agriculture de précision : définition
(7) Les excès de nitrates dans les eaux, avec quelles conséquences pour les eaux littorales ?
Eutrophisation : menace sur les eaux douces et marines en Bretagne (P. Aurousseau - 2015)
Eutrophisation : une menace pour les eaux de Bretagne ?
L’équilibre des cours d’eau et milieux marins face à une nouvelle vague d’eutrophisation d’envergure mondiale
http://www.irstea.fr/toutes-les-actualites/departement-eaux/eutrophisation-cours-eau-milieux-marins-algues Colloque de restitution ESCo Eutrophisation - 19 septembre 2017
Les ministères en charge la Transition écologique et solidaire et de l’Agriculture et de l’Alimentation ont mandaté le CNRS en partenariat avec l'INRA, l'IFREMER et l'IRSTEA pour réaliser une expertise scientifique collective (ESCo) sur l’eutrophisation, avec le soutien financier de l’Agence française pour la biodiversité.
http://www.cnrs.fr/inee/communication/breves/eutrophisation.html L’eutrophisation des eaux marines et saumâtres en Europe, en particulier en France. Ifremer 2001
https://wwz.ifremer.fr/delec_eng/content/download/17673/259744/file/rapport_eutroph_DG11.pdf
(8) Lettre à ceux qui ne s’intéressent pas à Notre-Dame-des-Landes
(8) Lettre à ceux qui ne s’intéressent pas à Notre-Dame-des-Landes
Par Olivier Abel, philosophe et membre de la revue "Esprit".
(9) Notre-Dame-des-Landes : Point de vue de René Guitton, ancien président de la FDSEA 44
(10) « Le gouvernement est animé par une idéologie individualiste et capitaliste. La Zad prône une philosophie de coopération »
(11) Le bocage de Notre-Dame des Landes : une zone humide à défendre
(12) Ce que j'ai vu à Notre-Dame-des-Landes
(13) Pourquoi ce qui se passe à Notre-Dame-des-Landes nous importe-t-il ?
(14) La sécurité alimentaire de la France menacée par son déficit commercial agroalimentaire (hors boissons)
(15) Bernard Lambert
Paroles de Bernard Lambert : un paysan révolutionnaire
(16) La Zad de NDDL n'est pas concernée par des mesures agro-environnementales !
Pourtant trois zones Znieff (zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique) : Bois et landes de Rohanne et des fosses noires / Zone bocagère relictuelle d'Héric et de Notre-Dame-des-Landes / Bois, landes et bocages au Sud-Ouest de Notre-Dame-des-Landes
(17) Notre-Dame-des-Landes: les opposants historiques entre espoir et scepticisme
(18) Notre-Dame-des-Landes : terres très convoitées
https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/notre-dame-des-landes-terres-tres-convoitees-5587238
(19) Zones mortes : Vertes en Bretagne... Mortes en Louisiane...
(19) Zones mortes : Vertes en Bretagne... Mortes en Louisiane...
(20) La morte verte des coquillages et crustacés
Début août, de nombreux crustacés et coquillages morts se sont échoués sur le littoral de Saint-Jean-de-Monts, mais aussi de la Loire-Atlantique. On connaît la cause de ce phénomène : il est dû à la multiplication rapide d'organismes unicellulaires du plancton végétal (ou phytoplancton), de l'espèce Lepidodinium chlorophorum, ou lepidodinium vert (un dinoflagellé).
Début août, de nombreux crustacés et coquillages morts se sont échoués sur le littoral de Saint-Jean-de-Monts, mais aussi de la Loire-Atlantique. On connaît la cause de ce phénomène : il est dû à la multiplication rapide d'organismes unicellulaires du plancton végétal (ou phytoplancton), de l'espèce Lepidodinium chlorophorum, ou lepidodinium vert (un dinoflagellé).
Efflorescences algales dangereuses
Vendée : A Brétignolles, la mer devient brune
Vendée : Quand les vagues se teintent de rouge
(21) Notre avenir est une zone à défendre – Thierry Balavoine – La Décroissance – mai 2018
(22) En 2017, l’excédent agroalimentaire recule de nouveau et atteint son plus bas niveau depuis 2009, sous l’effet d’une chute des exportations de céréales et de la hausse des importations
Pour l'alimentation de ses habitants, la France compte de plus en plus sur les productions des pays étrangers... On le savait pour les produits de la mer... C'est aussi une réalité pour les produits issus de l'agriculture... En 2017, le déficit commercial a atteint 4,4 milliards d'euros pour les produits de la pêche et de l'aquaculture ! Par contre, les vins et spiritueux ont dégagé un excédent commercial de 11,5 milliards d'euros... La France n'assure plus sa sécurité alimentaire. Sans les boissons, elle a accusé l'an passé un déficit commercial "alimentaire" de 6,6 milliards d'euros.
(23) Groupe coopératif Terrena
(24) Rapport du collège d’experts scientifiques relatif à l’évaluation de la méthode de compensation des incidences sur les zones humides
(25) Optimiser la gestion des prairies pour valoriser leur potentiel productif et leurs multiples atouts environnementaux
(26) Une vaste évaluation française pointe la dégradation des milieux humides
Les milieux humides et aquatiques sont fragiles… alors cessons de les détruire et de les assécher !
Les milieux humides et aquatiques continentaux - Commissariat général au développement durable (CGDD) – mars 2018
(27) Notre-Dame-des-Landes : que reste-t-il des idéaux de la ZAD ?
Le retour à la ZAD
La Zone À Défendre : du spectacle au rite
Notre-Dame des Landes : deux ans après l’abandon du projet d’aéroport, que reste-t-il de l’utopie ?
Notre-Dame-des-Landes toujours debout contre « l’aménagement capitaliste du monde »
Notre-Dame-des-Landes : deux ans après, les zadistes sont toujours là
Notre-Dame-des-Landes. Ancienne Zad : le Département confirme l’agriculture bio
À Notre-Dame-des-Landes, une première victoire pour préserver les terres agricoles
Notre-Dame-des-Landes : un projet agricole et environnemental partagé
24 baux ruraux signés sur le territoire de l’ancienne ZAD
Pour aller plus loin...
Comment l'agriculture et l'aquaculture affectent-elles la qualité de l'eau ?
Le boom de la productivité agricole mondiale qui a suivi la Seconde guerre mondiale a été rendu possible en grande partie grâce à l'utilisation intensive d'intrants, tels que les pesticides ou encore les engrais chimiques.
Depuis 1960, l'utilisation d'engrais minéraux a été multipliée par dix, tandis que depuis 1970, les ventes mondiales de pesticides sont passées d'un milliard à 35 milliards de dollars par an.
Pendant ce temps, l'intensification de la production animale - depuis 1970, les chiffres mondiaux relatifs à l'élevage ont plus que triplé - a vu émerger une nouvelle classe de polluants; les antibiotiques, les vaccins et les hormones de croissance qui voyagent des fermes jusqu'à l'eau des écosystèmes pour finir par se retrouver dans l'eau que nous buvons.
En même temps, l'eau polluée par les matières organiques issus de l'élevage est plus répandue que la pollution organique en provenance des zones urbaines.
L'aquaculture, un autre secteur en plein essor (dont l'importance a été multipliée par vingt depuis 1980) relâche maintenant encore plus d'excréments de poissons, de nourriture non consommée, d'antibiotiques, de fongicides et d'agents antisalissure dans les eaux de surface.
More people, more food… worse water? - Water Pollution from Agriculture: a global review (Rapport uniquement en anglais)
Les polluants issus de l’agriculture représentent une menace sérieuse pour l’eau du monde entier
Un nouveau rapport fait état d’une situation préoccupante et propose des recommandations sur ce qui pourrait se faire
Vent d'ouest - Jean-Luc Godard
Autrefois, il n’y avait que des cinéastes. On ne parlait pas de techniciens. Méliès, Thalberg, Grémillon. Les mains des monteuses soviétiques, comme celles des ouvrières de la Rhodia, disaient l’exception partout où l’on aménageait la règle.
Vinci, Darty.
Aujourd’hui, c’est le règne des techniciens. Techniciens de grande surface, de télé mobile, techniciens de l’audiovisuel, de la gendarmerie.
Le cinéma s’est niché dans chaque arcane du capitalisme. La technique a pris le pas sur le geste. Et l’humain a déserté l’œil de celui qui regarde.
Ceux qui croient à la technique la disent objective, là où elle n’est qu’objectif.
Objectif de sécurité, de surveillance, de peur, de mort.
Et la mort, pour ne pas avoir trop peur, a substitué à son propre silence non pas un son d’outre-tombe, mais d’outre-vie.
Le son latent de l’agonie, celui du capitalisme, de la catastrophe permanente.
L’industrie et ses machines ont toujours généré leur propre musique. Des images et des sons émis par la vie, et comme subtilisés, retransmis par une agonie et destinés à la mort, aux structures de la mort.
Et dans ces structures de béton, fleurit toujours dans les interstices, là où l’humidité subsiste encore, cette herbe que l’on dit invasive lorsqu’elle ne fait que nous protéger de l’érosion, et c’est le Gourbi, le Far West, les 100 Noms.
Inverser la trajectoire, revenir à la vie depuis la mort, supprimer l’agonie.
Supprimer l’agonie.
Notre-Dame-des-Landes : « Nous, cinéastes, appelons à filmer et à défendre ce territoire qui bat et se bat »
Dans une tribune au « Monde », des réalisateurs, comédiens et professionnels du cinéma, dont Adèle Haenel, Philippe Garrel ou Aki Kaurismäki, invitent à défendre la ZAD de Notre-Dame-des-Landes comme « un lieu réel qui lutte pour construire des imaginaires ».
Le Monde | 17.05.2018 à 17h07 | Par Collectif
image: http://img.lemde.fr/2018/05/17/85/0/2048/1365/534/0/60/0/bfa07ea_30227-3o8mt1.8nctj.jpg
« Défendre la ZAD lorsque l’on fait du cinéma, c’est défendre une idée de l’expérimentation » (Photo: deuxième phase d'évacuation de la ZAD, jeudi 17 mai).
Tribune. Nous, qui travaillons dans le cinéma, avons entendu l’appel en soutien à la ZAD dans le film Vent d’Ouest, d’abord attribué à Jean-Luc Godard puis salué comme une habile parodie. Cela nous rappelle son manifeste de 1970 intitulé Que Faire ?, dont sont tirées ces phrases très connues : « 1. Il faut faire des films politiques. 2. Il faut faire politiquement des films. »
Ces deux propositions dialectiques constituent les fondations d’un texte magnifique, qui brouille les frontières entre politique et cinéma tout en affirmant la nécessité de préciser nos positions. Car celles-ci se prennent mais ne s’additionnent pas. On ne peut pas être du côté de la police et des manifestants et manifestantes. Faire 1, c’est croire qu’il y a des vrais et des faux films. Faire 2, c’est savoir que la vérité est dans la lutte.
Alors, si ce film est un faux de Godard, la vérité c’est que nous y avons entendu un appel. La vérité, c’est qu’il y a des expulsions à Notre-Dame-des-Landes, c’est que des personnes qui luttent auront leurs maisons détruites. Des personnes qui se sont battues, des années durant, contre des aménageurs, un aéroport et leur monde, et qui ont gagné. La vérité, c’est que l’Etat s’acharne à détruire des expériences communes, des tentatives d’organisations qui s’inventent encore et toujours, une nature qui se défend et les vies multiples qui l’habitent. Et nous prenons position, en tant que cinéastes.
Continuité dans les forces de révolte
Nous sommes au mois de mai 2018. Cinquante ans après, on commémore Mai 68. Et de commémorations en commémorations, on paralyse l’action en la muséifiant. On ignore les réfugiés et réfugiées, les cheminots et cheminotes, les étudiants et étudiantes, les postiers et postières, le personnel médical et la répression quotidienne dans les banlieues. Lors de sa conférence de presse à Cannes, Godard a établi une continuité dans ces forces de révolte, entre Mai 68...
N’être pas gouvernés
Extrait de l'article de Ballast
Certes, le combat politique le plus visible à été gagné avec l’abandon du projet d’aéroport. Mais la lutte s’est toujours inscrite aussi contre une normalisation des comportements, dans la revendication d’une altérité qui se décline politiquement — des naturalistes en lutte aux autonomes, en passant par des paysans reconvertis — aussi bien que dans les pratiques — une agriculture à la marge des impératifs productivistes imposés par les subventions, des projets s’ancrant sur un territoire réduit mais en interdépendance avec celui-ci (là où la mondialisation implique une déterritorialisation des produits). Dans la région d’Asie qui occupe l’auteur, « "Habitants des forêts" ou "personnes des collines" est synonyme de non-civilisé » : n’est-ce pas comme tel que sont traités les opposants, traqués par une troupe de CRS détruisant toute habitation considérée comme précaire sur son passage ? Pour James C. Scott, « plus vous laissez de traces, plus grande est votre place dans l’histoire » : les archives sont matérielles ; l’Histoire qui en résulte est nécessairement partielle. De même qu’il ne reste plus rien du centre universitaire de Vincennes aujourd’hui, si ce n’est une clairière, les autorités souhaitent que la lutte, victorieuse une fois, ne le soit pas de manière pérenne à travers une installation permanente. Les constructions collectives sont détruites pour cette même raison : elles symbolisent ce dont l’État ne veut pas, à savoir la mutualisation, la mise en commun, à rebours d’une jeune tradition propriétaire qui se veut originelle. Le refus par l’État de tout projet collectif va dans ce sens ; la destruction d’un lieu au nom aussi symbolique que « La Ferme des Cent Noms » également. Car « même les structures sociales et les types d’habitats dans les collines pourraient être utilement envisagées comme des choix politiques ». L’utilisation de matériaux de récupération et légers sur la ZAD, comme dans les arbres à Bure ou à l’Amassada à deux pas des Causses, est une décision dictée par la nécessité de construire vite, mais est surtout la traduction d’une volonté de montrer qu’autre chose est possible : des chantiers collectifs pour des cabanes, des hangars, un phare, des habitations aussi diverses qu’il y a d’habitants, comme autant de pieds de nez à l’imposition de chantier décrétés « d’utilité publique ».
La multifonctionnalité des paysans, réclamée par l’OCDE dès les années 1990 et décrétée dans les années 2000 avec la réforme de la PAC, est pourtant au principe de ce qu’est la paysannerie. L’impératif « post-productif » lancé aux campagnes aujourd’hui croit être novateur en mêlant travail sur la terre et préservation du paysage : c’était pourtant un processus à l’œuvre bien avant que l’agriculture industrielle ne s’immisce au cœur des pratiques paysannes. Seulement, alors que l’accroissement normatif est avant tout dirigé vers les monocultures céréalières, chacun y est sujet comme s’il était aussi néfaste sur le plan environnemental — et les projets portés à Notre-Dame-des-Landes n’y feront peut-être pas exception. Bien que l’étude soit datée, les affirmations du sociologue rural Henri Mendras prophétisant La Fin des paysans (1967) peuvent encore être lues avec profit : « c’est le passage de la logique paysanne à la rationalité économique dans la gestion des exploitations qui résume et symbolise le conflit de civilisation et la transformation du paysan en producteur agricole21 ». C’est aujourd’hui le mouvement inverse qui effraie l’État et déclenche sa logique répressive.
L’indivision est un principe fondamental de ces luttes, laissant à la diversité des projets la possibilité de s’étendre sans entrave. Mais la fédération de chacun autour d’un combat ne s’opère pas seulement contre un monde ou une agression ; elle se construit également pour un avenir commun. Des expérimentations similaires se retrouvent sur chacun des territoires en lutte ou en passe de l’être : des projets agricoles ayant à cœur de revenir à l’autonomie paysanne, des lieux de vie communs où échanger et partager comme à l’Amassada de Saint-Victor-et-Melvieu, des bibliothèques comme celle du Taslu à la ZAD, communes elles-aussi… L’importance des moyens mis en œuvre pour déloger les habitants de la ZAD indique la crainte de l’État de voir son autorité remise en cause. Mais, peut-être plus encore, c’est de voir émerger un contre-pouvoir qui, au lieu de combattre frontalement, ne souhaite que rester à l’écart et prouver que ce qu’il fait est possible, qui effraie. Ce qui se joue à Notre-Dame-des-Landes prouve que se poser à la marge n’est pas une attitude si absurde que ça ; que c’est plutôt encourager l’inacceptable — de l’agriculture industrielle à la financiarisation de la culture, de la précarisation des travailleurs au délaissement des plus démunis — qui est inimaginable.
Hommage à la ZAD
[Vidéo du mois]
paru dans lundimatin#147, le 1er juin 2018
Ce petit film de 17 minutes n’est semble-t-il pas un Godard. Il y est question de ce qui se passe sur la ZAD, entre ambiance de guerre, joie des projets collectifs, land art, lieu de vie et vaches en gros plan. Tout cela est réalisé avec finesse et une drôlerie que l’on rencontre trop rarement dans ce genre de production. Alors que les temps sont difficiles, il est toujours appréciable de voir et recevoir ce genre de friandises .
Ce qui se passe à Notre Dame des Landes illustre un conflit qui concerne le monde entier. Il met aux prises, d’une part, les puissances financières résolues à transformer en marchandise les ressources du vivant et de la nature et, d’autre part, la volonté de vivre qui anime des millions d’êtres dont l’existence est précarisée de plus en plus par le totalitarisme du profit. Là où l’État et les multinationales qui le commanditent avaient juré d’imposer leurs nuisances, au mépris des populations et de leur environnement, ils se sont heurtés à une résistance dont l’obstination, dans le cas de ND des Landes, a fait plier le pouvoir. La résistance n’a pas seulement démontré que l’État, « le plus froid des monstres froids », n’était pas invincible – comme le croit, en sa raideur de cadavre, le technocrate qui le représente – elle a fait apparaître qu’une vie nouvelle était possible, à l’encontre de tant d’existences étriquées par l’aliénation du travail et les calculs de rentabilité. Une société expérimentant les richesses de la solidarité, de l’imagination, de la créativité, de l’agriculture renaturée, une société en voie d’autosuffisance, qui a bâti boulangerie, brasserie, centre de maraîchage, bergerie, fromagerie. Qui a bâti surtout la joie de prendre en assemblées autogérées des décisions propres à améliorer le sort de chacun. C’est une expérience, c’est un tâtonnement, avec des erreurs et ses corrections. C’est un lieu de vie. Que reste-t-il de sentiment humain chez ceux qui envoient flics et bulldozer pour le détruire, pour l’écraser ? Quelle menace la Terre libre de ND des Landes fait-elle planer sur l’État ? Aucune si ce n’est pour quelques rouages politiques que fait tourner la roue des grandes fortunes. La vraie menace est celle qu’une société véritablement humaine fait peser sur la société dominante, éminemment dominée par la dictature de l’argent, par la cupidité, le culte de la marchandise et la servitude volontaire. C’est un pari sur le monde qui se joue à ND des Landes. Ou la tristesse hargneuse des résignés et de leurs maîtres, aussi piteux, l’emportera par inertie ; ou le souffle toujours renaissant de nos aspirations humaines balaiera la barbarie. Quelle que soit l’issue, nous savons que le parti pris de la vie renaît toujours de ses cendres. La conscience humaine s’ensommeille mais ne s’endort jamais. Nous sommes résolus de tout recommencer.
Raoul Vaneigem
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