A la fin de l'année 1980, l'équipe Semacua (avec au centre le français Olivier Avalle) fête la production de 53 millions de post-larves de crevette en 6 mois... Une première mondiale ! (Photo de Jean-François Le Bitoux)
Jean-François Le Bitoux est un
pionnier de la crevetticulture en Equateur. Il fait partie de ces
jeunes diplômés français, spécialistes en aquaculture, qui dans
les années 1980 et 1990 ont essaimé leurs connaissances en
pisciculture, en crevetticulture, en écloserie,... à travers le
monde et tout particulièrement en Amérique Latine (Equateur,
Colombie, Mexique, Chili,...), en Asie du Sud-Est (Indonésie,
Vietnam,...)... Formés en France pays à la pointe de la recherche
aquacole et où l'aquaculture dite « nouvelle » est
restée à l'état embryonnaire, tous ces jeunes vingtenaires et
trentenaires ont contribué à l'explosion de l'aquaculture mondiale.
Réponse de Jean-François Le Bitoux à l'article : Crevette, un plaisir au goût amer !
Comme j'assume avec fierté être un
pionnier de cette activité (d'élevage de crevette ndlr), je
pourrais déconstruire beaucoup d'arguments "superficiels".
Il suffit de changer de cadre de lecture pour donner un autre sens à
bien des observations - c'est vrai dans tous les domaines, cela n'en
fait pas des "fake-news" pour autant, seulement un recul
constructif !
Il y a eu des échecs et je sais de
quoi je parle mais cela vaut la peine d'en tirer quelques
enseignements... si cela intéresse quiconque, ce qui reste à
démontrer car l'Administration/bureaucratie ne fait jamais cette
hypothèse de travail : elle ne se trompe jamais, elle !
En 1980, la France était dans le Top 10 de l'aquaculture mondiale... 3 décennies plus tard, la France a rétrogradé au 25e rang mondial (206 000 tonnes pour 817 millions $ en 2015) alors que l'Equateur se place au 15e rang (426 000 tonnes pour 2,3 milliards $ en 2015)
Parmi les mauvais exemples rapportés,
il y a depuis les années 90, celui de la destruction des mangroves
"protectrices". Je te rassure la mangrove repousse dès que
tu as le dos tourné, sauf si tu as bétonné, évidemment.
Protectrices de qui ? de quoi ?
Effectivement là où la mangrove est rare, la détruire est
catastrophique pour les terres basses accumulées derrière :
c'est la géologie qui dessine une côte. Car une mangrove se
construit sur la limite eau douce/eau de mer. Donc là où il y a peu
d'eau douce, il y a peu de mangroves. Les cartes présentées sont
donc abusives car la répartition des mangroves dans le monde est
très inégale et les couleurs rouges ou vertes ont peu de
significations réelles !
Une télé tournée en Equateur
montrait le "pauvre pêcheur de crabes" qui ne pouvait plus
avoir accès à quelques lieux traditionnels sous peine de détruire
les digues des camaroneras (fermes de crevette ndlr) : en fait
ce pêcheur suivait les autoroutes construites par les camaroneras au
lieu de pénétrer dans cette "jungle" naturelle difficile
d'accès. Et le reportage ne disait rien des centaines de postes de
travail que cette industrie a créé en une dizaine d'années,
probablement pour ses propres enfants.
En Equateur, il y a près de 210 000 hectares de bassins destinés à l'élevage de crevette... répartis entre des fermes de plusieurs centaines voire plusieurs milliers d'ha chacune... Sur ces images Google Earth, chaque bassin a une surface moyenne de 10 ha...
En Equateur, il y a près de 210 000 hectares de bassins destinés à l'élevage de crevette... répartis entre des fermes de plusieurs centaines voire plusieurs milliers d'ha chacune... Sur ces images Google Earth, chaque bassin a une surface moyenne de 10 ha...
Détail qui m'importe, en ce qui
concerne les prix d'achat à la ferme, ce sont bien les fermiers qui
tirent profit des prix à la pêche : je ne crois pas qu'il y
ait d'autres éleveurs qui s'en tirent aussi bien. Et ils sont payés
dans la semaine pas à 3 mois comme en France - je sais aussi de quoi
je parle ! Un détail important : quand les éleveurs ont
"progressés", ils ont produit des crevettes plus
grosses... et les prix ont suivi ! Quand vous trouvez au
supermarché des crevettes de moins de 10 g cela signifie qu'elles
ont été pêchées plus jeunes car l'éleveur craignait des
mortalités !
Il est vrai qu'il y a eu des ratés
mais gérer un écosystème aquatique demande des connaissances et un
savoir-faire, bref une expérience de terrain qui ne se trouve pas
dans des bureaux... L'approche anthropologique du succès équatorien,
de la transmission de ce savoir-faire d'un pays à un autre en moins
de 30 ans est en soi un résultat étonnant - que l'on doit
essentiellement à nos amis équatoriens même si les capitaux
gringos ont construit cette voie "capitaliste" !
La construction du succès équatorien
est aussi né du fait qu'il fut possible de construire de manière
indépendante la congélation et l'exportation (à partir de la
pêche), les fermes (à partir de juvéniles sauvages), l'écloserie
(1980) puis la logistique (pompes, aliments, etc...) : il est
difficile de rentabiliser toutes ces étapes en une seule fois
ailleurs (cf... Nouvelle Calédonie).
Il a fallu l'Etat pour le faire en
Chine ou au Vietnam et il y a fallu également passer de l'extensif à
l'intensif, nettement plus délicat à gérer. Il y a aussi une
dimension qu'il est difficile à prendre en compte c'est l'importance
de la circulation des informations sur le terrain : la recherche
peut difficilement en prendre conscience. Mais c'est une autre
histoire.
Tout cela sera un jour utile pour
corriger les déboires chroniques des aquacultures françaises,
ostréiculture, mytiliculture, crevetticulture en Nouvelle
Calédonie,...) Mais pour l'heure, il ne semble pas que quiconque y
prête attention : ça peut donc durer encore longtemps.
L'étrange défait des 30 ou 40 piteuses (cf. Marc Bloch) s'explique
ainsi : gérer l'estran demande un véritable investissement de
terrain ! Comme a priori tout y est interdit mais parfois
toléré, le cadre juridique est des plus flous. Ce qui n'encouragera
personne à y faire quoi que ce soit puisque c'est d'abord interdit
mais "on peut s'arranger" ? "
Jean-Francois Le Bitoux
Autres articles :
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- Aquaculture : A la recherche d'une stratégie de développement halieutique...
- Crevette, un plaisir au goût amer !
Mas de 900 millones de libras de
camaron ecuatoriano se exportaron en el 2017
http://www.fao.org/3/a-i7989t.pdf
Statistiques des pêches et de
l’aquaculture 2015
Perfiles sobre la pesca y la
acuicultura por países : La República Del Ecuador
Ecuador logra récord en exportaciones de harina de pescado en el 2016
Avec le classement par pays en 2016
Exportaciones de camaron
La industria nacional de camarón
reflotó con fuerza
Camara nacional de acuacultura
Semacua, première écloserie
équatorienne de crevette à échelle industrielle (1) est toujours
là 40 ans après !
Dans le groupe intégré Empagran
présentation en vidéo
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