L’Huître en questions de Catherine Flohic

"Une autre enquête épidémiologique"...  qui confirme les expertises récentes

L’Huître en questions 

Catherine Flohic – 2015, 352 pages (Ed. Les Ateliers d’Argol)

C’est un très beau document d’actualité, magnifiquement illustré, riche de témoignages qu’on ne trouve ni dans les documents scientifiques, ni « officiels ». Il s’agit d’une suite de discussions très ouvertes avec 30 acteurs dont 9 ostréiculteurs, 3 écloseurs, 6 chercheurs, 10 restaurateurs, cuisiniers et écaillers. Chacun apporte un vécu, une version très personnelle, historique, parfois douloureuse et actualisée de la crise que vit l’ostréiculture française depuis quelques années.

On peut se demander quel sentiment en retirera le lecteur ? Sans doute une impression que « c’est complexe ! » ? Vit-on une dégradation écologique inéluctable des écosystèmes ? Il y a pourtant ici et là des solutions qui perlent comme autant de démarches positives et de salut. Effectivement la nature obéit à des lois complexes qu’il ne suffit pas d’étaler dans un livre scientifique, ni dans un magazine pour embrasser d’une seule lecture. Chaque discussion fait apparaître des conditions différentes, des paramètres nouveaux. Pour partager avec le plus grand nombre, il faut en rester à des explications accessibles, simplifiées. Malheureusement si des idées simples suffisent quand tout va bien, elles n’expliquent plus rien quand tout va mal. Et elles sont sans utilité pour corriger des habitudes passées devenues insuffisantes. Pourtant un vieux fond de raison humaniste nous laisse penser qu’il existe une cohérence entre des phénomènes qui nous échappent complètement. Mais quand on ne possède aucun entrainement en varappe, quelle idée de vouloir s’accrocher à un mur d’escalade dont on ne connait pas les pièges, ni on ne voit pas le sommet ! Alors pour mettre en place des routes sécurisées, il faudra y travailler localement pour prendre en charge des erreurs passées dont la mémoire est probablement gravée quelque part ! Le reconnaître fait partie des témoignages pédagogiques :

M. de Longcamp, p. 62 : « Ce que je nous reproche aujourd’hui à nous ostréiculteurs, c’est de ne pas avoir été plus exigeants, plus vigilants ». En fait, cette remarque vaut pour chacune des parties prenantes, la Profession, la Recherche et l’Administration mais il faudrait un autre livre aussi épais pour répondre aux idées fausses qui plombent les débats et qui naissent toutes de cette attitude tellement humaine : pourquoi se creuser la tête quand tout marche tout seul ! Nous en avons tous été victimes à un moment ou à un autre de notre vie, personnelle ou professionnelle ! Et cet artisan conclut p. 65 : « Biodiversité : Nous producteurs avons un devoir d’être à l’écoute de notre environnement ». Et Mme Gillardeau livre son secret p. 229 : « On essaie de louer les parcs alentour, juste pour éviter un voisinage de surproduction ». Il y a d’autres manières plus scientifiques et zootechniques d’exprimer ce constat sanitaire : chaque site est unique !

Tant de partage ne peuvent que se terminer dans l’optimisme et dans des recettes de grande cuisine. Je dois avouer que heureux des recettes naturelles, crevettes et bigorneaux cuits à l’eau de mer, ceviche, sushis et autres poissons crus, je n’ai découvert que tardivement la « cuisine de l’huître » et c’est un régal !

L’Huître en questions réunit beaucoup d’idées et de concepts nécessaires pour remettre de l’ordre dans « les affaires » ! Mais qui seront les acteurs de cette remise en état ? Les volontaires ne se sont pas encore manifestés ! « J’ai toujours le sourire ; il faut s’adapter à la nature. Ce n’est pas elle qui va s’adapter à nous ». (M. Glaunec p. 239).

Jean-François Le Bitoux

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Catherine Flohic. Tout un livre sur l'huître


Source : Le Télégramme  / Thierry Dussard / 19 juillet 2015
Pour se faire une opinion sur l'huître triploïde qui fait débat dans l'ostréiculture, Catherine Flohic a rencontré les plus grands spécialistes de ce coquillage en France. Auteure et éditrice, elle publie un livre de 350 pages sur l'huître, après avoir rencontré 30 amoureux et spécialistes de ce coquillage fabuleux. On y apprend tout sur la vie sexuelle des japonaises, et les transformations des triploïdes, parce que « l'huître a un sens », dit-elle, et ce n'est pas un sens unique.

Les plates, les creuses, les japonaises, ou les portugaises, on en croise de toutes sortes sur les plages et même des pieds de cheval, ou des oreilles de lapin. Méfiez-vous de celles-là, tout en longueur, ce sont sûrement des triploïdes et mal élevées en plus. « L'huître triploïde, c'est ce qui m'a incitée à me lancer dans ce gros livre lorsque je me suis aperçue que plus de la moitié des huîtres que l'on mange sont des organismes vivants modifiés (OVM), et que ce n'est même pas signalé », confie Catherine Flohic, sur un ton doucement révolté.

1.000 € le mâle reproducteur

Cette Bretonne a commencé par aller voir un Lyonnais, Louis Teyssier, producteur d'huîtres nées en mer, à Blainville, dans la Manche. Ah ! bon, parce qu'il y a des huîtres qui naissent en couveuse ? Oui, dans des écloseries industrielles, avant d'être livrées en caisse polystyrène et glissées dans des poches grillagées qui sont immergées, et retournées régulièrement. Mais Catherine Flohic a bondi en apprenant que la plupart des huîtres sont maintenant stériles et que le coquillage hermaphrodite, qui change de sexe d'une saison à l'autre, était donc, à terme, menacé de disparition. Enfin, pas tout à fait, il reste des « mâles reproducteurs, qui sont vendus 1.000 € pièce et envoyés aux ostréiculteurs par Chronopost, ajoute-t-elle. La coquille vide est consignée et doit être renvoyée après usage à l'Ifremer ». Ce nouveau mollusque triploïde, doté de trois chromosomes, a en effet un double avantage. Stérile, il ne fabrique pas de laitance en été, et peut ainsi être consommé toute l'année. Finis, les seuls mois en ? r ? où l'on pouvait déguster ces fruits de mer sans avoir l'impression de manger de la crème fraîche.

L'huître des quatre saisons

Second atout, libérée de tout souci de reproduction, l'huître grandit plus vite, en deux ans au lieu de trois. « C'est l'huître des quatre saisons mais il ne faut pas confondre OVM et OGM, déclare Yves Le Borgne, expert en coquillages. On a longtemps pensé que l'huître était un caillou et tout le bruit que l'on fait autour des triploïdes va inciter à ce que l'on améliore leurs conditions d'élevage ». Catherine Flohic reste malgré tout sceptique et elle a poursuivi son tour de France des ostréiculteurs. Jean-Noël Yvon et Tifenn Vigouroux, à Listrec, dans la ria d'Etel (56). Ou Mickaël Glaunec, sur la rivière de Pénerf, en Morbihan, qui s'est refermé comme une huître, et « n'aborde jamais la question des triploïdes » avec ses collègues, tout en militant pour des méthodes traditionnelles et naturelles. Il a même maintenant son propre naissain à Arcachon, qui lui garantit une traçabilité parfaite. Les jeunes huîtres prennent ensuite la route pour la Bretagne, d'où certaines repartiront vers Marennes-Oléron, afin de prendre cette belle teinte verte, et la mention « Fine de claire » après 28 jours en bassin.

Des arômes de noisette

Catherine Flohic a poursuivi son chemin et multiplié les rencontres avec tout ce que le littoral compte de spécialistes. Mais en contournant les stars, tel Joël Dupuch au Cap Ferret. Elle n'a pourtant pas pu éviter Bourcefranc-le-Chapus, en Charente-Maritime, le berceau des huîtres haute couture signées Gillardeau. L'ostréiculteur, qui grave ses coquilles au laser d'un ?G?, est malgré tout partisan des triploïdes, gages d'un goût régulier. « Nous parlons de meroir pour les huîtres comme de terroir pour le vin », dit joliment Véronique Gillardeau, dont les parcs vont du Portugal, à l'Irlande et l'Écosse. Encore faut-il que l'huître soit en contact avec le fond de l'eau, comme chez Yvon Madec, dans les abers, et non pas hors-sol. Et quel goût elle a, cette triploïde ? « Charnue et délicieuce », répond Catherine Flohic, qui s'avoue désarmée par l'évidence. Le jeune repreneur des Bars à Huîtres, à Paris, le confirme, « au niveau gustatif, c'est le chapon de l'huître », déclare Garry Dorr, enthousiaste. « Les triploïdes offrent une harmonie quelles que soient les saisons », assure Florent Tarbouriech, le roi de l'huître de Bouzigues, dans la lagune de Thau, en Méditerranée. À défaut de marée, il suspend les coquilles à des cordes qu'un système de poulies sort de l'eau régulièrement, pour reproduire le flot et le jusant. Les huîtres aiment cette gymnastique et se musclent ainsi. Résultat, des arômes de noisette un peu sucrés !

Pour un étiquetage « huîtres sauvages »

Inébranlable, Catherine Flohic estime qu'il y a un risque avec les triploïdes. « L'huître industrielle conduit aux excès et la limite des 5.000 poches par hectare dans les parcs est souvent dépassée. Comment expliquer autrement la surmortalité que l'on a vue en 2008 ? ». Avec le sénateur du Morbihan, Joël Labbé (EELV), elle milite pour l'étiquetage des huîtres sauvages, « nées en mer » mais le projet stagne au Sénat, entre deux eaux.

Pratique « L'huître en questions », aux éditions Les Ateliers d'Argol.

En complément Nature, avec un trait de citron ou des échalotes ?

Au commencement était la plate, surnommée la Gravette dans le Sud-Ouest. Décimée vers 1920, elle est remplacée par les portugaises jusque dans les années 1970, lorsque celle-ci est à nouveau attaquée par un virus, qui marque l'arrivée des japonaises. L'huître respire de l'eau, elle est donc très sensible à l'environnement, Catherine Flohic la qualifie même de « coquillage sentinelle », capable de servir de sonnette d'alarme dès que la mer devient trouble. On la croit ancrée sur son rocher mais elle est baladeuse. En 1868, Le Morlaisien, un bateau chargé d'huîtres du Portugal, met le cap sur l'Angleterre mais est pris par la tempête au large de la Gironde, et décharge alors de sa cargaison en mer, dont les survivantes vont coloniser tout le littoral. On en retrouve aujourd'hui jusqu'en Norvège. « De l'eau froide, un mélange d'eau de mer et d'eau douce et des courants, voilà ce que toutes les huîtres préfèrent. L'embouchure des rivières est donc le site le plus recherché par les ostréiculteurs », poursuit Catherine Flohic, qui les mange nature. Ou juste avec une goutte de citron. « Au départ, je les aimais avec du vinaigre et des échalotes pour le croquant, raconte Jean-Marie Baudic, le chef étoilé du Youpala Bistrot, à Saint-Brieuc. Puis chez Pierre Gagnaire, j'ai découvert que cuite, ou snackée, elle gonflait et prenait une texture intéressante ». Bertrand Grébaut, du restaurant Septime , à Paris, donne sa recette d'huître plate sauvage, fumée aux champignons.

Conseils aux ostréiphobes

Les Français sont les plus gros mangeurs d'huîtres du monde (1,8 kg par habitant par an) mais un tiers d'entre eux continue à ne pas vouloir y toucher. Un conseil pour les ostréiphobes, commencez par goûter l'eau, un pur délice, mais la deuxième eau. « L'huître n'est pas bonne juste sortie de la mer mais au cinquième jour, elle refait son eau, c'est là qu'elle est la meilleure », lit-on dans le livre de Catherine Flohic. Quant aux allergiques aux triploïdes, il suffit de se dire que cela revient au même que de manger une mandarine stérile : sans pépins.

Repères chronologiques
1946. Naissance à Paris.
1967. Licence de linguistique et de psychologie.
1987. Lancement de Eighty, revue d'art contemporain.
2005. Création des éditions Argol. 2015. « L'Huître en questions », éditions Les Ateliers d'Argol.

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