Aires marines protégées, Parcs marins, Réserves marines, Natura 2000 en mer sont autant de mesures pour protéger l'environnement marin et côtier. En 2003, lors du congrès mondial sur les parcs de Durban, l'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) a reconnu en plus les Aires du patrimoine communautaire (APAC) ; c'est la reconnaissance que les peuples autochtones et les communautés traditionnelles peuvent gérer de leur propre chef les espaces naturels menacés....
Tout est parti d'Afrique et notamment du Sénégal....
En Afrique de l’Ouest, le secteur de la pêche est en crise depuis les années 1990. Face à la diminution des ressources halieutiques, les organisations environnementales ont été les premières à réagir. Dans le prolongement de la Convention sur la biodiversité issue du Sommet de la Terre à Rio 1992, plusieurs Ong internationales ont « poussé » les autorités ouest africaines à mettre en place des aires marines protégées (AMP). Au Sénégal, cinq AMP ont été décrétées en 2004 : Saint-Louis, Kayar, Joal-Fadiouth, Bamboung et Abene-Kafountine.
Cependant, la diminution des stocks de poissons voire l’effondrement de certains est d’origine multifactorielle. La pêche illégale des flottilles internationales, l’afflux des populations rurales vers les côtes, la précarité des communautés littorales et le changement climatique sont autant de facteurs qui agissent et interfèrent sur la gestion et l’exploitation des pêcheries. Il est illusoire de penser que la diminution des ressources halieutiques s’inversera en actionnant un seul levier : Aires marines protégées (AMP).
Les AMP ont le plus souvent été fondés sur des interdits, des obligations.....
Depuis leur création, les Aires Marines Protégées et autres Parcs marins ont le plus souvent « été fondés sur des interdits, des obligations, mais surtout une très grande défiance envers les premiers occupants des lieux, pour ne pas dire au total mépris de leurs intérêts légitimes. De manière générale, les mesures conservatoires ont toujours été imposées aux communautés locales par des organismes qui leur étaient extérieurs, souvent même sans qu'elles soient consultées, voire seulement interrogées. De nos jours, la déprédation du patrimoine naturel mondial est désormais trop importante pour envisager de poursuivre - et a fortiori intensifier - de telles procédures. Il s'agit tout au contraire de repenser fondamentalement le système des Aires protégées dont l'efficience et le statut demeurent bien précaires dans de nombreuses régions du monde, dans les pays du Nord comme dans les pays du Sud. » (1)
Six années après la création des cinq premières aires marines protégées, les résultats sur le terrain sont plutôt minces. Dans un rapport, Claude Sène de l'Association pêche tourisme environnement (Apte) « fait état des sérieuses menaces qui pèsent sur les aires marines protégées. Parmi ces menaces, on peut citer la pauvreté grandissante qui frappe les populations vivant dans et autour des aires marines protégées et la mauvaise gestion de ces dernières. La diminution des ressources halieutiques, la pollution, l'occupation des zones marines et côtières par des activités économiques et l'urbanisation constituent de sérieuses menaces pour ces aires marines protégées. Les spécialistes de la conservation ont souvent déploré la faiblesse de la volonté politique pour financer les aires marines protégées. » (2)
Aires de patrimoine communautaire reconnues au Congrès mondial sur les Parcs de Durban 2003
Traditionnellement, la gestion des écosystèmes côtiers est inscrite dans les habitudes ancestrales des communautés littorales. La protection de l’environnement qui est ancrée dans la culture villageoise, relève de la survie de ces communautés littorales. Il s’agit par exemple des espaces sacrés et réservés, des interdictions et des limitations temporaires ou pérennes d’usage de certaines espèces, des obligations sociales par rapport à l’extraction des ressources gérées par des règles communautaires,… Il s’agit encore d’un animal totem qu’il est interdit de tuer parce qu’il est lié soit à un ancêtre, soit à un génie.
Ce sont les Aires du Patrimoine (et Autochtone) Communautaire (APAC) qui traduisent le mieux cette gouvernance locale de la biodiversité et des aires protégées. Les Aires du patrimoine communautaire qui ont une approche de la conservation plus « capillaire », participative, équitable et efficace en environnement marin, ont été reconnues par l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) au Congrès mondial sur les Parcs de Durban 2003.
Avec les APAC, les communautés locales reprennent en main leurs espaces naturels menacés
Face au manque de résultats des 5 AMP classiques initiées et portées par les ong environnementales, les communautés de pêcheurs sénégalais fondent beaucoup d’espoir dans les aires de patrimoine communautaire (APAC). « Les aires de patrimoine communautaire permettent aux communautés locales de reprendre en main leurs espaces naturels menacés. Elles constituent une alternative aux aires protégées établies et gérées par les États. » (3)
Mais, « la reconnaissance du bienfait de la gouvernance locale de la biodiversité et des aires protégées est un phénomène inexplicablement tardif et apparemment gênant pour plusieurs états, ONGs et experts de la conservation. D’une certaine façon, ni les états ni les experts ne semblent facilement « faire confiance » aux peuples autochtones et aux communautés locales en tant que décideurs et gestionnaires des ressources naturelles. » (3)
Depuis le 1 juin 2010, les pêcheurs de la communauté de Mangangoulak en Casamance sont autorisés à gérer et à protéger de leur propre chef un territoire de pêche, après la signature du Gouverneur de Ziguinchor d’un arrêté « portant autorisation de créer une Aire de Patrimoine Communautaire. » L’Etat sénégalais reconnait que les pêcheurs sont les gardiens de la biodiversité marine et côtière. Philippe Favrelière
(1) IUCN. Les Aires du Patrimoine Communautaire (http://cmsdata.iucn.org/downloads/cca_jlariviere.pdf)
(2) Article dans allafrica juillet 2010 : Aires marines protégées - Ces difficultés qui gênent leur fonctionnement (allafrica)
(3) Grazia Borrini-Feyerabend. 2009. Engager les peuples autochtones et les communautés locales dans la gouvernance des aires protégées en environnement marin et côtier: options et opportunités en Afrique de l’Ouest. Rapport pour le projet Sirenes. IUCN/PRCM/CEESP
Autre article :
Pour aller plus loin....
Les aires marines protégées d'Afrique de l'Ouest
Gouvernance et politiques publiques
Editeurs scientifiques
Jean-Yves Weigel, François Féral, Bertrand Cazalet
Veigel J.Y, Féral F, Cazalet B., Les aires marines protégées d'Afrique de l'Ouest. Gouvernance et politiques publiques. Presses Universitaires de Perpignan, 232 pages. PUP, 2007
Le Sommet mondial pour le développement durable, qui s'est tenu à Johannesburg en 2002, a réaffirmé le rôle des aires marines protégées dans la conservation de la biodiversité en prenant l'engagement de créer des réseaux représentatifs censés couvrir 20 à 30% de la surface maritime à l'horizon 2012.
L'expression détaillée des recommandations du Sommet et de celles du Congrès mondial sur les parcs de Durban (2003) ont mis l'accent sur la nécessaire cohérence des politiques de préservation des ressources naturelles et de développement socio-économique, plus particulièrement en ce qui concerne la catégorie d'aire protégée administrée principalement à des fins d'utilisation durable des écosystèmes naturels (IUCN, 1994)
Mais au-delà, ces recommandations soulignent l'indispensable association de toutes les parties prenantes (stakeholders) aux différentes étapes de la constitution et de la mise en œuvre d'une aire protégée ; elles appellent à la reconnaissance et au respect de la propriété coutumière, des droits d'usage et d'accès des populations locales, ce dernier point étant particulièrement important dans la mesure où il englobe la question des droits de pêche traditionnels peu ou pas pris en compte par les programmes de protection des espaces marins.
L'importance de la gouvernance est ainsi explicitement reconnue dans plusieurs recommandations du Congrès, dont celles concernant l'établissement d'un système mondial de réseaux d'aires protégées marines et côtières, la protection de la diversité biologique marine et des processus écosystémiques, la gestion intégrée du paysage pour soutenir les aires protégées, ou bien encore les recommandations portant sur la cogestion des aires protégées et sur la pauvreté des populations locales". Ces recommandations s'inscrivent dans un mouvement général qui mentionne le caractère central des facteurs sociaux, culturels, économiques et institutionnels pour la conservation et qui appelle à décentraliser le plus possible la gestion.
Cette reconnaissance de l'importance de la gouvernance environnementale conduit à adopter une conception plus ouverte de la gestion des aires marines protégées permettant de discuter, non seulement du rôle de l'administration dans le processus de régulation de l'accès et de l'usage des ressources, mais également de la contribution que peuvent apporter d'autres intervenants tels que les communautés de résidents ou de pêcheurs, les ONG et les acteurs privés. Cette reconnaissance, qui s'inscrit dans une tendance mondiale à la décentralisation de l'autorité et de la responsabilité, vise à obtenir un engagement plus marqué de la société civile dans le processus décisionnel et réhabilite la gouvernance locale.
Ainsi, la question de la gouvernance environnementale et locale des aires marines protégées est celle de la coordination des organisations et des acteurs privés, communautaires ou publics, qui suppose la prise en compte d'un ensemble de contraintes et la levée d'un certain nombre d'ambiguïtés susceptibles d'être autant d'obstacles à l'atteinte des objectifs de développement durable, Les aires marines protégées sont un champ d'expérimentation privilégié de tels modes de coordination dont l'enjeu dépasse ces espaces, au regard du nombre considérable d'usagers dépendant des ressources naturelles dans les pays du Sud.
La caractérisation et l'évaluation des modes de gouvernance….
Pour télécharger le document, cliquer Ici
Governance of marine protected areas in the least-developed countries
Case studies from West Africa
Weigel, J.Y.; Féral, F. & Cazalet, B., eds.
FAO Fisheries and Aquaculture Technical Paper No. 548. Rome, FAO. 2011. 78 pp.
Ce document en anglais est une synthèse du document en français ci-dessus
« Les aires marines protégées d’Afrique de l’Ouest. Gouvernance et politiques publiques (Weigel et. al, 2007)
This document is a synthesis of Les aires marines protégées d’Afrique de l’Ouest. Gouvernance et politiques publiques (Weigel et. al, 2007) which proposes an analytical framework to study the governance of MPAs in the LDCs, drawing on four sources of inspiration: (i) the interactive fisheries governance approach; (ii) the risk governance approach; (iii) the socioanthropology of mediations and brokerage; and (iv) the governance analytical framework. The framework indicates the five issues that must be addressed in order to operationalize the concept of governance in LDC MPAs: (i) definition of the problem or the issue at stake; (ii) identification of the set of relevant governance norms; (iii) presentation of the actors involved in the governance process; (iv) highlighting the nodes around which actors’ strategies converge; and (v) recalling the processes that have led to the current state of governance. This analytical framework makes it possible to characterize the governance system of each of the MPAs considered and to develop a typology of these systems. The characterization of different governance systems highlights their weaknesses and paves the way for new public policy options and, more generally, for the restructuring of governance to correct these weaknesses. In order to develop an analytical framework and the characterization of governance systems the main MPA governance principles and constraints, as well their legal context, were clarified. This was done by testing the proposed methodology in three West African coastal and marine protected areas, which illustrated the difficulties of governance in LDCs: the Banc d’Arguin National Park in Mauritania, the Saloum Delta Biosphere Reserve in Senegal, and the Bolama Bijagos Archipelago Biosphere Reserve in Guinea-Bissau. The analysis of demographic and economic constraints in these West African MPAs showed the importance of: (i) increasing population density and mobility; (ii) the intensification of resource exploitation; and (iii) and the opening of the MPA economy. The analysis of the legal and institutional contexts showed the international inspiration of the MPA objectives and conservation arrangements, and the syncretism of the legal system.
Pour télécharger le document, cliquer FAO
Commentaires