A vouloir toujours imposer aux pêcheurs des systèmes de plus en plus sophistiqués de sélectivité sur leurs engins, ne mènerait-il pas à l’impasse ?
La plupart des pêcheries ne ciblent que les plus gros poissons dans une population. Les chaluts permettent aux plus petits poissons de s'échapper. Dans le cas de la morue canadienne, après l'effondrement dans les années 1980, les individus survivants sont maintenant plus petits. Cette tendance a inquiété les scientifiques de la pêche, parce que les plus gros poissons sont plus sains et plus féconds que les plus petits.
Les chercheurs se sont demandé si la baisse de la taille moyenne qu'ils voyaient dans les populations de poissons capturées, était due à des facteurs environnementaux ou à des changements génétiques dans les populations exploitées. En 2002, David Conover et ses collègues ont montré que la réponse était en partie génétique. Dans le cadre d’une étude menée en laboratoire sur l’espèce de poisson, Menidia menidia, ils ont constaté qu’après avoir enlevé 90% des plus gros à chaque génération, la population devenait rapidement plus petite. Au bout de 4 générations qui correspondaient à près de 4 années, la taille moyenne des individus avaient beaucoup diminué.
Attendre que les gros individus reviennent
Conover a décidé ensuite de voir s'il était possible d'inverser le processus. Son équipe a de nouveau enlevé 90% des poissons à chaque génération - cette fois en choisissant au hasard, plutôt que de choisir les plus grands. Après six générations, les poissons ont retrouvé environ 50% de leur longueur, d’après le rapport publié le 4 mars 2009 dans les actes de la Royal Society B.
Selon Conover, les résultats signifient que « si nous arrêtons la pêche au sein d'une population qui fait l’objet d’une surpêche, ... nous devons attendre que les grandes tailles reviennent progressivement ». Pour l’espèce étudiée, il estime que les gros individus reviendront au bout de 12 générations, soit environ 12 ans. Mais dans le cas d’espèces commerciales, comme le saumon, le temps de régénération est plus long et prendra même des décennies, dit Conover.
« Le message positif est que l'inversion est possible et qu’elle est assez rapide », explique Christian Jørgensen, un biologiste de l'évolution à l'Université de Bergen en Norvège. Mais Anna Kuparinen, scientifique à l'Université d'Helsinki, est plus réservée sur les conclusions d’une étude menée en laboratoire ; pour elle, il est difficile de dire avec certitude comment une population sauvage répond à des changements dans la capture des individus.
Source : AAAS
A ne pêcher que les gros, les individus ont tendance à « maturer » plus jeunes : Voir l'article dans Newscientist du 8 mai 2011 : Unnatural selection: Fish growing up fast
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30 décembre 2010
Remise en cause des modèles de gestion halieutique dans le monde des pêches
Pendant des décennies, la pêche dans le monde entier s’est appuyée sur des pratiques qui tiennent pour acquises certaines hypothèses sur l’activité, comme la protection des jeunes poissons et la capture exclusive des poissons plus âgés tout en utilisant les niveaux trophiques pour surveiller la santé de la pêcherie. Toutefois, certains scientifiques commencent à s'interroger sur ces pratiques qui font pourtant l'unanimité. Des experts pensent que la « science » halieutique appliquée à la pêche mondiale peut être complètement fausse.
Parmi les scientifiques remettant en cause la gestion halieutique, le professeur George Sugihara et son équipe de l’Institution Scripps d’Océanographie à l’Université de Californie San Diego critiquent depuis plusieurs années le modèle retenu, où les petits poissons sont protégés et les gros poissons sont capturés. Ils disent que ce système peut modifier la pyramide des âges au sein d'une pêcherie donnée, comme celle de colin, en supprimant principalement, les poissons plus âgés qui forment le sommet de la pyramide tout en gardant une large base avec des jeunes poissons de petite taille.
Pourquoi est-ce un problème? « Ce n'est pas les jeunes qui devraient être protégés, mais les poissons plus âgés », a déclaré Sugihara. « Non seulement les poissons les plus vieux fournissent de la stabilité à la population, mais ils fournissent une progéniture plus nombreuse et de meilleure qualité ».
Le danger, selon Sugihara, est que la gestion actuelle basée sur des objectifs de la biomasse optimale qui ignore la taille des poissons, présente des risques. Des risques qui peuvent déstabiliser l'ensemble de la population. Cette instabilité peut même affecter tout l'écosystème, augmentant les risques pour toutes les pêcheries écologiquement apparentées.
Une population de nombreux petits poissons pourrait exploser en nombre ou s’effondrer selon la disponibilité de nourriture. Au contraire un seul gros poisson grandira un peu quand il y aura beaucoup de nourriture, et perdra un peu de poids s’il n’y a pas assez de nourriture.
Son équipe a analysé cinquante années de données d’une étude réalisée par une pêcherie de sardines en Californie après son effondrement dans les années 1940.
Pour plus d’informations : Assumptions on Overfishing Challenged (IPS) et La pêche ne devrait s’intéresser qu’aux jeunes et petits poissons (Actualités news environnement)
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Le 20 septembre 2011
Protéger les femelles adultes pour reconstituer la ressource !
« Presque tous les poissons les plus gros, c’est-à-dire commercialisables, sont en train de disparaître », explique Carl Lundin, biologiste marin qui dirige le Programme mondial milieu marin de l’UICN. Or, il est important de préserver les femelles de grosse taille, en particulier pour la morue, car leur rôle est crucial pour reconstituer les stocks. Sources : ¿Por qué los peces se están volviendo más chicos? (BBC mundo) et Fish shrinkage probed in lab (BBC)
(*) UICN, Union internationale pour la conservation de la nature
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