Japon : les nouvelles technologies vont-elles sauver la pêche côtière ?

Japon : “Shinei Maru n°66”, le premier bateau de pêche à propulsion hybride

Motorisation : 1 moteur traditionnel de 650 ch + 1 moteur électrique de 150 ch
Pêche côtière : cabillaud, coquille Saint-Jacques, algues
Coût : 900 000 US$


Lisez ce très bon article (reportage) paru le 26 décembre 2008 dans le journal américain "International Herald Tribune" qui traduit bien les inquiétudes des pêcheurs côtiers japonais quant à leur avenir. A plusieurs milliers de km, beaucoup de pêcheurs français manifestent les mêmes préoccupations que ces pêcheurs artisanaux localisés dans le port d'Otoshibe à l'extrême Nord du Japon. La filière de la pêche japonaise navigue par temps de brume : Entre l'espoir des équipementiers pour développer de nouveaux marchés avec les nouvelles technologies et le doute des pêcheurs dont les captures sont concurrencées par les produits d'importation à bas coût et qui sont touchés par les modifications des habitudes alimentaires dans le pays.

Le Japon se tourne vers la technologie pour sauver la pêche

Otoshibe, Japon : Le “Shinei Maru n°66” ressemble aux autres bateaux de pêche accostés dans ce port japonais. Mais, ces constructeurs disent qu’il est le premier chalutier hybride dans le monde. En alternant gasoil et électrique, il consomme un tiers de carburant en moins qu’un bateau conventionnel. “C’est la Prius de la mer” dit Tadatoshi Ikeuchi, le patron-armateur du bateau.

Jusqu’à maintenant, les pêcheurs du monde entier ont travaillé sous le poids d’un prix du gasoil élevé. En Europe, les pêcheurs ont bloqué les ports cette année pour protester contre les prix et les taxes. Aux USA, le Gouverneur de l’Alaska, Sarah Palin, la prétendante du parti républicain au poste de vice-présidente, a demandé une diminution des taux d’intérêt pour l’achat de moteurs plus économes. Le Japon s’est plutôt tourné vers des solutions technologiques. En fait, le bateau à moteur hybride, qui est encore un prototype, fait partie des mesures gouvernementales portant sur plusieurs millions de dollars pour sauver la pêche et l’aider à surmonter le coût élevé du carburant, dont le prix va probablement repartir à la hausse une fois la récession mondiale terminée. Par ailleurs, les japonais testent des agro-carburants, des systèmes de propulsion électroniques et des lampes "basse consommation", éclairage utilisé pour attirer les calmars.

Nouvelles technologies pour le marché international

Le marché international est très porteur pour ce type de solutions. Beaucoup de moteurs japonais équipés d’ordinateurs à économie d’énergie sont déjà très populaires dans la pêche américaine. Et pour Yamaha, le fabricant japonais du moteur hybride appelé « Fish Eco », les USA et l’Europe représentent un marché potentiel important. Le ministre de l’agriculture et de la pêche japonais qui a appuyé le développement de nouvelles technologies, leur réservera une partie des 700 millions de us$ de subventions totales accordées à la pêche. Moderniser l’une des plus anciennes professions semble ici la réponse logique à la crise de la pêche. Mais, si le Japon a donné les "sushi" au monde ainsi que les voitures hybrides, les pêcheurs pensent que les efforts consentis ne sont pas suffisants pour relever le défit et briser le profond malaise qui affecte les communautés de pêcheurs comme celle d’Otoshibe au Nord du Japon.

Après avoir envoyé pendant des décennies des flottilles de pêche sur toutes les mers du monde, et avoir acheté au prix fort sur le marché international le thon et les autres poisons de qualité pour les sashimis, le Japon semble, pour beaucoup d’observateurs, abandonner son secteur de la pêche. Le nombre de pêcheurs a chuté de 27% au cours des dix dernières années, pour atteindre le chiffre de 204 330 en 2007. La fédération nationale des associations de coopératives de pêcheurs qui représente la profession, explique que cette baisse est due à la diminution du taux de natalité et au départ des jeunes en ville.

Déclin de la pêche côtière et concurrence des importations

La fédération avertit que la crise du carburant pourrait pousser 25 000 à 45 000 pêcheurs supplémentaires à raccrocher leurs filets. Avant la baisse récente des prix, le gasoil du bateau représentait environ 20 à 30 pour cent des dépenses totales d'un pêcheur au Japon, presque le double d’il y a trois ans. Ils ne peuvent pas répercuter l'augmentation sur les prix de vente à la consommation de crainte de perdre le marché au profit des produits d'importation meilleur marché des concurrents asiatiques, comme la Chine et le Viêt-Nam. Ils craignent aussi que des prix plus hauts amplifient le changement des habitudes alimentaires du grand public japonais qui s’éloigne du régime traditionnel à base de produits de la mer - une tendance connue sous le nom de "sakana banare," ou le vol du poisson. "Des prix plus élevés du poisson encourageront plutôt les japonais à manger plus de hamburgers et de poulets frits," dit Nobuhiro Nagaya, le directeur général de la fédération des coopératives. Les pêcheurs américains font le même constat. Ils disent ne pas pouvoir augmenter les prix parce que les consommateurs peuvent facilement passer au poulet meilleur marché, au porc et au boeuf. Nagaya et d'autres admettent ici que leurs craintes peuvent sembler exagérer aux yeux des américains, considérant que le japonais mange encore 94 g de poisson par jour, 5 fois plus que la consommation moyenne d’un américain.

La technologie ne peut être la seule réponse

Le sentiment quant à l'avenir incertain de la pêche est partagé par les fonctionnaires du ministère de la pêche et de l'agriculture. Les grands projets font partie du passé, il faut se fixer des objectifs beaucoup plus modestes aujourd'hui à un moment où les budgets sont serrés et la croissance économique limitée. "La Technologie ne peut pas être la seule réponse," dit Kazuo Hiraishi, un adjoint au chef du département de la recherche de technologie maritime du ministère. "Mais l'excellence du Japon dans l'électronique et les économies d'énergie devrait aider un peu nos pêcheurs."
Tandis que les pêcheurs des pays comme la France, l'Espagne et l'Irlande ont organisé des manifestations plutôt musclées, les protestations au Japon ont été plus calmes, quoique toujours importantes. L'été dernier environ 200 000 bateaux de pêche sont restés à quai et des milliers de pêcheurs se sont réunis pour un rassemblement pacifique à Tokyo. Le gouvernement a répondu deux semaines plus tard par un "paquet" d'aides de 700 millions de $ qui servira principalement à payer les surcoûts du carburant depuis décembre 2007, mais uniquement aux pêcheurs qui auront trouvé des moyens pour réduire leur consommation.
Les subventions aideront aussi les pêcheurs à acheter des moteurs plus économiques, comme l'hybride. Une subvention de 250 000 $ du gouvernement, permet par exemple à Ikeuchi, le capitaine du bateau hybride, de débourser seulement 650 000 $ pour l’achat de son chalutier, le même montant qu'un bateau conventionnel. Ikeuchi dit que sa consommation de carburant a baissé de près de 75 gallons par jour (280 litres), réduisant sa facture quotidienne de 100 $. Le système de propulsion alterne entre un moteur puissant de 650 ch, en tant que moteur principal, et un moteur électrique de 150 ch utilisé quand le bateau se déplace lentement. Ikeuchi pêche les coquilles Saint-Jacques, le cabillaud du Pacifique et le varech. La seule différence visible avec les autres bateaux dans ce petit port d'Otoshibe, est son tableau de bord en plastique, avec de petits écrans de contrôle, dans un métier fait traditionnellement surtout de bois et d'acier.
Cependant, beaucoup de pêcheurs qui se sont approchés pour jeter un coup d'oeil au bateau, doutent qu'il soit suffisant pour sauver leur activité.
Martin Fackler

Source : International Herald Tribune
Crédit photographique : Ayumi Nakanishi for The New York Times

Revue de presse :

Le 17 août 2010

Deux bateaux de pêche se convertissent à l'huile (Sud-Ouest)

Le « Lapurdi » et le « Nahikari » naviguent désormais avec de l'huile végétale comme carburant. L'expérimentation de cette énergie durera 2 ans. Le « Lapurdi » et le « Nahikari » ont fait vendredi le plein devant une toute nouvelle pompe, installée le matin même sur le quai, à proximité de la criée de Ciboure. Dans cette cuve de 7 600 litres, un carburant particulier : l'huile végétale pure (HVP). Elle venait d'être approvisionnée par la vingtaine d'agriculteurs locaux qui ont réservé en tout 76 hectares à la culture du tournesol. Ce rapprochement entre le monde de l'agriculture et celui de la pêche est une étape majeure du projet judicieusement intitulé « Itsasoa » (Itinéraire technique de substitution agricole pour la sauvegarde de l'océan par l'artisanat). L'expérimentation est placée sous l'égide du ministère de l'Agriculture et de la Pêche, qui participe à son financement, et bénéficie également de fonds européens. L'enveloppe totale est de 570 000 euros. Localement, elle réunit l'association de pêcheurs Irsas Gazteria, la coopérative agricole Nouste Ekilili, la coopérative La Basquaise, la Scop atelier Lan Berri et le comité local des pêches….

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