L'anguille européenne : migrer ou ne pas migrer en eau douce ?

La biologie et l’écologie de l’anguille européenne n’ont pas fini de nous étonner. Ainsi au stade civelle, certains individus remontent les estuaires pour croître dans les rivières alors que d’autres effectuent tout leur cycle en mer. A Bordeaux, les chercheurs se sont penchés sur l’origine de cette divergence de comportements migratoires. Et si tout n’était qu’une question de réserve énergétique et de comportement alimentaire ?


Surpêche, pollution, aménagement des rivières, changement global etc. menacent de nombreux poissons migrateurs. Parmi les espèces en danger, on peut citer l’anguille européenne dont le stock d’individus aurait diminué d’un facteur 10 au cours des deux dernières décennies. Pour sauver l’espèce, l’urgence passe par une meilleure gestion des populations soumises aux pressions du milieu. Mais cela suppose en amont de bien connaître la biologie et l’écologie de l’espèce. L’exercice est complexe, car le cycle de vie de l’anguille européenne présente encore de nombreuses inconnues. Ainsi, l’espèce a longtemps été considérée comme un poisson migrateur qui se reproduit en mer et croît en rivière. Or, des études réalisées au cours de la dernière décennie ont révélé que certains individus ne réalisent pas leur croissance en eau douce. Des divergences migratoires existeraient au stade civelle. A Bordeaux et Saint-Pée-sur-Nivelle, dans le cadre d’une thèse co-encadrée par le Cemagref et l’INRA, Sarah Bureau du Colombier s’est penchée sur l’origine des différents patrons de migration des civelles d’anguilles européennes.

Trier les migrants et les sédentaires

Quelles caractéristiques morphologiques permettent de différencier une civelle sédentaire d’une civelle migratrice dans le milieu naturel ? La réponse à ce jour est « aucune ». Pour trier les individus en fonction de leur propension à migrer, la jeune doctorante a eu recours à des études comportementales. Pour remonter les estuaires, les civelles migratrices utilisent le courant de la marée montante. La lumière inhibant la migration, elles se déplacent de préférence à l’obscurité donc surtout de nuit.. En reproduisant en conditions expérimentales les deux principaux stimuli de la migration, il est alors possible de distinguer des individus très mobiles (forte propension à migrer) de ceux plus passifs, enfouis dans le gravier (faible propension à migrer). Les centaines de civelles suivies au cours des travaux ont été capturées en entrée d’estuaire ou au milieu de l’estuaire de l’Adour.

Une question de seuil d’énergie individuel

Lorsqu’elles remontent l’estuaire de l’Adour, les jeunes civelles cessent plus ou moins totalement de s’alimenter. Il s’agit d’un vrai « parcours du combattant » qui suppose de bonnes réserves énergétiques dés l’embouchure de l’estuaire puis une rapide reprise d’alimentation une fois la rivière atteinte. Pour vérifier ces hypothèses, la jeune scientifique a comparé le statut énergétique des deux catégories de civelles ainsi que leur capacité de reprise de l’alimentation. En milieu d’estuaire, les civelles ayant une forte propension à la migration semblent mieux armées du point de vue énergétique pour conquérir les eaux douces et y poursuivre leur croissance. En entrée d’estuaire les différences ne sont pas significatives. Ce résultat va dans le sens de l’existence d’un seuil d’énergie individuel déterminant si l’individu poursuivra ou non sa migration. Par ailleurs, les résultats ont également soulignés de plus fortes dépenses d’énergie et une reprise d’alimentation plus lente et/ou plus faible chez les civelles sédentaires.

L’ensemble de ces données a ensuite permis d’alimenter un modèle de migration estuarienne qui permettra à terme de simuler le comportement migratoire des populations de civelles en fonction de différents paramètres, dont certains liés au changement global du climat.

Un cycle de vie complexe

L’anguille européenne se reproduit près des côtes nord-américaines dans la mer des Sargasses. Les jeunes larves dénommées leptocéphales traversent l’océan Atlantique grâce aux courants marins. A proximité des côtes européennes et nord-africaines, elles se métamorphosent en civelles (jeunes anguilles jaunes). Les individus se sédentarisent alors, en zone côtière ou estuarienne, ou remontent les cours d’eau. C’est après s’être métamorphosés en anguilles argentées que les adultes entreprennent leur migration de reproduction …vers la mer des Sargasses.

Source : Cemagref  Crédit photographique : M.-L. Acola

Pour aller plus loin....
France Inter. Une bonne émission sur l'anguille...

Fabienne Chauvière accueille Eric Feunteun

France Inter. Les savanturiers

Emission du samedi 26 janvier 2013

Pour (ré)écouter cliquer Anguille

Eric Feunteun, écologue marin

Auteur : Le rêve de l'anguille : une sentinelle en danger : petite encyclopédie sur un poisson extraordinaire / Editeur : Buchet Chastel / Parution : 2012

L’anguille est un animal fabuleux. Ce poisson migrateur passe une grande partie de sa vie dans les eaux douces des rivières, mais pour se reproduire, elle a besoin de la mer tropicale.

Aujourd’hui encore, un grand mystère entoure la naissance des anguilles. Personne n’a jamais réussi à observer des adultes pondre… (Elles ne le font qu’une fois dans leur vie), et personne n’a jamais vu d’œuf fécondé… Les chercheurs ont  une piste : des larves âgées de quelques jours ont pu être capturées, dans la mer des Sargasses, du côté du triangle des Bermudes dans les années 20. Depuis, rien. 

On peut donc imaginer que la vie mystérieuse des anguilles européennes a aiguisé la curiosité de plus d’un scientifique.

Eric Feunteun, Professeur d'écologie marine

Eric Feunten est un de ces chercheurs. Eric Feunten est un des spécialistes mondiaux des anguilles. Il est actuellement sur la piste de leur migration…

Professeur d’écologie marine, Eric Feunten est chercheur au Muséum National d’Histoire Naturelle, et directeur de la station marine de Dinard.

Professeur d’écologie marine au Muséum national d’histoire naturelle, Eric Feunteun se passionne pour les anguilles, ces animaux magiques présents sur notre planète depuis trente millions d’années mais actuellement en voie de disparition. Auteur de nombreux ouvrages ou articles de référence sur la biologie des poissons migrateurs, il développe également des enseignements universitaires sur l’analyse de la biodiversité marine et sous-marine. Directeur de la station de Dinard au Centre de Recherches et d’enseignement sur les systèmes côtiers (CRESCO), il est également président du conseil scientifique de l’Agence des aires marines protégées. Eric Feunten est considéré comme l’un des plus grands spécialistes mondiaux des anguilles, dont il défend la survie en tant que patrimoine européen en déclin. Sa mission, sauvegarder ces animaux légendaires qui, pour se reproduire, effectuent un fabuleux voyage de 6 000 km à travers l'océan Atlantique, jusqu'à la mer des Sargasses où ces grands migrateurs vont achever leur vie.

Bibliographie :

    2008 : L’anguille européenne  - Indicateurs d’abondance et de colonisation (ouvrage collectif)
    2011 : Les poissons d’eau douce de France (ouvrage collectif)
    2012 : Le rêve de l’anguille

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Revue de presse

17 janvier 2010 :

Une équipe de chercheurs de l'Institut de Recherche Océanique de l'université de Tokyo propose une explication aux grandes migrations qu'effectuent les anguilles d'eau douce au moment de se reproduire. Il s'agirait d'un comportement hérité d'un ancêtre qui aurait vécu en milieu marin.
 
Le nom "anguille" désigne en français plusieurs espèces de poissons au corps très allongé appartenant au genre Anguilla. Il s'agit de poissons catadromes, ce qui signifie qu'ils passent la plus grande partie de leur vie en eau douce, mais parcourent jusqu'à plusieurs milliers de kilomètres pour rejoindre leur frayère (lieu de reproduction), qui se situe dans l'océan. Jusqu'à présent, la raison de ce comportement était restée très mystérieuse.
 
Les chercheurs ont obtenu les séquences des génomes mitochondriaux [1] de 56 espèces appartenant à l'ordre des Anguilliformes, qui comprend les anguilles, mais également les congres, les murènes...

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Le 10 septembre 2011

Retour de l'anguille américaine dans le Saint-Laurent ?

Autrefois présente en abondance dans le Saint-Laurent, l'anguille d'Amérique est aujourd'hui considérée comme une espèce vulnérable. Moins cependant qu'il y a une vingtaine d'années, et c'est notamment grâce aux données qui sont recueillies à Cap-Santé, dans Portneuf, qu'il est possible de confirmer son retour graduel dans le fleuve.

Si l'endroit constituait jadis un lieu de prédilection pour la pêche à l'anguille, il représente, depuis deux ans, «le baromètre qui permet de mesurer les impacts et les effets de ce qui se fait un peu partout pour favoriser l'augmentation du nombre d'individus dans le Saint-Laurent».

Biologiste au ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF), Guy Verreault a pour mandat d'estimer, avec la complicité du technicien de la faune Jean-Guy Frenette, la quantité d'anguilles qui passent devant Québec chaque année.

«Cap-Santé se situe avant l'estuaire et avant les premières pêcheries; c'est donc le site idéal pour réaliser cet exercice, un exercice d'importance, car on sait qu'en 20 ans à peine, entre le début des années 80 et la fin des années 90, on a observé une baisse des stocks de 99 % dans le fleuve», explique le spécialiste, qui évalue qu'au moment où les anguilles migrent vers l'océan, en septembre et en octobre, il y en aurait 200 000 qui traverseraient le secteur.

Parmi les facteurs qui ont participé à la baisse dramatique de la population, on note la présence de barrages - responsables de la diminution de l'aire de distribution de l'espèce et de la hausse de la mortalité en raison du passage du poisson dans les turbines -, la pêche commerciale et la détérioration de la qualité de l'eau.

Amélioration significative

L'aménagement de passes migratoires et le programme de rachat, sur une base volontaire, des engins et des droits des pêcheurs d'anguilles par le MRNF en 2009 comptent toutefois au nombre des mesures qui ont permis d'améliorer la situation de manière significative.

«Le taux d'exploitation est passé de 20 % à 11 % à l'échelle de toutes les pêcheries de l'estuaire, ce qui contribue pour une bonne part au rétablissement de la population. Il faut par ailleurs savoir que l'anguille nous prémunit contre certaines espèces exotiques envahissantes, car elle agit comme chien de garde des systèmes aquatiques», rapporte Guy Verreault.

En 1996 et en 1997, une étude semblable - qui sert actuellement de base de référence - avait aussi été menée à Cap-Santé. «Cet exercice nous permet non seulement de mieux comprendre l'écologie de ce poisson mystérieux, mais également de changer le cours des choses», termine le biologiste.

L'anguille d'Amérique est une espèce répandue dans les estuaires, les ruisseaux, les rivières, les étangs et les lacs; il s'agit en fait du poisson dont l'aire de répartition est la plus étendue le long de la côte atlantique. C'est un poisson catadrome, c'est-à-dire qu'il croît en eau douce, mais retourne vers la mer pour se reproduire. Au fil de son processus de maturation - qui dure de 8 à 23 ans - l'anguille, d'abord jaune, adopte une couleur argentée. Dans les années 60, cette espèce a fait l'objet de la plus importante pêche commerciale entre Trois-Rivières et Cap-Chat. Source : Québec : L'anguille à l'étude à Cap-Santé (Cyberpresse)

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Mars 2011

La géomatique au secours de l'anguille d'Amérique

La population des anguilles d'Amérique a diminué de façon importante au Canada et aux Etats-Unis au cours des 30 dernières années, particulièrement dans les Grands Lacs et le bassin du Saint-Laurent, secteur où les pêcheurs d'anguille ont été confrontés à un déclin important de leurs captures.


Pour déterminer la cause de ce déclin et les moyens à mettre en place pour redresser la situation, les chercheurs se sont tournés vers la géomatique et les données du Réseau hydro national de GéoBase.

Les travaux les plus récents indiquent que la pêche, les contaminants et les barrages seraient les principaux facteurs qui, lorsqu'ils sont combinés, auraient entraîné la diminution du nombre d'anguilles reproductrices. Les barrages et autres obstacles érigés sur les cours d'eau constituent donc une menace à la remontée des jeunes anguilles puisqu'ils réduisent ou bloquent l'accès aux sites de croissance situés en amont. Les turbines des barrages, quant à elles, causent la perte d'un nombre important d'anguilles matures qui entreprennent leur migration vers les sites de reproduction dans l'Atlantique.

Pêches et Océans Canada, en collaboration avec le ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec et le ministère des Richesses naturelles de l'Ontario, a développé un système d'aide à la décision géographique (SADG) qui permet d'évaluer les sites où l'anguille n'a plus un libre accès à son habitat naturel et de déterminer les endroits où des passes migratoires devraient être installées pour faciliter le passage du poisson et favoriser le rétablissement de l'espèce. Pour plus d'informations : BE USA

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Le 12 octobre 2011

Loire : Effondrement des populations d’anguille

Explications…

Yannick Perraud, pêcheur professionnel de la Meilleraie, fournisseur de nombreux restaurateurs de la région
Yannick Perraud a expliqué ses installations de travail : sa barge fixe, une « toue cabanée » lestée d'une ancre de 1 200 kg et le maniement du « guideau », ce filet qu'il faut descendre et relever au treuil, dans le plus fort courant de la Loire. Il a évoqué aussi ses travaux de collaboration avec l'Ifremer, l'Inra, les préfectures et les professionnels de la pêche, dans le cadre des « pêches scientifiques ».

En vingt-trois années d'exercice professionnel, l'environnement et les conditions de travail de Yannick Perraud ont énormément changé. Si la pêche d'espèces abondantes comme l'alose ou la lamproie est plutôt florissante aujourd'hui, celle de l'anguille est « très menacée ». « Le nombre des pêcheurs professionnels s'est effondré. Et nous n'avons pêché que quinze tonnes d'anguilles d'avalaison, à dix bateaux, en 2010, contre quarante tonnes en 2000 », constate Yannick Perraud.

De nombreuses raisons expliquent l'effondrement des populations d'anguilles. « Depuis 1970, c'est 40 % de pluviométrie en moins et un réchauffement moyen de 2° des eaux de la Loire, explique le pêcheur. C'est aussi le Gulf Stream, dont le volume de courant a diminué d'un tiers à cause du réchauffement climatique, restreignant du même coup la rapidité de transport des civelles. C'est encore le corbicule, un coquillage filtreur importé d'Asie qui éclaircit trop les eaux. Ce sont enfin les oestrogènes rejetés en Loire qui conduisent à l'infertilité et à la diminution de la densité des mâles... » Source : Pays de Loire : L'anguille, un poisson « très menacé », regrette le pêcheur (Ouest France)

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Le 17 mars 2012

Marais de Brouage : Pibales de la reconquête (Sud Ouest)


Première dans la région. Les alevins d'anguilles capturés par les pêcheurs sont rendus à leur milieu
Dans les brumes du marais de Brouage, hier, les premières remises à l'eau de civelles....

La tortue cistude, le héron argenté, les grenouilles et libellules élégantes, ainsi que quelques vaches maraîchines entrées en résistance contre l'élevage intensif, partagent désormais les vastes étendues humides du marais de Brouage avec de nouveaux locataires.

Ils sont très précisément 837 000 à avoir pris leurs quartiers dans les canaux et fossés, entre la tour de Broue et l'écluse de Beaugeay. 270 kilos de civelles (1) qui, hier et aujourd'hui, sont déversés en 90 points disséminés sur les communes de Saint-Sornin, Saint-Jean-d'Angle, La Gripperie-Saint-Symphorien et Saint-Agnant. Avec l'accord du syndicat gestionnaire des ouvrages hydrauliques de ce marais.

837 000 civelles

C'est la première fois, depuis qu'en 2009 l'Union européenne et les États membres ont arrêté les mesures de restauration de l'espèce dans des plans de sauvegarde, que des alevins d'anguilles sont rendus à la nature en Poitou-Charentes.

Huit autres opérations identiques sont programmées cette année en France, notamment en Aquitaine. Jamais jusqu'alors la démarche n'avait atteint un tel seuil.

On parle de 3,4 t au total. Des lâchers d'un coût de 400 euros le kilo de civelles achetées au mareyage. Près de 110.000 euros, en l'occurrence, financés à 96 % par l'État, 2 % par l'Association pour le repeuplement de l'anguille et 2 % par le Comité régional des pêches maritimes de Poitou-Charentes.

Les contingences sanitaires qui avaient conduit, l'année dernière, à ajourner la réintroduction en Charente-Maritime, ont été levées cette année.

Marquées, puis libérées

Les analyses ont confirmé la bonne qualité environnementale des eaux du « parc d'hébergement » où les civelles grandiront dix ans, avant de rejoindre le grand large pour s'y reproduire. Ces études ont aussi conclu à l'absence de virus et de parasites dans le lot retenu pour y être introduit.

Voyants au vert, et des bébêtes qui attendaient sagement à Semussac, dans les viviers de la SAS Anguilla. Avant le grand jour et pour les besoins du suivi scientifique de l'opération, 30 % de ces civelles ont eu droit à un bain prolongé de trois heures dans une solution d'alizarine, un colorant qui dépose un pigment rouge sur leur tête. Dans six mois, puis un an et trois ans, un technicien du Creea (2), le centre technique qui réalise aussi la mise à l'eau, reconnaîtra les siennes lorsqu'il effectuera ses contrôles de croissance. Pour augmenter les chances de réussite de cette démarche pour laquelle il n'existe pas encore le recul d'années d'expérience, les civelles sont relâchées à proximité des eaux de la Charente et de la Seudre, où les ont pêchées une cinquantaine de civeliers professionnels.

Jérémy Souben, chargé de mission de l'Association pour le repeuplement de l'anguille en France, et Cédric Hennache, du Creea, pilotaient la remise à l'eau.

Une joie pour le vice-président du Comité régional des pêches, le Royannais Éric Blanc : « C'est un moment important, parce que c'est la seule solution pour prouver au gouvernement français et à l'Europe que nous, marins, sommes capables de gérer une pêcherie. Avec ce repeuplement, on peut encore assurer un avenir à notre métier. »

(1) Entre 3.000 et 3.100 civelles par kilo. (2) Le Centre régional d'expérimentation et d'application aquacole du Château-d'Oléron.

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Le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) et le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ), annoncent des mesures visant à contrer la diminution des stocks d'anguille d'Amérique du fleuve Saint-Laurent et à atténuer les inconvénients pour les pêcheurs touchés.

Le gouvernement poursuivra les mesures destinées à assurer la durabilité des stocks d'anguille mises de l'avant en 2008 et 2009. Un nouveau programme de retrait volontaire d'autorisations de pêche commerciale visant l'anguille d'Amérique est mis en place pour 2012. Cette initiative vise à réduire de 50 % le taux de mortalité des anguilles par la pêche commerciale dans les zones du lac Saint-François, Lavaltrie, Saint-Sulpice et Contrecoeur ainsi que pour la rivière des Outaouais.

Selon le MRNF, une réduction de la mortalité des anguilles dans les secteurs de croissance permettra une augmentation du nombre d'individus matures migrant vers les lieux de reproduction. Ainsi, la mesure retenue vise non seulement la conservation, mais aussi la restauration de la ressource.

Le MAPAQ rappelle aux pêcheurs commerciaux qui désirent abandonner la pêche commerciale à l'anguille à l'aide de lignes dormantes, verveux et cages, qu'ils bénéficieront, tout comme ceux qui ont été touchés par des mesures similaires en 2009, d'un appui financier en vertu du nouveau programme de retrait volontaire. Les interventions du gouvernement du Québec au cours des trois dernières années visent essentiellement à assurer la pérennité de l'anguille d'Amérique pour les générations futures.

Ce nouveau programme s'ajoute à plusieurs moyens mis en œuvre au cours de la dernière décennie pour tenter d'inverser le processus de déclin de l'anguille d'Amérique observé dans le fleuve Saint-Laurent et la rivière Richelieu. Par ailleurs, le gouvernement poursuit sa réflexion quant au déploiement d'autres mesures pouvant être appliquées ailleurs.

Mentionnons qu'on observe depuis plusieurs années un déclin majeur de l'anguille d'Amérique dans la portion supérieure du fleuve Saint-Laurent (Haut-Saint-Laurent et lac Ontario). L'espèce a été désignée menacée par le Comité sur la situation des espèces en péril du Canada (COSEPAC) en mai 2012, elle est protégée en vertu de la Loi sur les espèces en voie de disparition de l'Ontario depuis le 1er juillet 2008 et elle est inscrite sur la liste des espèces fauniques susceptibles d'être désignées menacées ou vulnérables du Québec, élaborée en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables.
Source: MRNF

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Le 14 novembre 2012

Civelles : quota en baisse

Source : Media-web

La campagne de pêche qui doit démarrer le premier décembre en Loire Atlantique est marquée en France par une diminution des quotas autorisés.

34 t contre 37 l’an passé, c’est le résultat des négociations qui se sont déroulées en juin dernier entre le Comité National des Pêches Maritimes et des Élevages Marins (CNPMEM), le Comité National de la pêche professionnelle en eau douce (CONAPPED), le WWF d’une part et d’autre part avec le Ministre de l’environnement, Delphine Batho et le Ministre délégué en charge de la pêche, Frédéric Cuvillier.

Cette diminution du quota engendre des interrogations et des inquiétudes  chez les pêcheurs professionnels.En effet, depuis la saison 2009-2010, un plan de gestion de la ressource a été mis en place (plan de gestion anguille ou PGA), approuvé par la Commission européenne. Il prévoit une réduction de la mortalité par pêche de 30 % pour les anguilles et de 40 % pour les civelles d'ici 2015.
« Ces objectifs bien qu’atteints, voire même dépassés, n’ont pas suffi à convaincre la ministre de tous les efforts entrepris depuis plusieurs années »  a déclaré Gérard Romiti, le président du Comité national des pêches. Soulagé quand même, car, la profession a évité de tomber sous le couperet d’un moratoire.

52 % du quota des captures pour le 44

Surnommé l’or blanc ou l’or gris, la civelle ou pibale pullulait en Loire et sa pêche n’a dérangé personne jusque dans les années soixante-dix, car, l’anguille était considérée comme un nuisible.

Le marché s’est peu à peu ouvert et une activité plus professionnelle a vu le jour, les quantités énormes, qualifiées aujourd’hui de surpêche jusqu’à 4 000 tonnes par saison à la fin des années soixante-dix se sont réduites comme une peau de chagrin à 110 t en 2010.

Évidemment, le prix de vente a flambé jusqu’à un record de 1 000 euros le kilo, le prix moyen aujourd’hui varie de 150 à 200 euros.

Mais le marché a l’export est en pleine progression dans les pays asiatiques, en effet, il est impossible de faire de reproduire de l’anguille en captivité. Comme elle est fort appréciée, notamment au Japon à Taïwan ou en Corée du Sud, la  solution passe par des civelles d’importations qui sont élevées en Chine. On comprend mieux le désarroi des civelliers qui s’étaient vu interdire cette part du marché à l’export en janvier 2011, bloquant par exemple le port de Saint-Nazaire lors d’un mouvement national. Cliquer Ici

Préserver la ressource

Bien évidemment, il est impossible de savoir combien de centaines de kg d’alevins sont puisés chaque année. Une pêche estimée en 2008 en Loire de 100 à 200 kg par saison et par pêcheur professionnel, soit 5 à 10 kg par marée.

Question essentielle, la préservation de la ressource, certes. Puisqu’il faut près de 3 000 civelles pour un kg de marchandise. Certes, cela fait autant d’anguilles qui ne connaîtront jamais la joie de la reproduction dans la mer des Sargasses. Il faut peut-être imaginer d’autres causes à la disparition de l’espèce et que l’on arrête de montrer du doigt les pêcheurs professionnels, en diminution, aujourd’hui, ils sont 150 entre les fluviaux et les maritimes dans le département.
L’anguille, l’un des poissons les plus communs dans les années soixante-dix est devenue une espèce en quasi voie d’extinction, elle est classée comme vulnérable par l’Union Européenne. On peut avancer plusieurs autres explications à sa disparition. Elles sont cumulables.

On l’a vu la surpêche des années soixante-dix, mais, elle a fait l’objet d’une sévère réglementation.
La Loire qui a vu en cours des années sa morphologie se transformer avec des dragages intensifs, l’eau douce arrive plus vite dans l’estuaire, même chose pour les lâchers d’eau des barrages hydrauliques,  de plus non équipés de passe à poissons, la pollution des eaux, mais aussi la diminution des zones humides, l’arrivée d’espèces parasites et enfin le braconnage (une civelle sur dix serait pêchée illégalement).
Ce dernier facteur paraît des plus difficiles à cerner, sans doute, un vrai fléau, une économie parallèle alimentée par des viviers clandestins, des réseaux, sans oublier des acheteurs qui ferment les yeux sur les provenances et la probité des revendeurs sans licence.

D’autres revendications

Les quotas sont donc en légère baisse pour la nouvelle saison qui a débuté par une première manifestation-grogne des civelliers dans le Sud de la France au début du mois. Une nouvelle réunion doit faire débattre d’autres dossiers concernant la préservation de la ressource et la protection des professionnels. « Le gel des contraintes imposées à la profession en attente de l'atteinte des objectifs 2012 fixés pour les autres sources de mortalité de l'anguille, la réalisation d'un bilan de la mise en œuvre des Plans de gestion anguille au regard du repeuplement des autres États membres et la révision de l'approche de restauration de l'espèce vers une approche écosystémique ».

Le communiqué officiel

« L'anguille est une espèce sensible, soumise à un plan de reconstitution au niveau européen, et à un plan de gestion au niveau national, et nécessite des mesures de gestion adéquates. Ces mesures de gestion portent sur la réduction de la mortalité par pêche, mais aussi sur les autres causes de mortalité de l'anguille : restauration de la continuité écologique et reconquête de la qualité des zones humides et plus généralement des milieux aquatiques.

Le point d'étape de la mise en œuvre du plan de gestion de l'anguille effectué en juin 2012, et transmis à la Commission Européenne, a permis de mettre en évidence des pistes de progrès. Une révision de ce plan de gestion pourrait être envisagée. Les évolutions qu'il faudrait apporter, tout en confirmant le principe d'encadrement de la pêche professionnelle, devront notamment permettre d'améliorer les connaissances sur cette espèce et de renforcer les actions sur les autres causes de mortalité de l'anguille ».

Sources :



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Le 26 janvier 2013

France Inter. Une bonne émission sur l'anguille...

Fabienne Chauvière accueille Eric Feunteun

France Inter. Les savanturiers

Emission du samedi 26 janvier 2013

Pour (ré)écouter cliquer Anguille

Eric Feunteun, écologue marin

Auteur : Le rêve de l'anguille : une sentinelle en danger : petite encyclopédie sur un poisson extraordinaire / Editeur : Buchet Chastel / Parution : 2012

L’anguille est un animal fabuleux. Ce poisson migrateur passe une grande partie de sa vie dans les eaux douces des rivières, mais pour se reproduire, elle a besoin de la mer tropicale.

Aujourd’hui encore, un grand mystère entoure la naissance des anguilles. Personne n’a jamais réussi à observer des adultes pondre… (Elles ne le font qu’une fois dans leur vie), et personne n’a jamais vu d’œuf fécondé… Les chercheurs ont  une piste : des larves âgées de quelques jours ont pu être capturées, dans la mer des Sargasses, du côté du triangle des Bermudes dans les années 20. Depuis, rien. 

On peut donc imaginer que la vie mystérieuse des anguilles européennes a aiguisé la curiosité de plus d’un scientifique.

Eric Feunteun, Professeur d'écologie marine

Eric Feunten est un de ces chercheurs. Eric Feunten est un des spécialistes mondiaux des anguilles. Il est actuellement sur la piste de leur migration…

Professeur d’écologie marine, Eric Feunten est chercheur au Muséum National d’Histoire Naturelle, et directeur de la station marine de Dinard.

Professeur d’écologie marine au Muséum national d’histoire naturelle, Eric Feunteun se passionne pour les anguilles, ces animaux magiques présents sur notre planète depuis trente millions d’années mais actuellement en voie de disparition. Auteur de nombreux ouvrages ou articles de référence sur la biologie des poissons migrateurs, il développe également des enseignements universitaires sur l’analyse de la biodiversité marine et sous-marine. Directeur de la station de Dinard au Centre de Recherches et d’enseignement sur les systèmes côtiers (CRESCO), il est également président du conseil scientifique de l’Agence des aires marines protégées. Eric Feunten est considéré comme l’un des plus grands spécialistes mondiaux des anguilles, dont il défend la survie en tant que patrimoine européen en déclin. Sa mission, sauvegarder ces animaux légendaires qui, pour se reproduire, effectuent un fabuleux voyage de 6 000 km à travers l'océan Atlantique, jusqu'à la mer des Sargasses où ces grands migrateurs vont achever leur vie.

Bibliographie :

    2008 : L’anguille européenne  - Indicateurs d’abondance et de colonisation (ouvrage collectif)
    2011 : Les poissons d’eau douce de France (ouvrage collectif)
    2012 : Le rêve de l’anguille

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5 mai 2013

À Madagascar, une pêche au bichique plutôt physique


Source : Clicanoo par Sébastien Gignoux (texte et photo)

Dans la Grande-Île aussi, on apprécie les précieux alevins à leur juste valeur. Mais aux embouchures des grands fleuves de l’est, la technique de pêche au bichique est bien différente de celle des Réunionnais...

Cinq heures, le soleil se lève sur la côte sud-est malgache un matin de février. Un étrange manège débute à l’embouchure du fleuve Mananjary, large de près d’un kilomètre. Deux par deux, des femmes descendent par dizaines le long de la berge, là où l’eau douce et l’eau de mer se mélangent. À la main, elles tiennent un long filet à maille très fine. Au passant curieux, les habitants du coin expliquent que ces drôles de pêcheuses font la chasse au "bichique". Pour le touriste réunionnais, l’analogie est saisissante. Là où nos pêcheurs péi utilisent des canaux de galets et des vouves en osier, ces femmes pêchent directement au filet, avec de l’eau jusqu’à la poitrine.

La technique consiste, à deux, à tenir de chaque côté un filet de 4 m de long sur 2 m de large. À chaque coin, des anses en raphia permettent de tenir le filet, par une main et par un pied, de manière à ce que le filet soit bien tendu, du fond de l’eau à la surface.

Battues par les vagues, ces femmes luttent pour rester debout et retenir leurs filets s’y reprennent à plusieurs fois pour ramener quelques kilos du précieux alevin. Car comme à La Réunion, le bichique malgache est un met de choix, qui demande qu’on y mette le prix.

Antoinette est l’une de ces négociantes en bichique, depuis plus de vingt ans. Chaque matin, avec son 4x4, elle dépose ses employées avec des balances. À peine sorties de l’eau, les pêcheuses viennent faire peser leur capture et la vendre. "On les leur achète environ 6 000 ariary(2 euros) le kilo, pour ensuite les congeler et les envoyer sur Antananarivo par taxi-brousse où, après 15 à 20 heures de voyage, les bichiques seront revendus dans les 12 000 ariary(4 euros/kg) à des grandes surfaces ou des restaurants", explique Antoinette, fière de fournir de l’activité à plusieurs villages de pêcheurs 15 kilomètres à la ronde. "Ce sont essentiellement les femmes qui pêchent le bichique, les hommes vont plutôt en mer sur des barques. Elles sont très courageuses car c’est une pêche fatigante, il faut résister à la puissance du fleuve et celle de l’océan, la technique est très physique. Mais elles sont fières de ce qu’elle font", poursuit la marchande.

Cette pêche au "gros bichique" a lieu de février à mai à chaque année. Mais l’activité ne cesse pas pour autant le reste de l’année. La généreuse nature malgache donne d’autres sortes d’alevins à prélever. De juillet à octobre, ce sont les "petits bichiques". Puis, d’octobre à février, la très rémunératrice pêche à la civelle. Mais pour y assister, c’est la nuit qu’il faut venir. D’autant plus difficile, et donc plus cher. Le kilo de civelle se négocie environ 40 000 ariary du kilo (14 euros environ) au sortir de l’eau. Des prix qui restent malgré tout très en-deça de ceux pratiqués à La Réunion, où le bichique se vend parfois jusqu’à 40 euros le kilo à l’étal.

Jusqu’à présent, cette typique pêche malgache demeure artisanale, et heureusement. Car tous les bichiques qui ne sont pas attrapés sont les futurs poissons qui peupleront le fleuve Mananjary. "Dans les années 90, des Espagnols sont venus pour installer de grands filets et pêcher le bichique à l’échelle industrielle", se souvient Antoinette.

"Mais le préfet a finalement décidé de les interdire, pour préserver à la fois l’économie locale et la ressource en alevins". Le ballet des femmes bichiques continue donc de se produire chaque matin depuis des années. Et il durera encore longtemps, du moins tant qu’il y aura des poissons...

À Madagascar, Sébastien Gignoux
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