La crevette, or rose du Groenland, se raréfie
ILULISSAT - La crevette, l'or rose du Groenland, se raréfie, suscitant l'inquiétude des pêcheurs et des autorités de la plus grande île du monde où la pêche est la principale richesse. A Ilulissat, dans la baie de Disko, un des grands ports de pêche à l'ouest de ce territoire danois d'outre-mer, les pêcheurs constatent que le filon commence à se tarir d'année en année, les obligeant à aller de plus en plus loin pour pêcher ce crustacé qui représente la manne de ses exportations.
Le directeur du patronat, Henrik Leth, constate "que les bancs de crevettes sont devenus moindres, ce qui signifie que les pêcheurs doivent pêcher plus longtemps pour les attraper", alourdissant ainsi "la facture de fioul de leurs bateaux, qui est déjà élevée" (4,32 couronnes le litre, 58 centimes d'euros). Même constat à l'usine de Royal Greenland, premier fournisseur mondial de crevettes des eaux froides, qui domine le port avec ses grands chalutiers qui vont au loin à la recherche de l'or rose.
"Nous ne savons pas vraiment pourquoi les crevettes se raréfient. Ca peut être une combinaison du réchauffement climatique et des prédateurs comme le flétan, et la morue qui commence, quant à elle, à revenir dans les eaux du Groenland", explique Helle Siegstad, biologiste et directrice de recherche à l'Institut des ressources naturelles du Groenland à Nuuk, capitale de l'île."On a constaté au cours des dernières décennies que lorsque les stocks de morue s'épuisent, les bancs de crevettes augmentent et vice-versa", a-t-elle ajouté à l'AFP. Ecartant toute cause de "surpêche", Mme Siegstad estime qu'il "faut tirer la sonnette d'alarme, car ce serait une catastrophe pour l'économie des insulaires si la crevette venait à disparaître (...), on n'a quasiment rien pour la remplacer".
Chiffres à l'appui, elle montre que les prises de crevettes à l'ouest du Groenland sont en déclin d'environ 148.000 tonnes en 2004 à 139.500 en 2007 selon des chiffres préliminaires. La biomasse des crevettes a diminué depuis 2003 et a été basse pendant plusieurs années, "signe que les stocks se réduisent", selon cette biologiste, qui a recommandé en vain au gouvernement local de faire des coupes drastiques dans ses quotas. "Il est nécessaire que les quotas de 150.000 tonnes par an soient diminués de 30% au moins et ramenés à 110.000 tonnes", et qu'ils soient "encore plus réduits" en 2009, selon elle. Le scénario le plus pessimiste serait de voir "les stocks péricliter à 40.000 tonnes dans 4 à 5 ans", craint-elle, affirmant que le déclin de cette ressource précieuse est "inévitable".
Certes la morue, richesse de l'île dans les années 60 avec un pic de 500.000 tonnes de prises par an avant de quasi disparaître, est revenue, mais en très faibles quantités. La ministre des Finances, Aleqa Hammond, reconnaît pour sa part que "l'économie groenlandaise est basée sur un seul revenu : la pêche, qui est en train de changer en raison des changements climatiques"."Un réchauffement de 2 degrés revêt une grande signification", dit-elle, ce qui "explique pourquoi les crevettes émigrent plus au nord, vers d'autres endroits".
Le Groenland, territoire danois, n'a pas les moyens de changer sa flotte de pêche de la crevette, et "il est important qu'elle survive en ne réduisant pas drastiquement les quotas des pêcheurs comme le recommandent les biologistes". Face à "une situation très difficile", le gouvernement mise sur la "diversification de son économie comme le tourisme et l'exploitation minière, assure encore la ministre, afin qu'elle ne dépende pas uniquement de la mer".
Source : AFP
Source : AFP
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