Canada : histoire d'un moratoire sur la morue


En 1994, le moratoire sur la pêche à la morue en vigueur depuis juillet 1992 s'étend à l'ensemble du Canada atlantique. D'autres poissons de fond comme le flétan et le sébaste tombent bientôt sous le coup de l'interdiction. Ce n'est plus seulement la population de Terre-Neuve qui en subit les contrecoups, mais aussi les pêcheurs du golfe du Saint-Laurent et de la Nouvelle-Écosse. Pendant l'hiver 1995, la journaliste Martine Painchaud se rend dans le village de Rivière-au-Renard en Gaspésie, où les pêcheurs tentent par tous les moyens de se sortir du marasme. Tandis que certains pêcheurs croient à un retour en force imminent de la morue, les moins optimistes estiment qu'il faudra plus d'une génération avant qu'elle abonde de nouveau. Dans un tel contexte d'incertitude, comment assurer la viabilité économique des communautés qui vivent de la pêche depuis tant de générations? Car les moratoires de 1992 et 1994 ont envoyé au chômage près de 40 000 pêcheurs et travailleurs du secteur de la transformation. Le gouvernement canadien tente d'y répondre en mettant sur pied la stratégie du poisson de fond de l'Atlantique (LSPA). LSPA poursuit deux objectifs : réduire les effectifs de l'industrie des pêches, jugés trop élevés en regard des ressources désormais disponibles, et aider les communautés affectées à réorienter leur économie. Pour ce faire, elle propose diverses mesures : prestations, rachat de permis de pêche, programmes de retraite anticipée et de recyclage vers d'autres secteurs d'emplois, etc. Si certains y recourent, d'autres hésitent, car comme le demande Gaston Cloutier, copropriétaire des Pêcheries gaspésiennes, « quand la pêche reviendra dans le Golfe, qui va l'exploiter si nous n'avons plus d'infrastructures, plus de bateaux ? ».

Un moratoire désastreux pour les pêcheurs

• Après le moratoire de 1992, la majorité des petites entreprises de transformation ferment leur portes. Les autres rationalisent leurs activités et parviennent à s'adapter aux nouvelles réalités de l'industrie en misant sur l'importation des ressources premières et la diversification. L'importante Fishery International Products de Terre-Neuve, par exemple, transforme de la morue importée d'Islande et de Norvège et des ressources premières d'Asie du Sud-Est, qu'elle écoule sur le marché nord-américain.

• À l'instar du pêcheur Allen Cotton que Martine Painchaud interviewe, d'autres pêcheurs se recyclent dans la pêche aux crustacés et aux mollusques (crevettes, pétoncles, crabes des neiges). Mais plusieurs craignent que ces ressources, encore abondantes parce qu'exploitées depuis les années 1970 seulement, ne finissent par subir le même sort que la morue.

• Au Nouveau-Brunswick, le développement de la salmoniculture, la pêche côtière aux crustacés et aux mollusques et l'importance accordée au secteur de la transformation, notamment, ont permis à l'industrie des pêches de la province d'accuser moins durement le coup de l'interdiction de la pêche à la morue et aux autres poissons de fond.

• Après avoir été dûment formés, certains pêcheurs au chômage ont pu se recycler dans les programmes des pêches sentinelles mis sur pied par le gouvernement fédéral à l'automne 1994. • Les pêches sentinelles ont été créées afin de suivre l'évolution des stocks de morues dans le golfe du Saint-Laurent et au large des côtes du Labrador. Des pêcheurs de la Gaspésie, de la Côte-Nord et de Terre-Neuve en bénéficient. Leur travail permet aussi de récolter de l'information sur d'autres espèces de poissons comme le flétan, le sébaste et le hareng.

Source : Radio-Canada


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Le 14 octobre 2011

Canada : Abattage de phoque pour le retour définitif de morue !


L’épuisement de la morue sur les bancs de Terre-Neuve à la fin des années 1980, puis l’abattage des phoques au cours des années 1990 ont alimenté les chroniques environnementalistes et même people…

Alors que des signes donnent espoir sur un retour de la morue sur la côte est du Canada, un rapport du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques préconise un plan d’abattage de plusieurs milliers de phoques pour assurer le retour définitif de la morue dans les eaux du golfe du Saint-Laurent et sur les bancs au large de Terre-Neuve et de Nouvelle-Ecosse…

Vers le rétablissement des poissons de fond et d’une pêche durable dans l’est du Canada

Conseil pour la conservation des ressources halieutiques
Rapport pour le ministre des Pêches et des Océans

Septembre 2011

Le présent rapport apporte des orientations pour la promotion de la reconstitution des stocks de poisson de fond de l’Est du Canada et le rétablissement de pêches durables à partir de ces stocks.

Le rythme de rétablissement de la morue du Nord a été beaucoup plus lent que ne l’avait annoncé le ministre des Pêches et des Océans quand il a interdit l’exploitation de ces stocks en 1992. La plupart des autres stocks de poisson de fond se maintiennent à de très faibles niveaux, ce qui a engendré un haut degré de frustration au sein de l’industrie et suscité de graves critiques à l’endroit du gouvernement du Canada pour son incapacité à reconstituer les stocks. Il faut toutefois reconnaître que l’homme n’a pas la capacité de « reconstituer » un stock de poissons marins décimé, de la même façon qu’il peut rebâtir une maison détruite par un tremblement de terre ou un pont entraîné par les crues. Il ne suffit pas de le vouloir et d’y consacrer les ressources nécessaires. La mise en valeur, telle que pratiquée dans les lacs et les cours d’eau, est impraticable dans l’océan.

Les actions possibles se limitent à favoriser le rétablissement en cessant ou en diminuant largement les activités qui nuisent aux stocks. À cet égard, le Conseil appuie fermement le cadre décisionnel de la pêche du MPO qui englobe l’approche de précaution. Le Conseil se réjouit des récents progrès réalisés sur le plan de l’élaboration de cadres stratégiques d’exploitation pour les stocks de poisson de fond et de plans de rétablissement pour les nombreux stocks qui en ont besoin. Le Conseil tient aussi à souligner la nécessité de s’assurer que la pêche des espèces fourragères ne nuit pas aux besoins alimentaires de la morue et d’autres poissons de fond et que les pratiques de pêche et d’autres activités océaniques ne détruisent pas l’habitat du poisson de fond.
Dans de nombreuses régions du monde, on constate qu’une réduction substantielle de la mortalité par pêche a eu l’effet souhaité sur le rétablissement. Cependant, dans bien des cas, la reconstitution des stocks n’a pas suivi immédiatement la réduction des activités de pêche. De nombreux facteurs du milieu naturel ont des répercussions sur la capacité des populations de poisson de se reproduire efficacement et de croître, et notre influence ou notre contrôle sur la plupart d’entre eux est plutôt limité, quand ce n’est carrément nul. En général, une fois que nous avons fait ce que nous pouvions pour cesser de leur porter atteinte, nous n’avons plus qu’à nous armer de patience et attendre que la nature fasse son œuvre.

Néanmoins, le Conseil convient, comme une grande partie des membres de l’industrie de la pêche du poisson de fond, que cette approche du « ne pas nuire et attendre » est insuffisante pour permettre à de nombreux stocks de poisson de fond de l’Est du Canada de se reconstituer. Contrairement à ce qui se passe dans plusieurs autres parties du monde, on observe, dans les eaux de l’Est du Canada, depuis quelques dizaines d’années, une hausse phénoménale du nombre de mammifères marins, et en particulier des phoques.
Certains ont émis l’hypothèse, depuis le milieu des années 1990, que la prédation par les phoques était la cause prédominante du taux élevé de mortalité naturelle qui a empêché le rétablissement de nombreux stocks de poisson de fond. Le Conseil croit que les preuves à l’appui de cette hypothèse sont suffisamment solides et que la situation de nombreux stocks est suffisamment urgente pour que l’on procède le plus rapidement possible à des prélèvements ciblés de phoques d’une ampleur et d’une durée suffisantes pour vérifier concrètement cette hypothèse....

Pour télécharger le rapport, cliquer Ici

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Le 23 octobre 2012

Le Sénat recommande d'abattre des phoques pour sauver la morue

La Presse Canadienne

Le gouvernement fédéral devrait payer des chasseurs pour qu'ils tuent 70 000...

Le gouvernement fédéral devrait payer des chasseurs pour qu'ils tuent 70 000 phoques gris au large de la côte Est du Canada afin de permettre aux bancs de morue de la région de se renouveler, et ce, même s'il existe peu de données scientifiques prouvant la pertinence d'un tel abattage, a annoncé mardi un comité sénatorial.

Le comité a passé près d'un an à étudier la proposition d'Ottawa d'abattre jusqu'à 70 pour cent de la population de phoques gris vivant dans le sud du golfe du Saint-Laurent. Un projet qui, selon ses détracteurs, serait motivé non pas par des raisons scientifiques mais politiques.

«Tout en reconnaissant les risques écologiques évoqués par certains témoins, le comité est d'accord avec la logique derrière la réduction proposée du nombre de phoques gris dans cette zone à titre expérimental», peut-on lire dans un rapport publié mardi.

En conférence de presse sur la colline parlementaire mardi, le président du comité, le sénateur terre-neuvien Fabian Manning, a admis que l'idée de l'abattage n'était pas basée sur la recherche scientifique et que bien des questions demeuraient sans réponse, qu'on soit en faveur ou contre cette solution.

M. Manning a précisé que les études qui seraient effectuées durant la période d'abattage de quatre ans recommandée fourniraient toutefois au gouvernement fédéral tous les renseignements nécessaires pour calmer les inquiétudes des résidants des provinces de l'Atlantique et du Québec.

Jeff Hutchings, un professeur de biologie de l'université Dalhousie à Halifax en Nouvelle-Écosse, a déclaré que le comité sénatorial avait eu tort de qualifier l'abattage proposé d'expérience.

«Ce ne sera pas une expérience», a tranché M. Hutchings. «On ne peut pas faire ça dans l'océan. Tout ce qu'on peut faire dans ce cas-là, c'est avoir une incidence sur le nombre de phoques gris. On ne pourra pas contrôler quoi que ce soit d'autre. D'un point de vue scientifique, cela enfreint toutes les règles qui caractérisent une expérience conçue de manière appropriée.»

En d'autres termes, a-t-il ajouté, il n'y aura aucun moyen de déterminer de manière précise l'impact d'un tel abattage.

Le comité a recommandé que le processus s'amorce l'an prochain et qu'un système de primes soit mis en place pour inciter les gens à tuer des phoques gris puisqu'il n'existe aucun marché pour les peaux ou la chair de ces mammifères marins.

Gail Shea, qui remplace temporairement Keith Ashfield au ministère des Pêches et des Océans, fait l'objet de pression de la part de l'industrie de la pêche en raison du retard accusé par le renouvellement des stocks de morue dans le golfe du Saint-Laurent.

La morue est en voie de disparition dans cette région même si la pêche commerciale à grande échelle y a été bannie dans les années 1990. Il n'existe cependant aucune preuve scientifique directe permettant d'établir que les phoques gris affamés ont quelque chose à voir dans cette situation.

D'après le ministère des Pêches et des Océans, environ 350 000 phoques gris vivent au large de la côte atlantique du Canada, soit 30 fois plus que dans les années 1960. Sur ce nombre, quelque 100 000 s'aventurent dans le sud du golfe du Saint-Laurent, dont un tiers en provenance de l'île de Sable.


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