La libéralisation du marché des produits de la mer menace la sécurité alimentaire des pays en développement, selon un rapport publié par le groupe de défense de l’environnement, Greenpeace International. D’après le rapport intitulé « La marchandisation des océans », la libéralisation de ce marché se traduira par une augmentation des prix du poisson dans les pays en développement. En effet, davantage de ressources seront consacrées à l’exportation et les stocks de poissons pour la consommation locale diminueront. Le poisson ne sera plus destiné à l’alimentation des plus pauvres mais servira à nourrir le poisson d’élevage, relançant une aquaculture non durable, comme l’élevage de crevettes et de saumon, s'est inquiété le rapport. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) envisage de diminuer, voire de supprimer les droits de douane sur le poisson et les produits de la pêche. Greenpeace a souligné que cette mesure profiterait à une poignée de pays développés, exportateurs de poisson, qui disposent de solides systèmes de gestion de la pêche. « Si l’OMC adopte cette mesure, le prix du poisson chutera, mais seulement à court terme », a déclaré Daniel Mittler, conseiller en commerce international pour Greenpeace, lors de la publication du rapport à Nairobi, la capitale kényane. Toujours selon l’organisation de défense de l’environnement, la libéralisation du marché ne fera qu’accélérer l’épuisement des ressources halieutiques mondiales, en raison d’une surexploitation continue, notamment dans les pays en développement. Cette libéralisation du marché entraînera, à moyen et à long terme, une hausse des prix à mesure que les stocks mondiaux s’épuiseront, a indiqué le rapport. Par ailleurs, la libéralisation du marché des produits de la mer constitue une menace pour l’écosystème marin et les conséquences de la surexploitation sont déjà visibles le long de la côte kényane. En effet, Athman Seif, président du Kenya Marine Forum, a signalé que la baisse des ressources halieutiques avait de graves conséquences sur la vie des populations côtières. « Les bateaux sont contraints de s’éloigner de la côte et les prises sont toujours plus maigres », a dit M. Seif.A Malindi, une ville située sur la côte kényane, le prix du poisson a doublé en 10 mois, et est passé de 120 shillings (1,50 dollar) à 240 shillings (trois dollars), a-t-il ajouté. D’autre part, si les pêcheurs ne peuvent s’éloigner, « pêcher près des côtes nuit également à la faune et à la flore marines. Les côtes sont d’une importance majeure pour la reproduction car elles abritent des récifs coralliens », a-t-il rappelé. Les pêcheurs ne disposent souvent pas de l’équipement nécessaire à la pêche en haute mer. En effet, ce sont souvent les entreprises étrangères qui pêchent à plus de 10 milles nautiques de la côte. Le poisson est généralement exporté en Europe ou au Japon. « Le poisson qui devrait servir à nourrir les populations [des pays en développement] finit dans les assiettes des Européens », a déploré Sari Tolvanen, responsable de la campagne internationale ‘Océans’ chez Greenpeace. Daniel Mittler a souligné que les pêcheurs locaux ne pouvaient pas rivaliser avec les énormes chalutiers, bien équipés. Au moins 600 chalutiers étrangers draguent, légalement ou illégalement, les fonds marins kenyans, d’après les résultats d’une étude menée en 2004/2005 par le Ministère de la pêche du Kenya. Le Kenya devrait mettre en place un système de garde côte, a estimé M. Seif. « Au lieu d’octroyer des permis [aux bateaux de pêche étrangers, le gouvernement] devrait plutôt contrôler la situation. Il faut trouver un juste équilibre entre l’exploitation et la conservation des ressources », a-t-il déclaré. La faune marine du monde entier est menacée d’extinction, y compris des poissons comme le thon rouge et la morue, a signalé Greenpeace. Greenpeace tente de convaincre les gouvernements de mettre en place des systèmes de quotas afin d’éviter la surexploitation des ressources halieutiques. En outre, il est urgent que la communauté internationale respecte la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, améliore les systèmes de surveillance des pays en développement et favorise la reconstitution des stocks halieutiques en instaurant des réserves marines afin de protéger les espèces menacées et les récifs coralliens, qui offrent refuge et nourriture à une multitude de poissons. Pour Sari Tolvanen, des accords de partenariat encourageant une pêche équitable doivent être signés entre les pays développés et les pays riches. Le rapport de Greenpeace a été publié en marge du Forum social mondial qui se déroule du 20 au 25 janvier à Nairobi. M. Mittler a souligné qu’il s’agissait « d’un moment opportun pour exhorter les responsables de pays développés à cesser la libéralisation du marché à tout prix. »Les ministres du Commerce des pays membres de l’OMC sont attendus au Forum économique mondial, à Davos, en Suisse, le 27 janvier prochain, où ils aborderont la question de la libéralisation du marché. « Le message envoyé de Nairobi à Davos est clair : les plans de libéralisation débridée du marché des pêcheries doivent être abandonnés immédiatement au regard des graves impacts sociaux et environnementaux de la sur-exploitation des ressources qui s'ensuit » ont conclu M. Mittler et Stefan Beaucher, en charge de la campagne ‘Océans’ à Greenpeace France. « Si les ministres rassemblés à Davos persistent à évoluer vers une libéralisation aveugle, les écosystèmes marins et la sécurité alimentaire de milliards d'individus en paieront le prix », ont-ils affirmé.
Source : IRIN
Lire un résumé du rapport en français : http://www.greenpeace.org/raw/content/france/presse/dossiers-documents/marchandisation-des-oceans.pdf
Lire le rapport intégral en anglais : http://oceans.greenpeace.org/en/documents-reports/tradingaway
Commentaires