Les moyens de subsistance des pêcheurs locaux sont de plus en plus menacés par les nombreux chalutiers industriels venus d’Europe, de Chine, de Corée et de Russie, qui pêchent souvent illégalement dans les eaux guinéennes, autrefois riches en poissons. « Les zones exclusivement réservées à la pêche locale devraient être reconnues par les navires industriels, qui devraient s’en tenir éloignés, leur présence posant de nombreux problèmes économiques et sociaux », a indiqué à IRIN Souba Camara, des autorités portuaires de Conakry. Selon M. Souba, la loi interdit aux navires industriels de pêcher dans les zones proches du littoral qui ont été attribuées aux pêcheurs locaux, mais la loi est généralement ignorée. Faire appliquer cette loi ne profiterait pas uniquement à un petit nombre de pêcheurs, estime M. Camara. En effet, « une cinquantaine de personnes peuvent dépendre des revenus que rapporte dans son filet un seul pêcheur local », a-t-il expliqué. Presque aucun des grands navires industriels qui naviguent sur les eaux guinéennes n’appartient aux Guinéens. Le gouvernement de la Guinée, l’un des pays les plus pauvres du monde, y perd également des revenus. Plus de 100 millions de dollars de poisson sont pêchés illégalement dans les eaux guinéennes chaque année, selon une étude menée par le Groupe londonien d’évaluation des ressources marines. Mais ce sont les pêcheurs guinéens qui sont les premières victimes de cette pratique. « Si nous pouvions régler la situation de sorte que les gros bateaux restent loin de nous [les pêcheurs locaux], dans les zones qui leur ont été attribuées, nous pourrions faire notre travail », a expliqué Mamadou Camara, pêcheur. « Sinon, au cours de l’année qui vient, nous pourrions nous retrouver sans poisson dans notre zone ».
Inertie du gouvernement
Le gouvernement guinéen a tenté d’interdire l’exportation de certaines espèces de poissons pour faire en sorte qu’il y en ait davantage sur les marchés locaux. Néanmoins, selon les pêcheurs avec qui IRIN s’est entretenu, cette mesure n’a servi qu’à ouvrir la voie à une recrudescence du trafic international et à réduire d’autant plus leurs revenus. Le gouvernement n’a pas les moyens de surveiller ses eaux, d’après Souba Camara, des autorités portuaires. En 2003, les autorités avaient tenté de mettre sur pied un projet dans le cadre duquel les pêcheurs de la région devaient signaler par radio les navires pirates qu’ils apercevaient, ainsi que toute autre activité illégale à divers postes de contrôle situés le long de la côte, mais l’initiative a été interrompue en 2006, faute de financement, selon Issiaga Daffe, président de l’association des pêcheurs guinéens. M. Daffe a exhorté le gouvernement et les bailleurs de fonds à renouveler leurs efforts de surveillance, et a appelé à la mise en place de services de micro-crédit pour les pêcheurs. La sécurité des pêcheurs fait également l’objet de préoccupations de plus en plus vives. Le nombre d’accidents de bateau a en effet augmenté parallèlement à la recrudescence de la pêche clandestine, de nombreux navires naviguant illégalement la nuit, sans lumière. « Il est arrivé que des personnes se fassent tuer », a en outre indiqué Souba Camara. Pourtant, malgré les risques accrus auxquels ils sont confrontés et la diminution de leurs revenus, les pêcheurs disent n’avoir pas d’autre choix que de continuer à faire leur travail. « La pêche, je ne sais faire que ça », a déclaré Souriba Camara, qui possède un bateau en bois de trois places, baptisé « Ayez confiance », et descend d’une longue lignée de pêcheurs. « La pêche, c’est ce que je suis », a-t-il ajouté.
Source : IRIN du 14/02/08
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