Dans les eaux somaliennes, les thoniers-senneurs européens capturent du thon Skipjack (en vert) et de l'Albacore (en rouge), à partir des SeychellesSource : adaptation personnelle d'une carte de l'IOTC
A cette pêcherie thonière s'ajoute une pêcherie chalutière qui cible les espèces du plateau continental comme les crevettes et les poissons démersaux.
Il faut aussi noter que les côtes somaliennes sont très polluées. Le tsunami de 2004 a en effet ramené sur les plages une grande quantité de déchets et de barils contenant des produits toxiques. Il est aussi reconnu que les entreprises de traitement des déchets liées à la mafia italienne déversent régulièrement leur cargaison au large de la Somalie.
De la pauvreté à la piraterie
Au final, la surexploitation des ressources marines somaliennes entraîne une baisse des ressources et donc un appauvrissement des populations locales dont l'activité économique n'est plus viable. Or la pêche somalienne représente déjà à la base un secteur sous-développé, aux techniques traditionnelles et se limitant à une activité de subsistance. Les ressources marines constituent donc un moyen de subsistance pour les populations côtières, d'autant plus que la pêche commerciale somalienne s’est effondrée ces quinze dernières années sous le poids de la guerre civile.
"Face à cette situation de surexploitation illégale des ressources halieutiques somaliennes par des navires étrangers, on comprend donc mieux l’argumentaire des pirates qui se présentent comme des gardes-côtes garant de l’intégrité des eaux nationales. À l’origine, les pêcheurs lésés abordaient les navires de pêche étrangers en exigeant une « taxe » présentée comme une licence de pêche ou une amende pour violation des eaux territoriales du pays. Mais conscients de cette ressource lucrative et de la proximité d’une route maritime importante, ces pêcheurs se sont par la suite tournés vers des actes de piraterie sur lesquels se sont peu à peu greffés des individus et des groupes aux visées clairement criminelles. Ce scénario expliquerait ainsi en partie l'augmentation substantielle des actes de piraterie en 2008".
Autre article :
Pour plus d'informations :
- Dossier "Somalie" dans Océan Indien
Article ajouté le 23 janvier 2009
Moi, Yassim, ancien pêcheur somalien, devenu pirate fortuné (Reuters)
GAROWE, Somalie - Yassim Dheere, 39 ans, a débuté dans la piraterie il y a cinq ans, et il a vite fait fortune.
Ce géant, qui domine ses gardes du corps de la tête et des épaules, a reçu le reporter de Reuters dans sa résidence de Garowe, une ville de la province somalienne du Puntland, dont l'histoire au cours des siècles est intimement liée à la piraterie. Vêtu d'une djellaba aussi traditionnelle que luxueuse, il a raconté son histoire tout en mâchant des feuilles de khat et en caressant sa kalachnikov. "Je suis né à Eyl, où je pratiquais la pêche. C'est après l'effondrement du pouvoir central (en Somalie) que j'ai été contraint de détourner des navires étrangers. "Personne ne surveillait les mers. On ne pouvait pas pêcher dans de bonnes conditions, parce que les navires qui pêchent illégalement le long des côtes somaliennes détruisaient nos petites embarcations et notre matériel. C'est ça qui nous a forcé à devenir pirate. "La première fois que j'ai été impliqué dans un acte de piratage, c'était en 2003. Le bateau devait venir d'Arabie, l'équipage était composé de 18 Yéménites. C'était un gros bateau de pêche, qui avait détruit à plusieurs reprises nos navires. "On l'a cerné de nuit avec nos bateaux et on en a pris le contrôle en pointant nos armes sur lui. A cette époque, on ignorait tout des méthodes modernes, des échelles, des harpons, tout ça. Alors, on s'est approché le plus près possible et on a grimpé à bord. "On l'avait depuis deux semaines quand des médiateurs somaliens et arabes nous ont approché pour négocier. Ils nous ont convaincu d'accepter 50.000 dollars. Bon Dieu! C'était une somme colossale pour nous! Ça nous a donné des idées et ça nous a ouvert l'appétit. "Deux de mes amis ont eu peur des conséquences et ont renoncé. Nous, on ne se rendait pas trop compte de ce qu'on faisait, on était seulement un peu inquiet de la suite des évènements.
PRENDRE DU BON TEMPS
"Finalement, ma vie a totalement changé. J'ai amassé plus d'argent que je n'aurais jamais imaginé. Sur un coup, j'ai eu 250.000 dollars. C'est fou l'argent que je me suis fait, je vous dirai pas combien. Avec ça, je me paye des voitures, des armes et des bateaux. J'en profite aussi pour prendre du bon temps. "Ce nouveau travail m'a causé aussi des problèmes. Ma vie est en danger, certains de mes collègues sont morts, quelquefois lors de chavirages. "L'expérience la pire que j'ai vécue, c'est quand un navire de la marine américaine nous a attaqué alors que nous chassions un bateau. Il nous a tiré dessus et a capturé certains d'entre nous. Moi et mes collègues, grâce à nos hors-bord, on a pu s'échapper alors que les balles sifflaient tout autour. "J'ai été emprisonné une fois à Garowe. Des membres de ma famille ont pris d'assaut la prison, ont tué deux gardiens et dans l'échange de feu j'ai pu prendre la fuite avec d'autres détenus. "Aujourd'hui, je reste à Eyl. J'ai des hommes qui font le boulot pour moi. Je suis un financier, je récupère l'argent. Je n'ai pas été en mer pour un piratage depuis des mois. "Mon groupe prend la mer, moi je gère les finances. Je fournis les gars en hors-bord, en armes, tout ce dont ils ont besoin. "Quand on prend la mer, on sait qu'on peut gagner ou perdre. Et on se méfie terriblement des navires de guerre. On a changé de stratégie maintenant, on modifie notre manière d'attaquer dans l'Océan indien en utilisant du matériel moderne, comme le GPS pour détecter les navires de guerre. "Aujourd'hui, une nouvelle génération de jeunes pirates, très actifs, émerge, tous attirés par l'appât du gain. "Si les Nations unies donnent leur feu vert à un droit de suite à terre en Somalie, cela ne fera que provoquer la mort de nombreux Somaliens innocents. Ils ne peuvent pas nous différencier des Somaliens ordinaires, on s'habille pareil. "La piraterie, elle ne s'arrêtera pas tant qu'on aura pas un vrai gouvernement en Somalie".
Abdikani Hassan, version française Pascal Liétout
Information ajoutée le 18 avril 2009 :
Thoniers bretons protégés des pirates (Ouest France)
La frégate française Nivôse a intercepté, hier, onze pirates au large du Kenya. : Reuters
Deux avions survolent désormais à tour de rôle les pêcheurs dans l'océan Indien.
Surveillance des zones de pêche
Un avion français surveille, depuis mercredi, les zones de pêche dans l'océan Indien. Le Falcon, basé aux Seychelles, agit dans le cadre de la mission européenne Atalante. Il sera relayé par un avion espagnol basé au Kenya. L'état-major reçoit en temps réel la position des thoniers. Les militaires jusqu'alors concentrés sur le golfe d'Aden et sur l'escorte des navires du PAM (Programme alimentaire mondial) ont dû élargir leur zone de surveillance, les pirates s'aventurant de plus en plus loin des côtes.
La marine française arrête onze pirates - La marine française a arraisonné, mercredi, un bateau de pirates, à 900 km au large du Kenya.Onze hommes sont détenus sur la frégate Nivôse. Ils menaient à partir de ce bateau-mère des raids à l'aide de deux canots rapides.
Représailles de pirates - Le chef d'un groupe de pirates somaliens, dont trois membres avaient été tués par l'armée américaine, dimanche, a revendiqué l'attaque d'un cargo américain. Abdi Garad avait promis de venger ses hommes. « Ce n'est qu'un début », a-t-il averti, en précisant que la mission n'était pas de s'emparer, mais de détruire un bateau américain et son équipage. Les marins du cargo ont pu échapper à leurs assaillants. En 24 heures, quatre bâtiments de fort tonnage ont été attaqués alors qu'un cargo grec, capturé en mars, a été relâché.
Pirates à Rennes - Les trois pirates interpellés lors de la libération du voilier Tanit par l'armée française sont en garde en vue à la gendarmerie de Rennes, avant d'être présentés aux magistrats. L'autopsie aura lieu aujourd'hui jeudi. Le procureur de la République de Rennes devrait en communiquer les premiers résultats dans la soirée.
Réunion internationale - L'Onu parrainera, le 23 avril à Bruxelles, une réunion sur les moyens de stabiliser la Somalie et de combattre la piraterie. La justice du Puntland (nord-est de la Somalie) a condamné, mercredi, trente-sept pirates à trois ans de prison. Ils avaient été remis aux autorités par les marines française et américaine.
Les pirates défient le commerce mondial (Ouest France)
Pourquoi parle-t-on autant des pirates somaliens ? La piraterie et l'océan Indien, c'est une vieille histoire : Marco Polo et l'explorateur arabe Ibn Battuta l'évoquaient déjà, au tournant du XIVe siècle. Mais en 2008, le nombre des attaques a explosé dans le Golfe d'Aden (+ 200 %), les côtes de la Somalie concentrant le tiers des attaques dans le monde. Quelques-unes ont marqué les esprits : l'arraisonnement du cargo ukrainien Faina, chargé de trente-trois chars d'assaut, en septembre, et celui du supertanker saoudien Sirius Star, en novembre. Ils ont été relâchés au bout de plusieurs mois et contre des rançons.
Comment expliquer cette explosion ? Plusieurs facteurs. Politique : depuis la chute du dictateur Syad Barré, en 1992, il n'y a plus d'État; la Somalie est un immense champ de bataille. Économique : la moitié de la population survit grâce à l'aide alimentaire de l'Onu. Géographique : au débouché du canal de Suez, le golfe d'Aden est une autoroute de la mer qu'empruntent 20 000 navires par an. Proies tentantes pour un peuple affamé.
Qui sont les pirates ? Des pêcheurs qui, au départ, prétendaient défendre leur gagne-pain, pillé par les flottilles européennes et asiatiques. Ils sont passés à l'enlèvement contre rançon, source de revenus confortables. La reconversion est facile, l'outillage abondant après dix-sept ans de guerre civile : grappins, kalachnikovs, lance-roquettes... En 2008, la piraterie a rapporté entre 50 et 100 millions d'euros. La filière s'est structurée : indics de Suez à Aden ; bateaux-mères, équipés de GPS, de téléphones satellitaires, d'où les assaillants lancent leurs canots rapides ; négociateurs de rançons à terre... Des régions entières en vivent.
Le 27 août 2009
Piraterie : la colère des pêcheurs somaliens (InfoSud-IRIN)
Des pêcheurs de la région autonome autoproclamée du Puntland, dans le nord-est de la Somalie, perdent leurs moyens de subsistance et parfois même la vie à cause des navires étrangers qui envahissent les eaux somaliennes, selon un ministre.
« De plus en plus de pêcheurs du Puntland viennent nous voir pour se plaindre des navires étrangers qui détruisent leurs filets et leur refusent l’accès aux zones de pêche », a dit Mohamed Farah Aden, le ministre des Pêches du Puntland, à IRIN.
Selon lui, ces navires détruisent des moyens de subsistance. « On rapporte régulièrement des meurtres de pêcheurs somaliens. Ces gens-là ne se contentent pas de détruire leur gagne-pain, ils vont jusqu’à les tuer. »
M. Aden a indiqué que le ministère compilait actuellement les statistiques du nombre de décès dus aux attaques de navires étrangers.
Il a ajouté que les autorités du Puntland avaient soulevé la question avec les forces internationales qui patrouillent dans les eaux somaliennes pour lutter contre les pirates. Des forces de l’OTAN et d’autres pays comme la Russie et l’Inde cherchent en effet à maintenir l’ordre dans la région.
Pêche illégale
[Les autorités du] Puntland ont également demandé à ce que les flottes étrangères règlent le problème de l’afflux de navires étrangers qui pratiquent la pêche illégale. « C’est la pêche illégale qui a provoqué la situation actuelle et les actes de piraterie », a-t-il indiqué.
Selon Ecoterra, une ONG qui surveille les eaux somaliennes, il existe un lien indirect entre la piraterie et la pêche illégale. De nombreux pirates proviennent à l’origine de groupes d’entraide qui cherchaient à défendre « les eaux et les ressources somaliennes en l’absence de flotte nationale et de garde-côtes ».
Par la suite, cependant, ces groupes ont commencé à être impliqués dans des litiges commerciaux et leurs membres ont été utilisés comme mercenaires. Ils ont éventuellement évolué pour devenir des bandes criminelles, a ajouté Ecoterra.
L’interprétation de Mohamed Abshir Waldo, analyste indépendant et expert de la Somalie, va encore plus loin. Il estime que la piraterie est le résultat de « la pêche illégale massive qui se pratique depuis 19 ans ».
« C’est la pêche illégale pratiquée par les navires étrangers qui a entraîné le premier conflit avec les pêcheurs somaliens, quand les étrangers sont venus braconner à l’interieur des 12 miles marins des eaux territoriales. »
M. Waldo raconte qu’il connaît des pêcheurs qui ont été renversés par un de ces bateaux. « Les sept membres de l’équipage ont été tués. On rapporte de nombreux incidents comme celui-là. De nombreux pêcheurs ont été abattus et d’autres, brûlés à l’eau bouillante. »
Toutefois, d’après un analyste de la région, basé à Nairobi, même si la pêche illégale dans les eaux somaliennes est « un problème grave et une nuisance », la piraterie n’est pas le fait des pêcheurs appauvris, mais celui « d’éminents hommes d’affaires et dirigeants politiques qui ont, au départ, introduit les ‘autorisations’ pour les bateaux de pêche étrangers comme une sorte de racket ».
Selon des statistiques compilées par l’Organisation maritime internationale (OMI), en 2008, 135 navires ont été attaqués par des pirates au large de la côte somalienne. Au total, « 44 navires ont été saisis et plus de 600 marins ont été kidnappés et retenus en otage en échange d’une rançon. » La plupart de ces attaques se sont déroulées au large du Puntland.
Menace étrangère
Jama Isse, membre d’une coopérative de pêche dans la ville portuaire de Bosasso [capitale commerciale du Puntland], a indiqué à IRIN que de nombreux membres de la coopérative étaient désœuvrés à cause des attaques des navires étrangers. « Les gens ont peur d’aller à la pêche. Parfois, on nous prend pour des pirates, ou alors les gros navires de pêche foncent sur nos bateaux ou coupent nos filets. »
« Si la situation ne s’améliore pas, plusieurs d’entre nous seront forcés de rejoindre les pirates », a-t-il indiqué. « Nous n’avons pas d’autre moyen de subsistance. »
D’après Ahmed Ali Abdalla, propriétaire de plusieurs bateaux de pêche, les navires étrangers se servent des forces navales comme protection et refusent aux locaux le droit de pêcher. « Ils prennent même nos filets avec tout ce qu’il y a dedans. Cela revient à nous enlever le pain de la bouche. ».
Des pêcheurs locaux se sont vu coincés entre les pirates et les flottes étrangères, « mais les pires, ce sont ceux qui pratiquent la pêche illégale », ajoute-t-il. « Certains sont armés et ont même ouvert le feu sur nous ou saisi nos bateaux. »
Pour mettre un frein à l’insécurité dans les eaux somaliennes, les analystes estiment qu’une approche intégrée et complète est nécessaire. Cette approche doit s’attaquer « non seulement à la piraterie, mais également au problème de la pêche illégale, que les pirates citent systématiquement pour justifier leurs actes. »
Les 3 330 kilomètres de côtes somaliennes comptent plusieurs sites importants de débarquement, notamment à Kismayo, Mogadiscio, Merka et Brava dans le sud, et à Eyl, Bargal, Bolimog, Las Korey, Berbera et Bosasso dans le nord. Plusieurs grandes espèces vivent dans les eaux somaliennes, notamment le thon et le maquereau, et d’autres espèces plus petites comme les sardines, les requins et les homards.
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