Non au Carbone Bleu ! Oui à la souveraineté alimentaire et à la justice climatique...



Non au Carbone Bleu

Oui à la souveraineté alimentaire et à la justice climatique

Déclaration des deux forums mondiaux de la pêche artisanale lors de la COP 21 à Paris, 2015.

Forum mondial des populations de pêcheurs (WFFP) et Forum mondial des pêcheurs et des travailleurs de la pêche (WFF) 

Alors que les conséquences dévastatrices du changement climatique deviennent de plus en plus désastreuses, il devient de plus en plus évident que les négociations sur le climat dominées par les multinationales ne font pas partie de la solution mais font plutôt partie du problème. Au lieu de promouvoir les changements systémiques nécessaires qui pourraient arrêter le pillage des ressources de la terre lié à l’extraction du pétrole et à la déforestation, dans le seul but de la course au profit, les seules propositions faites par les négociateurs sont des solutions basées sur le marché, favorables aux multinationales. Dans ces prétendues solutions, la condition préalable est de ne pas aller à l’encontre des intérêts et du pouvoir des multinationales, mais de les renforcer, en leur donnant plus de contrôle sur nos ressources naturelles. Les négociateurs semblent croire que, si nous voulons résoudre les problèmes du changement climatique, nous devons donner un plus grand rôle aux multinationales pour gouverner la nature, et ainsi le changement climatique leur fournira un outil supplémentaire pour faire des profits au détriment de la planète et des peuples.


"Carbone Poisson" ou comment la biodiversité marine "contenue" dans d'immenses parcs marins interdits à la pêche peut être monnayée en "Fish carbon" par les entreprises les plus polluantes (= compensation carbone)

Le carbone bleu : une fausse solution.

Une de ces nouvelles initiatives est le principe du carbone bleu, mis en avant par certains gouvernements, des ONG environnementalistes et les multinationales. Les projets de carbone bleu prétendent protéger les zones humides (mangroves, marais littoraux et prairies marines) afin d’atténuer les émissions mondiales de carbone par leurs capacités naturelles à capturer et stocker le carbone. Pour y arriver, ils donnent une valeur économique à ces zones en fonction de la quantité de carbone qu’elles peuvent capturer et stocker, puis ils en font une nouvelle ressource marchande et financière sur laquelle les multinationales et les investisseurs peuvent spéculer. Par de tels investissements, ces acteurs peuvent compenser leurs émissions de carbone ou simplement en faire commerce pour du profit. Loin de résoudre les problèmes, c’est une fausse solution qui légitime la poursuite des émissions et le pillage des ressources naturelles dans un endroit tant que des zones humides qui stockent et absorbent le carbone dans un autre endroit sont protégées.

En plus d’être une fausse solution, cette prétendue protection fait plus de mal que de bien. la manière dont ces acteurs prévoient de mettre en avant ce carbone bleu comme moyen de conservation aura pour résultat le déplacement des gens qui vivent dans et de ces zones. Leur modèle de conservation inclut l’expulsion de communautés, en réduisant leurs droits d’accès coutumiers ou communautaires, et transforme fondamentalement la relation de la communauté à ses ressources vers une vision plus étroite de la conservation. Comme le WWF et le Crédit Suisse l’ont déclaré, nous devrions, dans les communautés, développer « notre sens des affaires et nos aptitudes en matière de finances » pour participer à leurs projets de conservation. De tels efforts de conservation, qui mettent en priorité un écotourisme orienté vers le profit et des Aires Marines Protégées, plutôt que les droits humains des communautés de pêcheurs et de vraies solutions au changement climatique, ne sont rien moins que l’accaparement des océans.(1)

Les producteurs de nourriture artisanaux ont les vraies solutions.

Au lieu de ces fausses solutions favorables aux multinationales, nous, pêcheurs artisans, avec les autres petits producteurs (2) avons les solutions et les visions équitables et écologiques du changement climatique. Notre culture indigène et nos connaissances traditionnelles représentent tout un modèle de vie durable pour les communautés et la nature et non pour le profit. Ceci se reflète également dans notre engagement pour les ressources au regard de nos pratiques de pêche, à terre comme en mer. Comme c’est indiqué dans les Directives pour les pêches artisanales (3), les pêcheurs à petite échelle utilisent des méthodes de pêche non industrielles (engins passifs ou relève manuelle des filets) qui ont un faible impact sur les écosystèmes sont efficaces du point de vue de l’énergie, avec une faible empreinte carbone.

Les véritables solutions à la crise climatique devraient être basées sur nos connaissances et nos pratiques qui offrent un équilibre harmonieux entre les hommes et la nature. Ces solutions devraient être basées sur le principe simple que les droits humains passent avant les profits des multinationales. Nos droits humains, c’est-à-dire nos droits civiques, politiques, sociaux, économiques et culturels doivent être respectés. Outre le fait d’être écologiquement justes, les pêches artisanales assurent un moyen d’existence à 90% du demi milliard de personnes employées dans la pêche - la moitié étant des femmes. Les pêcheurs artisans sont donc des acteurs clés pour assurer des ressources gérées de manière durable de telle sorte que ne soient pas abandonnés les besoins socio-économiques des nombreuses personnes, souvent marginalisées, qui dépendent des ressources aquatiques dans le monde, particulièrement dans le Sud. Au lieu de suivre aveuglément les fausses solutions qui donnent la priorité aux droits des multinationales et du capital financier pour piller les ressources de la terre, les gouvernements devraient d’abord et avant tout, nous- le peuple- prendre en compte. en tant que gardiens des ressources halieutiques, on devrait nous redonner le contrôle des eaux, afin que les pêcheurs puissent gérer leurs propres ressources pour le bien de l’humanité et de la planète et non pour le profit.

Nous continuerons de nous battre pour appliquer nos vraies solutions et dans ce combat, les femmes et les jeunes montrent la voie et assurent la pérennité du mouvement. Depuis trop longtemps, les mouvements sociaux sont divisés par des engagements dans des luttes diverses. Il est temps pour nous d’agir en convergence, à la fois au niveau local et mondial. Pour nous cela commence par exiger la souveraineté alimentaire et la justice climatique.

Traduction : Danièle Le Sann

(1) http://worldfishers.org/wp-content/uploads/2015/01/The_Global_Ocean_Grab
EN.pdf
(2) http://viacampesina.org/en/index.php/actions-and-events-mainmenu- 26/-climate-change-and-agrofuels-mainmenu-75/1853-peasant-agriculture-is-a- true-solution-to-the-climate-crisis
(3) http://www.fao.org/3/a-i4356e.pdf

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Posté par Regard sur la Pêche et Aquaculture sur lundi 21 décembre 2015

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