La pêche artisanale est plus "Responsable"

« Nous avons besoin d'un nouveau cadre juridique afin que tous les pays exploitent leurs ressources halieutiques de façon responsable » disent Tony Pitcher de l’Université de Colombie Britannique (Canada) et ses collègues qui viennent de publier un document dans lequel une cinquantaine de pays sont classés en fonction de leur efficacité en matière de gestion des pêches.

Les auteurs ont classé 53 pays qui représentent 96% des captures mondiales, en fonction de leur conformité avec les recommandations du code de conduite pour une pêche responsable de la FAO (Evaluations of Compliance with the FAO (UN) Code of Conduct for Responsible Fisheries) :
- Pays « bons élèves » : Norvège, USA, Australie, Canada,…
- Pays « mauvais élèves » : Corée du Nord, Birmanie, Angola, Nigéria,…

Le code de conduite pour une pêche responsable de la FAO, publié en 1995, définit les règles décidées à l'échelle internationale pour une exploitation des ressources halieutiques durable et équitable et que tous les pays se sont engagés à adopter.

Après 12 années, les auteurs montrent qu’entre les intentions de respecter le code de bonne conduite de la FAO et les résultats constatés, il y a un fossé, et que d’une manière générale, aucun pays n'est en conformité avec les recommandations pour une pêche responsable et qu’il est nécessaire d’apporter des améliorations à tous les niveaux pour atteindre les objectifs.

Les auteurs constatent que les pays développés ont en moyenne des résultats deux fois plus importants que les pays en développement. En Afrique, en Asie et en Amérique Latine, presque tous les pays ne gèrent pas bien leurs pêcheries. Mais il existe quelques exceptions. La Malaisie, la Namibie et l'Afrique du Sud ont obtenu de meilleurs résultats que de nombreux pays européens. Les clés de la réussite suggérés par les auteurs, résident dans une aide au développement ciblée, par exemple, l'amélioration de la surveillance de la pêche en Thaïlande, en Malaisie ou au Maroc.

L'une des conclusions importantes de l’étude est que la pêche a besoin d’un nouveau cadre juridique pour atteindre les objectifs d’une exploitation responsable et équitable des ressources halieutiques.

Plusieurs sujets sont passés au crible des chercheurs. La partie consacrée à la pêche artisanale est riche d'enseignement.

La pêche artisanale est plus responsable que le secteur industriel

Plus de 60% des captures mondiales sont attribuées à la pêche artisanale. Cette activité qui englobe la pêche à petite échelle et les pêcheries autochtones, se caractérise par une faible consommation d'énergie (carburant) et par la création de nombreux emplois contrairement à la pêche industrielle (Ruttan et al. 2000). Par conséquent, elle possède les caractéristiques d’une activité viable à long terme, comme le définit le Code de conduite de la FAO (Hauck 2008). En outre, un pourcentage beaucoup plus élevé des captures est utilisé pour la consommation alimentaire immédiate, elle joue un rôle essentiel dans la sécurité alimentaire des communautés côtières (Pauly, 2006). De même, les peuples autochtones ne sont pas des acteurs « dominants » dans la société, mais ils sont déterminés à préserver, développer et transmettre aux générations futures leurs activités de pêche ancestrales et leur identité ethnique comme base de la continuité de leur existence en tant que peuples, conformément à leurs modèles culturels, leurs institutions sociales et leur système juridique.

Conformité avec le code de conduite de la FAO dans la gestion des pêcheries artisanales

D’après les auteurs, la pêche artisanale est plus « sérieuse » quant à la gestion des ressources. Les pays qui ont les meilleures évaluations, le Japon, le Chili, l'Australie, la Norvège et les États-Unis, sont ceux qui ont déployé le plus d’efforts pour inclure les petits pêcheurs dans la gestion halieutique. Il est bien connu que la politique des pêches de ces pays permet la participation communautaire et la co-gestion au niveau local. Dans ces pays, il existe des structures de consultation. Par exemple, dans le cas de la Norvège, les règlements sont mis en oeuvre par un comité de gestion, souvent en réponse aux demandes des pêcheurs locaux. Au Chili, l'exploitation des ressources benthiques est peut-être la plus novatrice en matière de gestion, clairement fondée sur la notion de « droits d’usage territoriaux ». En d’autres termes, les organisations locales de pêcheurs artisanaux ont des droits exclusifs sur des portions de la côte en matière de gestion et d’exploitation de la ressource halieutique.

Philippe FAVRELIERE d'après un article de Science et Développement

Information complémentaire dans Nature : Not honouring the code (Nature)

Rapport complet : Safe Conduct? Twelve years fishing under the UN Code (WWF)

Autres informations :
La pêche artisanale durable (L'Encre de Mer)
Système de gestion des pêcheries

Commentaire :

ajouté le 19 février 2009 d'après René-Pierre Chever (Comité Local des Pêches du Guilvinec)

La déclaration de Bangkok demande au COFI (Comité des pêches de la FAO) d’inclure dans le code de conduite pour une pêche responsable un chapitre supplémentaire relatif à la pêche artisanale. Le COFI devrait accorder toute l’attention souhaitée par les pêcheurs artisans à cette requête.
ce chapitre supplémentaire permettrait d’agir sur les points suivants :

  1. Exprimer toutes les potentialités de la pêche artisanale en matière de sécurité alimentaire, de développement durable et de lutte contre la pauvreté.
  2. Fournir aux gouvernements des orientations sur les façons d’optimiser les potentialités de la pêche artisanale dans le cadre d’une pêche durable.
  3. Aider les communautés de pêcheurs artisans et leurs organisations à obtenir une aide appropriée de leur gouvernement.

Il va être très instructif de suivre les prises de position des représentants de la France et de l’Union Européenne, si tant est qu’ils soient présents...

Voir le document intégral sur le site du Comité Local des pêches du Guilvinec : Qui va à la réunion du COFI début mars, à Rome ?

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